Al Manar
Premier round des négociations d’Astana
:
le face-à-face qui n’a pas eu lieu et
l’équation:
Front al-Nosra contre le Hezbollah
Leila Mazboudi
Mardi 24 janvier 2017
A Astana, la première tentative depuis
le début de la guerre en Syrie, de
mettre face à face la délégation du
gouvernement syrien à celle des groupes
armés -et non celle des opposants
politiques- est jusqu’à présent un
fiasco.
Les membres des deux délégations arrivés
dimanche dans la capitale du Kazakhstan
ne se seront réunis que l’espace de la
séance d’ouverture, à l’issue de
laquelle la délégation des groupes armés
a quitté la salle, refusant de négocier
directement avec la délégation
officielle.
Pour les séances suivantes, elles ont du
être séparées dans deux pièces
différentes, se concertant à travers la
délégation onusienne.
14 milices représentés
A peine cette rencontre a été entamée
que la délégation des milices opposaient
ses conditions: après avoir affiché
pendant des semaines sa disposition à
entamer des négociations directes, elle
s’est récalcitrée une fois arrivée à
Astana.
Les jours qui ont précédé, c’est sa
composition qui avait été source de
tracasserie.
À l’origine formée de huit membres,
elle a été élargie au dernier moment à
un total de 14 représentants de milices
auxquels s’ajoutent 21 conseillers, les
opposants politiques. Ces derniers ont
été relégués pour la première fois au
second rang, car n’ayant pas l’assise
territoriale des groupes armés.
« C’est avec une grande difficulté
que la Turquie a pu faire participer les
représentants de 14 groupes armés dans
ces négociations, et ces derniers ne
sont pas les plus puissants sur le
terrain », a rapporté la correspondante
de la télévision arabophone al-Mayadeen.
La plus puissante parmi les présentes
à Astana est sans doute Jaïsh al-Islam:
elle est financée par l’Arabie saoudite
et opère le plus dans la Ghouta
orientale, dans la province Est de la
capitale syrienne.
C’est justement Mohammad Allouche,
l’un de ses chefs militaires qui a
présidé la délégation d’Astana. Selon
l’AFP, il est arrivé en compagnie d’une
dizaine de chefs de milices dont Fares
Bouyouch de l’Armée d’Idleb, Hassan
Ibrahim du Front du Sud et Mamoun Hajj
Moussa du groupe Suqour al-Cham. Des
milices de petite portée.
Alors que la délégation régulière
formée de 10 émissaires est dirigée par
l’ambassadeur de la Syrie aux Nations
Unies, Bachar al-Jaafari.
Objectifs du
gouvernement
la destitution du président syrien
n’étant plus du tout à l’ordre du jour,
les négociations d’Astana devraient
poser les bases d’un règlement à même
d’être approfondies lors de prochaines
discussions de paix sous égide de l’ONU
à Genève le 8 février.
Les deux protagonistes s’entendent
sur la consolidation de la trêve, entrée
en vigueur le 30 décembre dernier, après
la libération des quartiers Est d’Alep
et la réunification de l’ancienne
capitale économique du pays.
Mais pour le gouvernement, elles
devraient aussi faire avancer une
solution politique « globale » après
près de six ans de guerre.
Depuis quelques jours, le président
syrien avait appelé les rebelles à
livrer leurs armes en échange d’une
amnistie, à l’image des accords de
« réconciliation » qui se traduisent par
l’évacuation des combattants en échange
de la fin des bombardements et des
sièges des villes par les forces
gouvernementales.
Autre objectif collatéral, exprimé
par M. Jaafari : les pourparlers
devraient aussi servir à distancier les
rebelles considérés comme « modérés »
des miliciens takfiristes de la milice
wahhabite terroriste Daesh (Etat
islamique) et du front al-Nosra, branche
d’Al-Qaïda en Syrie rebaptisé front
Fateh al-Sham.
Objectifs
des rebelles
Justement c’est à ce stade là que les
pourparlers risquent d’achopper. A
l’issue de la séance d’ouverture, les
réels objectifs des groupes armés se
sont fait sentir.
Les dessous de la justification
qu’ils ont affichée pour expliquer leur
décision de ne pas négocier directement
avec la délégation gouvernementale en
est une :
« La première session des
négociations ne sera pas en face à face
car le gouvernement n’a pas respecté
jusqu’à présent ce à quoi il s’est
engagé dans les accords du 30
décembre », a indiqué Yehya al-Aridi,
l’un des porte-paroles de la délégation
des rebelles.
Les miliciens reprochent notamment
aux forces gouvernementales de
poursuivre les combats près de Wadi
Barada, zone clé pour
l’approvisionnement en eau de la
capitale syrienne, Damas.
Alors que le gouvernement syrien les
accuse d’occulter le fait que cette
région est contrôlée conjointement avec
le front al-Nosra, qui est exclu par la
trêve en question.
« Il est clair que la délégation des
groupes armés veut saborder les
pourparlers », a alors accusé
l’ambassadeur onusien syrien M. Jaafari
dans son premier point de presse
organisé tout de suite après.
« Le non professionnalisme de la
délégation des groupes et sa mauvaise
utilisation de la part de ceux qui les
font travailler visent à saborder la
rencontre d’Astana », a déploré M.
Jaafari, précisant plus tard que la
Turquie fait partie des parrains des
groupes terroristes», les autres étant
sans aucun doute l’Arabie saoudite et
les puissances occidentales, comme a
souvent accusé Damas.
Toujours selon M. Jaafari, « la
délégation des groupes rebelles n’a pas
respecté les règles diplomatiques en
sortant de la salle, et le discours de
son chef s’est marqué par sa légèreté et
son ton provocateur en défendant les
crimes de guerre commis par le front al-Nosra».
Front al-Nosra
contre Hezbollah
Loin des formalités sur la forme de
la table des discussions, les
revendications des rebelles insistent,
selon les propos de M. Allouche, sur
« le gel des opérations militaires » et
«l’amélioration de l’accès à l’aide
humanitaire pour la population civile »,
en allusion aux zones occupées par les
milices et où la majeure partie de la
population est prise en otage.
Mais c’est lorsque les discussions se
sont approfondies que le dilemne du
front al-Nosra a surgi.
Malgré son absence physique à Astana,
la branche d’Al-Qaïda en Syrie était
fortement présente dans les propositions
de la délégation des insurgés.
« Nous ne combattrons pas le front
al-Nosra tant que les milices qui
combattent avec le régime ne quittent
pas la Syrie », a dit le porte-parole
des miliciens présent à Astana, Oussama
Abou Zeid, rapporte al-Mayadeen.
Selon l’AFP, « M. Allouche a demandé
que les milices iraniennes, menées par
le Hezbollah, et qui combattent aux
côtés des troupes de Bachar al-Assad,
ainsi que les combattants kurdes du
Parti de l’Union démocratique (PYD),
soient désignés comme « groupes
terroristes »».
« Si les négociations sont un succès,
nous sommes pour les négociations. Mais
si elles échouent, malheureusement, nous
n’aurons pas d’autre choix que de
continuer le combat », a prévenu M. Abou
Zeid.
La réponse de la délégation
gouvernementale ne s’est pas fait
attendre
Cet après-midi, quelques minutes
après le lancement du deuxième round des
pourparlers, désormais indirects, elle a
suspendu sa participation et quitté le
lieu de la conférence .
La balle est rendue.
Sources: AFP, al-Mayadeen
TV
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