L'art de la guerre
L'effacement de l'histoire
Manlio Dinucci
Mardi 12 mai 2015
Le 70° anniversaire de la victoire sur
le nazisme, le 9 mai à Moscou, a été
boycotté sur la pression de Washington
par tous les gouvernants de l’Ue, sauf
le président grec, et mis sous le
boisseau par les médias occidentaux,
dans une tentative grotesque d’effacer
l’Histoire. Non sans résultats : en
Allemagne, France et Grande-Bretagne il
s’avère que 87% des jeunes ignorent le
rôle de l’Urss dans la libération de
l’Europe du nazisme. Rôle qui fut
déterminant pour la victoire de la
coalition antinazie. Après l’attaque de
l’Urss le 22 juin 1941 par 5,5 millions
de soldats, 3500 chars et 5000 avions,
l’Allemagne nazie concentra en
territoire soviétique 201 divisions,
c’est-à-dire 75% de toutes ses troupes,
auxquelles s’ajoutaient 37 divisions de
ses satellites (parmi lesquels
l’Italie). L’Urss demanda sans relâche
aux alliés d’ouvrir un second front en
Europe, mais les Etats-Unis et la Grande-Bretagne le
retardèrent, aux fins de décharger la
puissance nazie sur l’Urss pour
l’affaiblir et avoir ainsi une position
dominante au terme de la guerre. Le
second front fut ouvert avec le
débarquement anglo-étasunien en
Normandie en juin 1944, quand désormais
l’Armée rouge et les partisans
soviétiques avaient défait les troupes
allemandes en assénant le coup décisif à
l’Allemagne nazie.
Le prix payé par l’Union
Soviétique fut très haut : environ 27
millions de morts, civils pour plus de
la moitié, correspondants à 15% de la
population (par rapport aux 0,3% des USA
dans toute la Seconde guerre mondiale) ;
environ 5 millions de déportés en
Allemagne ; plus de 1700 villes et
bourgs, 70 mille petits villages, 30
mille usines détruites.
On tente aujourd’hui d’effacer
cette page fondamentale de l’histoire
européenne et mondiale, en mystifiant
aussi les événements successifs. La
guerre froide, qui divisa à nouveau
l’Europe immédiatement après
la Seconde
guerre mondiale, ne fut pas provoquée
par une attitude agressive de l’Urss,
mais par le plan de Washington d’imposer
la domination étasunienne sur une Europe
en grande partie détruite. Ici aussi les
faits historiques parlent. Un mois à
peine après le bombardement de Hiroshima
et Nagasaki, en septembre 1945, on
calculait déjà au Pentagone qu’il
fallait plus de 200 bombes nucléaires
pour attaquer l’Urss. En 1946, quand le
discours de Churchill sur le « rideau de
fer » ouvrait officiellement la guerre
froide, les USA avaient 11 bombes
nucléaires, qui en 1949 grimpaient à
235, alors que l’Urss n’en possédait pas
encore. Mais en cette année-là l’Urss
effectua la première explosion
expérimentale, en commençant à
construire son propre arsenal nucléaire.
Dans cette même année l’Otan fut
fondée à Washington, en fonction
anti-soviétique, six ans avant le Pacte
de Varsovie constitué en 1955. La guerre
froide terminée, à la suite de la
dissolution en 1991 du Pacte de Varsovie
et de l’Union Soviétique elle-même,
l’Otan s’est étendue sur pression de
Washington jusqu’à l’intérieur du
territoire de l’ex Urss. Et quand
la Russie,
s’étant reprise de la crise, a reconquis
son rôle international en liant des
rapports économiques croissants avec l’Ue,
le putsch en Ukraine, sous gestion
Usa/Otan, a ramené l’Europe dans un
climat de guerre froide.
En boycottant dans le sillage des
USA le 70° anniversaire de la victoire
sur le nazisme, l’Europe occidentale
(celle des gouvernements) efface
l’histoire de sa propre Résistance,
qu’elle trahit en soutenant les nazis
arrivés au gouvernement à Kiev. Elle
sous-évalue la capacité de
la Russie
à réagir, quand elle est envoyée dans
les cordes. Elle a l’illusion de pouvoir
continuer à dicter sa loi, quand la
présence à Moscou des plus grands
représentants des Brics, à commencer par la Chine, et de nombreux autres pays confirme que la
domination impériale de l’Occident est
sur la voie du déclin.
Edition de mardi 12 mai 2015 de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/la-cancellazione-della-storia/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Et quelques photos
(m-a patrizio) : Monument aux morts de
la Grande guerre patriotique, et
documents musées d'Histoire
contemporaine et Maiakovski (Moscou).
m-a
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