Al Manar
Tous dans la bataille de Raqqa… jusqu’au
bout
Leila Mazboudi
Vendredi 10 mars 2017
La bataille de Raqqa s’annonce
confuse. Tant les protagonistes de la
guerre en Syrie, locaux, régionaux et
internationaux semblent tous décidés à
la mener. Jusqu’au bout.
Compte tenu des mouvements sur le
terrain qui ne connaissent pas de répit
et des déclarations politiques, moins
prolixes, aussi bien les Américains que
les Turcs, les Kurdes que les Syriens,
semblent en course contre la montre pour
réserver leur place.
Chasser
l’Iran de la Syrie
Il est clair que Raqqa importe
beaucoup pour les Américains. Loin des
déclarations trompeuses du chef du
Centcom le général Joseph Votel qui a
présenté le récent déploiement militaire
des forces américaines dans les zones
conquises par les kurdes, comme relevant
du souci d’empêcher un clash entre les
deux alliés turc et kurde, la conquête
de Raqqa leur permettra de s’implanter
en Syrie, et surtout d’imposer leur plan
pour ce pays.
Jeudi, depuis la tribune onusienne,
la représentante des Etats-Unis Nikki
Halley a déclaré jeudi que Washington
voudrait que « l’Iran et ses sujets
sortent de Syrie ». Des déclarations
parallèles aux propos tenus par le
Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahu devant son hôte russe Vladimir
Poutine.
Selon le journal libanais al-Akhbar,
Washington voudrait remplacer Daesh dans
le désert irako-syrien par quelqu’un qui
lui soit loyal. Le but étant de couper
les voies d’approvisionnement et de
déplacement entre les deux gouvernements
irakien et syrien. En plus de la milice
à majorité kurde des Forces
démocratiques syriennes (FDS), la milice
des Forces d’élites syriennes, dirigée
par le pro saoudien Ahmad Al-Jarba
devrait faire l’affaire. Selon la
télévision al-Mayadeen, les USA
voudraient ressusciter le plan de
formation de milice tribale dont la
colonne dorsale serait la tribu des
Chaïtate, originaire de Deir Ezzor et
dont les membres ont été percutés par
Daesh.
Il se pourrait aussi que les milices de
l’offensive turque en Syrie Bouclier de
l’Euphrate aussi en fassent partie.
Les Turcs:
contre les Syriens, contre les Kurdes
Quant aux Turcs, dont l’avancée a
jusqu’à présent été stoppée dans la
localité d’Al-Bab, ils ne semblent pas
avoir baissé les bras non plus pour
participer à la bataille de Raqqa.
Jeudi, ils ont bombardé des positions
des gardes-frontières syriens dans la
zone où ces derniers s’étaient déployés
à l’ouest de Manbej, séparant cette
ville de celle d’Al-Bab. L’armée turque
a en même déclaré avoir tué 71 kurdes
syriens la semaine passée. Comme si elle
insinuait que sa prochaine bataille les
visait tous les deux.
Durant la rencontre d’Antalya, Ankara
n’a eu de cesse pour persuader le chef
de l’état-major américain le général
américain Joseph Dunford pour qu’elle
participe à la bataille. Selon le
journal turc Daily Sabah, elle a proposé
l’entrée des forces américaines et
turques, escortées par les miliciens de
l’Armée syrienne libre en empruntant le
passage de la citadelle Aghajah situé à
la frontière sud de la Turquie avec la
Syrie , pour ensuite ouvrir un corridor
vers les zones contrôlés par le parti
kurde des PYD en direction de la ville
de Tal Abyad jusqu’à investir Raqqa. La
participation des peshmergas irakiens
serait envisageable, indique Daily
Sabah, pour prêter main forte à L’ASL.
Il est clair que la suggestion turque
n’accorde aucun rôle aux FDS, sur
lesquels les Américains misent
fortement. La réponse américaine n’a pas
encore été arrêtée. En attendant, le
président turc s’est rendu à Moscou.
Cette dernière s’est le moins exprimée
sur cette bataille.
Les oeufs
kurdes dans le panier américain
Idem pour les Kurdes Syriens, qui ne
cessent de rappeler que les Turcs n’ont
pas leur place dans la bataille de
Raqqa. Tout en étant conscients que les
grandes puissances ont leurs propres
calculs, ils évoquent « un intérêt
commun des deux protagonistes » en
abordant leurs relations avec les
Américains.
Loin des déclarations superflues
sur une « consolidation arabo-kurde »,
ils lorgnent leur projet fédéral basé
sur la décentralisation, dans un
scénario comparable sans doute à celui
des Kurdes irakiens. Ils ont pour cela
mis la plupart de leurs œufs dans le
panier américain sans toutefois avoir
coupé les ponts avec Damas.
Damas:
depuis Raqqa à Deir Ezzor
Or, pour cette dernière, pas question
de laisser Raqqa pour compte. Tout ce
qui s’est passé dernièrement dans la
province nord est d’Alep le montre bien.
Raqqa est sans aucun doute le passage
vers la province de Deir Ezzor,
frontalière avec l’Irak et
majoritairement occupée par Daesh.
Sur le terrain, les forces
gouvernementales rivalisent avec les FDS
pour prendre Raqqa : Leur avancée
s’opère dans les zones ouest et nord
ouest de la province de Raqqa alors que
celle des Kurdes dans les zones
nord-ouest et ouest.
Ayant atteint pour la première fois
depuis quatre ans l’Euphrate, et conquis
l’aéroport al-Jarrah, il ne reste plus à
l’armée syrienne qu’à prendre la
localité de Masqana où l’assaut a déjà
été lancé jeudi soir, et puis l’aéroport
al-Tabakah pour par la suite se lancer
vers la province de Raqqa.
L’armée syrienne compte à son
avantage qu’elle assiège Raqqa depuis
son sud aussi, depuis qu’elle a
reconquis Tadmor (Palmyre), dans la
province nord de Homs.
Les prochains jours seront décisifs.
Pour tous.
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