L'art de la guerre
La brûlante vérité d'Ilaria
Manlio Dinucci
Mardi 9 juin 2015
La docufiction “Ilaria Alpi –
L’Ultimo Viaggio” (“Ilaria Alpi-Le
dernier voyage”, visible sur le site de
Rai Tre [1]) met en lumière, surtout
grâce aux preuves découvertes par le
journaliste Luigi Grimaldi, l’homicide
de la journaliste et de son opérateur
Miran Hrovatin le 20 mars 1994 à
Mogadiscio. Ils ont été assassinés, dans
un guet-apens organisé par
la Cia avec l’aide
de Gladio [2] et des services secrets
italiens, parce qu’ils avaient découvert
un trafic d’armes géré par la Cia à travers la flotte de la
société Schifco, donnée par
la Coopération
italienne à la Somalie officiellement pour la pêche.
En réalité, au début des années 90,
les navires de la Schifco était utilisés,
avec des navires de Lettonie, pour
transporter des armes étasuniennes et
des déchets toxiques, y compris
radioactifs, en Somalie, et pour
approvisionner en armes la Croatie en guerre contre la Yougoslavie. Même
si on n’en parle pas dans la docufiction,
il s’avère qu’un navire de la Schifco, le 21 Oktoobar
II (ensuite sous bannière panaméenne
sous le nom de Urgull), se
trouvait le 10 avril 1991 dans le port
de Livourne où était en cours une
opération secrète de transbordement
d’armes étasuniennes revenues à Camp
Darby après la guerre en Irak, et où se
consomma la tragédie du Moby Prince dans
laquelle moururent 140 personnes.
Sur le cas Alpi, après huit procès (avec la condamnation d’un
Somalien jugé innocent par les parents
mêmes d’Ilaria) et quatre commissions
parlementaires, la vérité est en train
de venir au jour : à savoir ce qu’Ilaria
avait découvert et noté dans ses
carnets, que les services secrets ont
fait disparaître. Une vérité d’actualité
brûlante, dramatique.
L’opération « Restore Hope », lancée en décembre 1992 en Somalie
(pays de grande importance
géostratégique) par le président Bush,
avec l’assentiment du néo-président
Clinton, a été la première mission d’«
ingérence humanitaire ».
Avec la même motivation, à savoir
intervenir militairement quand est en
danger la survie d’un peuple, ont été
lancées les successives guerres USA/Otan
contre
la Yougoslavie,
l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie et d’autres opérations
comme celles au Yémen et en Ukraine.
Préparées et accompagnées, en costume «
humanitaire », par des activités
secrètes. Une enquête du New York
Times (26 mars 2013 [3]) a confirmé
l’existence d’un réseau international de
la Cia qui, avec des
avions qataris, jordaniens et saoudiens,
fournit aux « rebelles » en Syrie, par la Turquie, des armes provenant aussi de la Croatie, qui rend ainsi à la Cia la « faveur » reçue dans
les années 90.
Quand le 29 mai dernier le quotidien turc Cumhuriyet a
publié une vidéo montrant le transit de
ces armes à travers la Turquie, le président
Erdogan a déclaré que le directeur du
journal allait payer « un lourd prix ».
Il y a vingt et un ans Ilaria Alpi paya de sa vie la tentative de
démontrer que la réalité de la guerre
n’est pas seulement celle que l’on nous
met sous les yeux. Depuis lors la
guerre est devenue de plus en plus «
couverte ». Comme le confirme un
reportage du New York Times (7
juin [4]) sur le « Team 6 », unité
supersecrète du Commandement USA pour
les opérations spéciales, chargées des «
meurtres silencieux ». Ses spécialistes
« ont tramé des actions mortelles depuis
des bases secrètes sur les calanques de la Somalie ; en Afghanistan
ils se sont engagés dans des combats si
rapprochés qu’ils sont rentrés trempés
d’un sang qui n’était pas le leur », en
tuant y compris avec des «tomahawks
primitifs». En utilisant « des stations
d’espionnage dans le monde entier », en
se camouflant en « employés civils de
sociétés ou en fonctionnaires
d’ambassades », ils suivent ceux que «
les Etats-Unis veulent tuer ou capturer
». La « Team 6 » est devenue « une
machine mondiale de chasse à l’homme ».
Les tueurs d’Ilaria Alpi sont encore plus puissants aujourd’hui.
Mais la vérité est dure à tuer.
Edition de mardi 9 juin 2015 de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/la-scottante-verita-di-ilaria-alpi/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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