L'art de la guerre
Grèce, le facteur O(tan)
Manlio Dinucci
Mardi 7 avril 2015
Tsipras rencontre Poutine à Moscou le 8
avril, au moment même où Ue, Bce et FMI
tiennent un nouveau sommet sur
la Grèce, qui le jour
suivant doit rembourser une
échéance de 450 millions
d’euros du prêt concédé par le Fonds
monétaire international. Les thèmes
officiels, dans la rencontre de Moscou,
sont ceux du commerce et de l’énergie,
dont la possibilité que
la Grèce
devienne le hub européen du nouveau
gazoduc, remplaçant le South Stream
bloqué par
la Bulgarie
sous pression étasunienne, qui apportera
à travers la Turquie le gaz russe au
seuil de l’Ue. On parlera aussi d’un
possible relâchement des
contre-sanctions russes, en permettant
l’importation de produits agricoles
grecs. Selon ses déclarations à l’Agence
Tass (31 mars), le premier ministre
Tsipras a communiqué au président du
Conseil européen, Donald Tusk, et à la
représentante pour la politique
étrangère Ue, Federica Mogherini, que «
nous ne sommes pas d’accord avec les
sanctions contre
la Russie ». Et, au
premier sommet Ue auquel il a participé
les 19-20 mars, il a officiellement
soutenu que « la nouvelle architecture
de la sécurité européenne doit inclure
la Russie ». En
confirmation de cette position, Tsipras
sera de nouveau à Moscou le 9 mai pour
le 70ème anniversaire de la
victoire sur l’Allemagne nazie,
célébration boycottée par la majorité
des leaders occidentaux (en commençant
par Obama, Merkel et Cameron). Il y aura
par contre le président chinois Xi, avec
des représentants des forces armées
chinoises, qui défileront sur
la Place Rouge avec les
forces russes pour symboliser l’alliance
de plus en plus étroite entre les deux
pays. Le président Poutine, à son tour,
sera en septembre à Pékin pour célébrer
le 70ème anniversaire de la
victoire sur le Japon militariste.
En se rapprochant de la Russie, la Grèce de Tsipras se rapproche
ainsi de fait aussi de
la Chine et de la
nouvelle aire économique euro-asiatique,
qui est en train de naître sur la base
de la Banque d’investissements pour les infrastructures
asiatiques créée par Pékin, à laquelle a
adhéré la Russie avec environ 40
autres pays. Des organismes financiers
de cette aire et aussi de ceux des Brics
(Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique
du Sud) - qui visent à supplanter la Banque Mondiale et
le FMI dominés par les USA et les plus
grandes puissances occidentales- la Grèce pourrait recevoir les
moyens de se soustraire à l’étreinte
étouffante d’Ue, Bce et FMI. Parce que,
aussi,
la Chine
veut faire du Pirée un hub de première
importance de son réseau
commercial. Selon The Independent
(3 avril), « le gouvernement grec est
prêt à nationaliser les banques du pays
et à créer une nouvelle monnaie »,
c’est-à-dire est prêt à sortir de l’euro
et, s’il le faut, même de l’Ue.
Mais entre en jeu ici un autre
facteur : l’appartenance de
la Grèce
non seulement à l’Ue mais à l’Otan. «
Une Grèce amie de Moscou pourrait
paralyser la capacité de l’Otan à réagir
à l’agression russe », prévient Zbigniew
Brzezinski (Afp, 25 mars). Des paroles
menaçantes à ne pas sous-évaluer, car
Brzezinski a longtemps été conseiller
stratégique de la Maison Blanche, avec
laquelle il est encore en contact
étroit. Même si le ministre de la Défense Kammenos
assure que « le nouveau gouvernement
grec garde ses engagements dans l’Otan
malgré ses relations politiques avec la Russie », à Washington et Bruxelles on est
sûrement en train de préparer un plan
pour empêcher que la Grèce ne devienne un «
maillon faible » dans le nouvel
affrontement avec la Russie et, de fait, avec la Chine. Le putsch de 1967,
qui amena au pouvoir les colonels, fut
opéré sur la base du plan « Prométhée »
de l’Otan.
Les temps ont changé, mais pas les
intérêts politiques et stratégiques sur
quoi se fonde l’Otan. Entre-temps
devenue plus experte dans les méthodes
de déstabilisation interne.
Edition de mardi 7 avril 2015 de il
manifesto
http://ilmanifesto.info/grecia-il-fattore-nato/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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