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Opinion

La Russie et l’Islam, partie 2 :
L’Orthodoxie russe

Le Saqr


Photo: D.R.

Jeudi 7 novembre 2013

La plupart des gens présument que la Russie est un pays Orthodoxe Chrétien et que l'Église Orthodoxe russe est le leader spirituel du peuple russe. Ceci est une vue très superficielle et, je dirais même, fondamentalement erronée. Pour expliquer ce que j’entends par là, je vais devoir expliquer quelque chose d'absolument crucial mais qui est fondamentalement incompris par la grande majorité des gens, y compris de nombreux Russes. L'Église Orthodoxe russe en tant qu’institution et la spiritualité Orthodoxe du peuple russe ont été sévèrement persécutées depuis plus de 300 ans pour le moins. Ce phénomène est tellement crucial que je vais devoir faire une courte digression historique dans l'histoire de la Russie.

Depuis le moment où la Russie fut baptisée dans le Christianisme par Saint Vladimir en 988 jusqu’au règne du Tsar Alexis Mikhaïlovitch au 17ème siècle, l'Église Orthodoxe a été le noyau organique de la civilisation russe. D’après les mots d’Alexandre Soljenitsyne :

Dans son passé, la Russie a connu un temps où l'idéal social n'était pas la gloire, les richesses, ou le succès matériel, mais un mode de vie pieux. La Russie baignait alors dans un Christianisme Orthodoxe qui restait fidèle à l'Église des premiers siècles. L'Orthodoxie de ce temps a su sauvegarder son peuple sous le joug d'une occupation étrangère qui dura plus de deux siècles, en parant en même temps les coups iniques des épées des Croisés occidentaux. Durant ces siècles, la foi Orthodoxe est devenue, dans notre pays, une partie intégrante de la manière de penser et de la personnalité mêmes de notre peuple, des usages de la vie quotidienne, du calendrier de travail, des priorités dans chaque initiative, de l’organisation de la semaine et de l'année. La foi était la force qui donnait sa forme et son unité à la nation

Le 17ème siècle, cependant, connut un changement brusque et violent de cet état des choses. De nouveau, dans les termes de Soljenitsyne :

Mais au 17ème siècle, l’Orthodoxie russe a été gravement affaiblie par un schisme interne. Au 18ème siècle, le pays fut secoué par les transformations imposées de force par Pierre Ier, qui ont favorisé l'économie, l'État et l'armée aux dépens de l'esprit religieux et de la vie nationale. Et, en même temps que ces pâles « lumières » tsaristes, la Russie a ressenti la première bouffée de laïcité; ses poisons subtils ont pénétré les classes instruites au cours du 19ème siècle et ont ouvert la voie au marxisme. Au moment de la Révolution, la foi avait pratiquement disparu des cercles instruits; et parmi les Russes sans instruction, sa santé était menacée.

Au moment où le Tsar Nicolas II hérita du trône en 1896, la société russe souffrait d'une crise spirituelle profonde : la majorité de la classe dirigeante était très fortement laïcisée, sinon complètement matérialiste, presque chacune des familles aristocratiques avait rejoint la Franc-maçonnerie, tandis que le reste du pays, composé essentiellement de paysans, était nominalement Chrétien Orthodoxe, mais pas de la manière profonde que la Russie avait connue avant le 17ème siècle.

Les Tsars russes finissaient souvent par être les réels persécuteurs de l'Église Orthodoxe russe, en particulier ceux à qui l'aristocratie russe et l'Ouest ont octroyé le titre de « Grands ». Pierre Ier, le prétendu « Grand », décapita l'Église Orthodoxe russe en abolissant le titre de Patriarche pour le plus haut dignitaire de l'Église, et en le remplaçant par une « Synode » dirigée par un bureaucrate laïc ayant le rang de « Procureur en chef » et qui ne devait pas même être Orthodoxe lui-même. De- facto et de jure, en 1700, l'Église Orthodoxe russe est devenue une institution d'État, comme un ministère. Sous Catherine Ire, aussi appelée « la Grande », les moines ont été persécutés avec une telle sauvagerie qu’il leur était même interdit de posséder une simple feuille de papier dans leur cellule monastique, de peur qu'ils n'écrivent quelque chose contre le régime.

D'autres Tsars (comme Alexandre II, ou Alexandre III) étaient beaucoup plus respectueux de l'Église, et le Tsar Nicolas II, qui était un homme profondément religieux et pieux, a même rétabli l'autonomie de l'Église en lui permettant d'élire un nouveau Patriarche.

Et pourtant, de manière générale, l'Église Orthodoxe russe a subi un processus d'affaiblissement quasi-continu sous les effets combinés de persécutions manifestes et de la laïcisation plus subtile du 17ème au 20ème siècle.

