Opinion
Le monde « plus sûr » assis sur la Bombe
Manlio Dinucci
Samedi 4 avril 2015
L’accord qui empêche l’Iran d’obtenir
une arme nucléaire rend « notre monde
plus sûr », a annoncé le président Obama
le 2 avril. Le même jour, pourtant, le
Commandement de
la US Air
Force pour l’ « attaque globale »
communiquait le lancement expérimental
opéré (avec des têtes non-nucléaires)
dans le Pacifique de deux Minuteman III,
missiles balistiques intercontinentaux à
tête nucléaire, comme « aide-mémoire
visuel à la fois pour nos adversaires et
pour nos alliés » du fait que la « US
Air Force peut attaquer n’importe où, à
tout moment, avec une rapidité et une
précision plus grandes que jamais ».
Cela confirme ce que The New York Times documentait en septembre
dernier, à savoir que « l’administration
Obama est en train d’investir des
milliards de dollars dans la
modernisation de son arsenal
nucléaire ». Le plan pluriannuel, dont
le coût est prévu à environ 1000
milliards de dollars, prévoit la
construction de 12 nouveaux sous-marins
d’attaque (chacun pouvant lancer, avec
24 missiles balistiques, jusqu’à 200
têtes nucléaires sur autant
d’objectifs), 100 autres bombardiers
stratégiques (avec chacun environ 20
missiles ou bombes nucléaires) et 400
missiles balistiques intercontinentaux
avec de puissantes têtes nucléaires.
Dans ce plan entre aussi l'amélioration
des 70-90 bombes nucléaires USA stockées
en Italie, ignorées par la
haute-représentante Ue Federica
Mogherini qui, pendant qu’elle fait les
louanges de l’accord sur le nucléaire
iranien, tait le fait que l’Italie, en
hébergeant des armes nucléaires que des
pilotes italiens aussi sont entraînés à
utiliser, viole le Traité de
non-prolifération.
Ainsi sont rendus vains les pas
limités sur la voie du désarmement
établis par le nouveau traité Start,
signé à Prague par les Etats-Unis et la Russie en 2010. La Chine comme la Russie sont en train de
potentialiser leurs forces nucléaires, y
compris pour neutraliser le « bouclier
anti-missiles » avec lequel les
Etats-Unis veulent acquérir la capacité
de lancer un first strike
nucléaire et ne pas être frappés par des
représailles. Selon la Fédération des
scientifiques américains, les USA
gardent 1920 têtes nucléaires
stratégiques prêtes au lancement (sur un
total 7300), face aux 1600 russes (sur
8000). Avec celles françaises et
britanniques, les forces nucléaires de
l’Otan disposent d’environ 8000 têtes
nucléaires, dont 2370 prêtes au
lancement. En ajoutant les chinoises,
pakistanaises, indiennes, israéliennes
et nord-coréennes, le nombre total des
têtes nucléaires est estimé à 16 300,
dont 4350 prêtes au lancement. Et la
course aux armements nucléaires se
poursuit avec la modernisation continue
des arsenaux. De ce fait l’aiguille de
l’ « Horloge de l’apocalypse », le
pointeur symbolique qui sur le
Bulletin of the Atomic Scientists
indique à combien de minutes nous sommes
du minuit de la guerre nucléaire, a été
déplacé de moins 5 en 2012 à moins 3 en
2015, au même niveau qu’en 1984 en plein
guerre froide.
Le risque est particulièrement haut qu’un jour puissent être utilisées
des armes nucléaires au Moyen-Orient, où
le seul pays qui les possède est Israël
qui, à la différence de l’Iran, n’adhère
pas au Traité de non-prolifération.
Selon les estimations, les forces armées
israéliennes possèdent 100-400 têtes
nucléaires, y compris bombes H, avec une
puissance équivalente à presque 4mille
bombes d’ Hiroshima. Les vecteurs
comprennent plus de 300 chasseurs
étasuniens F-16 et F-15, armés aussi de
missiles israélo-étasuniens Popeye à
tête nucléaire, et environ 50 missiles
balistiques Jericho II sur rampes de
lancement mobiles. Israël possède en
outre 4 sous-marins Dolphin, modifiés
pour l’attaque nucléaire, fournis par
l’Allemagne, qui en septembre dernier a
remis le quatrième des six prévus.
Tandis qu’il oriente les projecteurs sur l’Iran, qui ne possède pas
d’armes nucléaires et dont le programme
nucléaire civil est vérifiable,
l’appareil politico-médiatique laisse
dans l’ombre le fait qu’Israël possède
un puissant arsenal nucléaire, hors de
tout contrôle, et que les Etats-Unis ont
signé des accords pour la fourniture à
l’Arabie Saoudite, Bahreïn et Emirats
arabes de technologies nucléaires et de
matériau fissile avec quoi ils peuvent
se doter, dans l’avenir, d’armes
nucléaires. L’Arabie Saoudite a
officiellement déclaré (The
Independent, 30 mars 2015) qu’elle
n’exclut pas de construire ou acheter
des armes nucléaires, avec l’aide du
Pakistan dont elle finance 60% du
programme nucléaire militaire. En toute
légalité : le Pakistan n’adhère pas au
Tnp et peut donc faire ce qu’il veut de
ses bombes nucléaires, en les
fournissant en sous-main à la monarchie
saoudite.
Edition de samedi 4 avril 2015 de il
manifesto
http://ilmanifesto.info/perche-lintesa-usa-iran-raggiunta-non-e-un-mondo-piu-sicuro/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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