L'art de la guerre
L’avertissement nucléaire de
Poutine
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Jeudi 8 mars 2018
Le discours du président russe
Poutine sur l’état de la nation, dédié
aux questions internes et
internationales, a suscité en Italie un
faible intérêt politico-médiatique et
quelques commentaires ironiques.
Pourtant il devrait être écouté avec une
extrêmes attention.
Evitant les périphrases diplomatiques, Poutine joue cartes sur
table. Il dénonce le fait que dans les
15 dernières années les Etats-Unis ont
alimenté la course aux armements
nucléaires, en essayant d’acquérir un
net avantage stratégique sur la Russie.
Cela est confirmé même par la Fédération
des scientifiques américains : grâce à
des techniques révolutionnaires, les USA
ont triplé la capacité destructrice de
leurs missiles balistiques d’attaque
nucléaire. En même temps -souligne
Poutine- les USA, sortant du Traité Abm,
ont déployé un système mondial de
“défense anti-missiles” pour neutraliser
la capacité russe de répondre à une
première attaque nucléaire. Dans le
sillage de l’expansion de l’Otan à
l’Est, ils ont installé des sites de
missiles en Roumanie et en Pologne,
tandis que d’autres systèmes de
lancement (de missiles non seulement
intercepteurs mais aussi d’attaque
nucléaire) se trouvent sur 18 navires de
guerre déployés dans des aires proches
du territoire russe.
Plusieurs fois la Russie a averti les Etats-Unis et les états
européens membres de l’Otan que, en
riposte à ce déploiement, elle allait
adopter des contre-mesures. “Mais
personne ne nous écoutait, donc
maintenant écoutez-nous”, prévient
Poutine. Il passe ainsi au langage de la
force, le seul à l’évidence qu’on
comprend à Washington.
Après avoir rappelé qu’à la suite
de l’écroulement de l’URSS la Russie
avait perdu 44,6% de son potentiel
militaire et que les USA et leurs alliés
étaient persuadés qu’elle n’aurait plus
pu le reconstruire, Poutine montre sur
deux grands écrans les nouveaux types
d’armes stratégiques développés par la
Russie.
Un missile de croisière lancé depuis les airs armé de tête
nucléaire, avec rayon d’action
pratiquement illimité car alimenté à
l’énergie nucléaire, une trajectoire
imprévisible et la capacité de pénétrer
à travers n’importe quelle défense
anti-missile.
Les missiles Kinzhal (Poignard) et Avangard à vitesse
hypersonique (plus de 10 fois celle du
son).
Le missile balistique intercontinental Sarmat de 200 tonnes
sur plate-forme mobile, avec une
portée de 18 000 Km, armé de plus de 10
têtes nucléaires qui manoeuvrent à la
vitesse hypersonique pour échapper aux
missiles intercepteurs.
Un drone sous-marin plus rapide qu’une torpille qui, alimenté à
l’énergie nucléaire, parcourt des
distances intercontinentales à grande
profondeur pour atteindre des ports et
fortifications côtières avec une tête
nucléaire de grande puissance.
Poutine révèle les
caractéristiques de ces armes car il
sait que les Etats-Unis sont en train de
développer des armes analogues et qu’il
veut les avertir que la Russie est
désormais à leur niveau ou à un niveau
supérieur.
Cela confirme que la course aux armements nucléaires se joue non
pas sur la quantité mais, de plus en
plus, sur la qualité des armes,
c’est-à-dire sur le type de vecteurs et
sur les capacités offensives des têtes
nucléaires. Cela confirme en même temps
le péril croissant que nous courons en
ayant sur notre sol des armes nucléaires
et des installations stratégiques
étasuniennes, comme le Muos et le Jtags
en Sicile.
Le ministre des Affaires étrangères russe Lavrov
dénonce : “Les Etats européens
non-nucléaires membres de l’Otan,
violant le Traité de non-prolifération,
se trouvent entraînés par les USA à
l’utilisation d’armes nucléaires
tactiques contre la Russie”.
L’avertissement est clair, y compris
pour l’Italie. Mais aucun des principaux
partis n’en a pris acte, en effaçant de
la campagne électorale, avec une sorte
d’accord tacite, toute référence à
l’Otan et aux armes nucléaires. Comme si
cela n’avait rien à voir avec notre
avenir et avec notre vie même.
Edition de mardi 6 mars 2018 de
il manifesto
Traduit de l’italien par M-A P.
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