L'art de la guerre
Le Traité FNI enterré,
les nouveaux euromissiles arrivent. Ue complice
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Dimanche 4 août 2019
Le secrétaire d’état Mike Pompeo a
annoncé hier (2 août 2019) après six
mois de suspension, le retrait définitif
des États-Unis du Traité sur les Forces
nucléaires intermédiaires (INF ou FNI),
accusant la Russie de l’avoir
“délibérément violé, mettant en danger
les intérêts suprêmes USA”. À cette
nouvelle n’a été donné en Italie que
très peu d’écho politique et médiatique
(l’Ansa -agence de presse nationale
italienne- ne lui a consacré que
quelques lignes). Et pourtant nous
sommes devant une décision qui a de
dramatiques implications pour l’Italie,
exposée comme d’autres pays européens à
se tenir en premières lignes dans une
nouvelle confrontation nucléaire
USA-Russie non moins dangereuse que
celle de la guerre froide.
Le Traité FNI,
signé en 1987 par les présidents
Gorbachev et Reagan, élimina tous les
missiles nucléaires à courte portée et à
portée intermédiaire (entre 500 et 5 500
Km) avec base au sol, avant tout les
missiles balistiques Pershing 2,
déployés par les États-Unis en
Grande-Bretagne, Italie, Allemagne de
l’Ouest, Belgique et Pays-Bas, et en
même temps les missiles balistiques
SS-20 (appellation occidentale) basés
par l’Union Soviétique sur son propre
territoire.
En 2014 l’administration Obama accusait
la Russie, sans apporter aucune preuve,
d’avoir expérimenté un missile de
croisière (sigle 9M729) de la catégorie
interdite par le Traité et, en 2015,
annonçait que “face à la violation du
Traité FNI par la Russie, les États-Unis
sont en train de considérer le
déploiement en Europe de missiles avec
base au sol”. Le plan a été confirmé par
l’administration Trump : en 2018 le
Congrès a autorisé le financement d’”un
programme de recherche et développement
d’un missile de croisière lancé du sol
par plate-forme mobile sur route”.
De son côté,
Moscou niait que son missile de
croisière violât le Traité et, à son
tour, accusait Washington d’avoir
installé en Pologne et Roumanie des
rampes de lancement de missiles
intercepteurs (ceux du “bouclier”), qui
peuvent être utilisées pour lancer des
missiles de croisière à tête nucléaire.
Dans ce cadre il convient de garder à
l’esprit le facteur géographique :
tandis qu’un missile nucléaire USA à
portée intermédiaire, basé en Europe,
peut frapper Moscou, un missile analogue
basé par la Russie sur son propre
territoire peut frapper les capitales
européennes, mais pas Washington. Si
l’on inverse le scénario, c’est comme si
la Russie déployait des missiles
nucléaires à portée intermédiaire au
Mexique.
“Les
États-Unis -souligne Mike Pompeo dans sa
déclaration- apprécient grandement la
constante coopération et détermination
des alliés OTAN dans leur réponse à la
violation russe du Traité”. Appréciation
méritée : les alliés, Italie comprise,
ont déclaré la Russie coupable d’avoir
violé le Traité en acceptant les yeux
fermés l’accusation faite par les USA
sans aucune preuve réelle.
L’effacement du Traité FNI,
suspendu aussi par la Russie le 3
juillet, s’insère dans une nouvelle
course aux armements désormais basée non
tant sur la quantité mais sur la qualité
des armes nucléaires et de leurs
vecteurs, et sur leur localisation. Des
sources militaires informent que les
États-Unis sont en train de mettre au
point de nouveaux missiles nucléaires à
portée intermédiaire avec base au sol,
aussi bien de croisière que balistiques
(ceux-ci capables de frapper leurs
objectifs à 6-8 minutes du lancement).
La Russie a prévenu que, s’ils sont
basés en Europe, elle pointera ses
missiles nucléaires sur les territoires
où les missiles USA seront installés.
L’enterrement du Traité FNI a un
objectif stratégique ultérieur. C’est ce
qu’a révélé Pompeo lui-même, en accusant
la Chine de déployer (sur son propre
territoire) des missiles nucléaires à
portée intermédiaire avec base au sol
avec lesquels “elle menace les
États-Unis et leurs alliés en Asie”. Le
secrétaire d’état Pompeo prévient
ensuite : “Il n’y a pas de raison que
les États-Unis continuent à concéder cet
avantage militaire crucial à des
puissances comme la Chine”. Les USA donc
se préparent à déployer de nouveaux
missiles nucléaires à portée
intermédiaire non seulement contre la
Russie mais aussi contre la Chine.
Toutes les deux en mesure de répondre en
déployant de nouvelles armes nucléaires.
Significative la position de la
Commission Européenne, qui a déclaré
hier : “Nous encourageons à préserver
les résultats du Traité FNI, nous devons
être attentifs à ne pas prendre la voie
d’une nouvelle course aux armements qui
réduirait les résultats significatifs
atteints après la fin de la Guerre
froide”. Il faut un sacré toupet pour
déclarer cela, après que cette même
Union européenne a contribué à
l’enterrement du Traité FNI : à
l’Assemblée Générale de l’ONU (21
décembre 2018), l’Union européenne
compacte a rejeté la résolution par
laquelle la Russie proposait de
préserver le Traité en établissant des
mécanismes de vérification et des
négociations.
L’Union européenne
a donné ainsi de fait le feu vert à
l’installation de nouveaux missiles
nucléaires USA en Europe, Italie
comprise.
Édition de samedi 3
août 2019 de il manifesto
https://ilmanifesto.it/affossato-il-trattato-inf-in-arrivo-nuovi-euromissili-europa-complice/
Traduit de l’italien par M-A P.
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