L'art de la guerre
Des USA, appel aux armes
Manlio Dinucci
Mardi 9 décembre 2014
La Chambre
des représentants des Etats-Unis
d’Amérique a adopté (4 décembre 2014)
quasiment à l’unanimité (411 voix contre
10) la Résolution 758 [1], qui « condamne avec force les
actions de la Fédération Russe,
sous la présidence de Vladimir Poutine,
pour avoir opéré une politique
d’agression visant à la domination
politique et économique de pays
voisins », en particulier l’Ukraine que
« la Fédération Russe
a soumis à une campagne d’agression
politique, économique et militaire dans
le but d’établir sa domination sur le
pays et d’effacer son indépendance ».
La résolution balaie ainsi toute
l’histoire de la pénétration USA/Otan en
Ukraine, jusqu’au putsch de Place Maïdan
organisé pour susciter la réaction des
Russes d’Ukraine et de la Fédération Russe,
ramenant l’Europe à une nouvelle guerre
froide. La résolution appelle donc le
Président à fournir au gouvernement
ukrainien armes, entraînement et
renseignement, et en même temps à revoir
« l’état de préparation des forces
armées USA et Otan ». En accusant la Russie de violer le Traité
Inf [2], qui en
1991 a
éliminé en Europe les missiles
nucléaires à moyenne portée lancés
depuis le sol (parmi lesquels ceux USA
stockés à Comiso, Sicile), la résolution
demande au Président de « revoir
l’utilité du Traité Inf pour les
intérêts des Etats-Unis » avec la
possibilité de « se retirer du Traité »
(non par hasard au moment où les USA
modernisent les armes nucléaires qu’ils
conservent en Europe, Italie comprise).
La résolution sollicite en outre
le Président pour qu’il vérifie si
chaque allié est en mesure de contribuer
à l’ « autodéfense collective sur la
base de l’article 5 [3] du Traité de
l’Atlantique Nord ». Cet article, qui
oblige tous les membres de l’Alliance à
intervenir si l’un d’entre eux est
attaqué, est de fait étendu aujourd’hui
aussi à l’Ukraine, bien qu’elle ne soit
pas encore officiellement membre de
l’Otan. Les alliés se trouvent
directement sollicités, dans la
résolution, pour « fournir leur plein
quota de ressources nécessaires à la
défense collective », c’est-à-dire à
accroître la dépense militaire sur la
base de l’engagement pris de le porter à
au moins 2% de leur PIB.
Ce qui implique pour l’Italie
l’augmentation des actuels 52 millions
d’euros par jour, selon les chiffres
officiels de l’Otan (72 selon les
chiffres du Sipri), à plus de 100
millions d’euros par jour.
Sur le plan économique, pour
« réduire la capacité de
la Russie
à utiliser les fournitures énergétiques
comme moyen de pression », la résolution
appelle l’Union européenne à « soutenir
les initiatives de diversification
énergétique » entreprises par les USA,
notamment « l’augmentation des
exportations de gaz naturel et d’autres
types d’énergie par les Etats-Unis »
vers l’Ue, l’Ukraine et d’autres pays
européens. En d’autres termes, elle
appelle l’Ue à renoncer à l’importation
de gaz russe (et pour cela les USA ont
enterré le gazoduc South Stream) pour
importer celui liquéfié (par ailleurs
beaucoup plus cher) fourni par les
multinationales étasuniennes.
La résolution enfin appelle le
Président à développer une stratégie
pour « produire et diffuser des
informations en langue russe dans des
pays ayant des secteurs significatifs de
population qui parlent russe », en
maximalisant l’utilisation des émetteurs
« La voix de l’Amérique » et « Radio
Europe Libre /Radio Liberté » à travers
« un partenariat public-privé » avec des
médias nationaux. En relançant ainsi en
Europe l’hystérisme propagandiste de la
guerre froide.
Voici, en résumé, le contenu de la Résolution 758 [4] qui,
après qu’elle aura été approuvée aussi
au Sénat, deviendra une véritable loi
pour l’actuelle et les futures
administrations.
Et en même temps une déclaration
officielle de guerre à
la Russie
qui, à travers l’Otan, ramène l’Europe
en première ligne d’une nouvelle
confrontation militaire périlleuse.
Edition de mardi 9 décembre 2014 de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/dagli-usa-chiamata-alle-armi-in-ucraina/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Apostille de la traductrice pour la
version française :
Pour des chiffres précis sur le montant
de la contribution française au «
plein quota de ressources nécessaires à
la défense collective » recommandée par
la résolution 758 du Congrès
étasunien, on peut s’adresser à Madame
la députée Patricia Adam, Présidente de la Commission défense à
l’Assemblée nationale, et membre de la Délégation française à l'assemblée parlementaire
de l'Otan.
Rappel de
la Loi
de programmation militaire pour les
années 2014 à 2019, sur le financement
des opérations extérieures (http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta-commission/r1551-a0.asp
), article 5.3. :
« La présente programmation retient un
montant de 450 M € pour la dotation
prévisionnelle annuelle au titre des
opérations extérieures.
En gestion, les surcoûts nets (hors
titre 5 et nets des remboursements des
organisations internationales) non
couverts par cette dotation qui
viendraient à être constatés sur le
périmètre des opérations extérieures
font l’objet d’un financement
interministériel ».
Financement interministériel : on
pourra donc aussi demander à Madame Adam
quels autres ministères français
contribuent au pourcentage, fixé par
l’Otan, qu’elle a consciencieusement
rappelé en séance de l’AN, pour « passer
un cap difficile, mais ayons conscience
que l’augmentation de nos capacités
militaires est désormais indispensable
en attendant, comme cela a été dit par
le ministre lui-même, de pouvoir
retrouver meilleure fortune ainsi que
les 2 % du PIB ».
http://www.nosdeputes.fr/14/seance/3682#inter_76ba075b
143268d8d78248c5911910be .
[3]
http://www.nato.int/terrorism/cinq.htm
; on remarquera que cette page
concernant l’art. 5 sur le site
de l’Otan est disponible (depuis
février 2005) en quatre
langues : anglais, français,
ukrainien et russe.
[4]
Le lecteur (et contribuable)
français appréciera en
particulier le bon accueil fait
par le Congrès étasunien à « la
décision de
la France
de suspendre la livraison des
navires Mistral à la Fédération Russe » :
« Welcomes
France's decision to suspend the
delivery of the Mistral-class
warships to the Russian
Federation ».
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