Au 20ème siècle, pendant le règne du Tsar Nicolas II, l’Orthodoxie russe a connu une courte mais étonnante renaissance, immédiatement suivie par une persécution massive sous le régime bolchevique dont la sauvagerie et l'échelle étaient absolument sans précédent dans l'histoire de l'Église. Encore une fois, d’après les mots de Soljenitsyne :

Le monde n'avait jamais connu auparavant une irréligiosité aussi organisée, aussi militarisée et ayant une malveillance aussi tenace que l’appareil marxiste. Dans le système philosophique de Marx et Lénine, et au cœur de leur psychologie, la haine de Dieu est la force agissante principale, plus fondamentale que toutes leurs prétentions politiques et économiques. L'athéisme militant n'est pas simplement fortuit ou marginal à la politique communiste; ce n'est pas un effet secondaire, mais le pivot central. Les années 1920 en URSS ont été témoins d'un cortège ininterrompu de victimes et de martyrs parmi les membres du clergé Orthodoxe. Deux métropolites (évêques) furent abattus, dont l’un, Benjamin de Petrograd, avait été élu par le vote populaire de son diocèse. Le Patriarche Tikhon lui-même est passé par les mains de la Tcheka-GPU et est ensuite mort dans des circonstances suspectes. Un très grand nombre d'archevêques et d’évêques périrent. Des dizaines de milliers de prêtres, de moines et de nonnes, poussés par les Tchékistes à renoncer à la parole de Dieu, ont été torturés, abattus dans des sous-sols, envoyés aux camps, bannis dans la toundra désolée du Nord lointain, ou rejetés à la rue dans leur vieillesse sans nourriture ou abri. Tous ces martyrs Chrétiens sont allés inébranlablement à leur mort pour la foi; les cas d'apostasie étaient rares. Pour des dizaines de millions de laïcs, l’accès à l'Église était bloqué et on leur interdit d’élever leurs enfants dans la Foi : les parents religieux étaient arrachés à leurs enfants et jetés en prison, tandis qu’on détournait les enfants de la foi par des menaces et des mensonges...

C’est une histoire complexe et tragique que je ne peux pas analyser en détail ici, et c’est pourquoi j'insisterai seulement sur une conséquence importante de ces événements : l'Église Orthodoxe russe s’est finalement divisée en au moins 4 groupes distincts :

a) L'Église Orthodoxe « officielle » ou « d'État », qui est finalement devenue le Patriarcat de Moscou. En grande partie composé d'ecclésiastiques modernistes, cette Église soviétique « officielle » a non seulement nié la réalité de la persécution des Chrétiens en Russie, mais elle a même souvent collaboré activement à ces persécutions (en dénonçant des ecclésiastiques « subversifs », par exemple).

b) Les « Joséphites » composés des adeptes du métropolite Joseph de Petrograd. Ils ont ouvertement refusé de soumettre l'Église au régime bolchevique et tombèrent finalement en martyrs pour leur position. Certains ont rejoint le groupe suivant.

c) « L'Église des Catacombes ». C’était une organisation illégale et souterraine dirigée par des évêques dont l’identité était gardée secrète, qui rejetait le prétendu droit des Bolcheviks à diriger l'Église et qui entra dans la clandestinité, disparaissant presque complètement de la vue du public.

d) « L'Église Orthodoxe russe à l'étranger » : composée d'exilés, cette organisation fut créée par le métropolite Anthony de Kiev qui, avec la bénédiction du Patriarche Tikhon, unit en son sein la plupart des Russes Orthodoxes qui s'étaient enfuis de l'Union soviétique.

Il est important de souligner ici que même si les Joséphites, l'Église des Catacombes et l'Église de l'étranger avaient très peu de moyens pour communiquer entre eux, ils étaient tous en communion les uns avec les autres et se reconnaissaient mutuellement comme des branches légitimes de l’Église Orthodoxe russe Unique, bien que chacun dans des circonstances uniques et spécifiques. Il en allait tout autrement pour la première entité, l'Église « soviétique » officielle, dénoncée par les trois groupes pour le moins comme illégale et même comme l'outil satanique des Bolcheviks.

Pourquoi tout cela est-il si important ?

Parce que l'actuelle « Eglise Orthodoxe russe du Patriarcat de Moscou » est un descendant direct de ce premier groupe, qui a été unanimement rejeté, littéralement par des dizaines de milliers de saints martyrisés pour leur foi par le régime bolchevique. Dans la terminologie de la théologie patristique (i.e. des Pères de l’Eglise), le Patriarcat de Moscou et ses membres ont « chuté » au sens de « lapsis » en Latin, terme qui désigne ceux qui n'ont pas eu le courage de résister aux persécuteurs de l'Église et qui ont par conséquent renié leur foi et rompu leur communion avec l'Église. Le fait qu'ils aient créé une entité ecclésiastique dans des conditions interdites par la loi canonique en fait des « schismatiques ». Le fait qu'ils aient développé un enseignement spécifique (le « Sergianisme » : l'idée que l'Église peut être « sauvée » par voie de compromis avec le mal) pour justifier de telles actions en fait des « hérétiques » (notez s'il vous plaît que dans un discours théologique, des termes comme « hérétique » ne sont pas des insultes, mais simplement des indicateurs d’une condition spirituelle spécifique)

L’analyse qui précède est une mini-vue d’ensemble extrêmement superficielle et même simpliste d'un sujet long et extrêmement complexe et j’invoque la compréhension de ceux qui sont versés dans ces questions et qui pourraient être consternés par la simplicité de mon analyse et le nombre de choses que je n’ai pas évoquées. J'en suis conscient, mais ce n'est simplement pas le moment ni l'endroit pour écrire une histoire convenable de l’Orthodoxie russe au 20ème siècle. Le seul autre détail historique que j'ajouterai ici est que pendant la deuxième guerre mondiale, Staline a considérablement atténué certaines des pires persécutions contre l'Église, et que ces persécutions ont partiellement repris sous Khrouchtchev. De nouveau, je vous présente mes excuses pour le caractère sténographique de mon esquisse ci-dessus et je vous demande seulement de bien garder à l’esprit les deux idées majeures suivantes :

a)      L’Orthodoxie russe a été continuellement affaiblie durant les 300 (et plus) dernières années.

b)      L'organisation assurant officiellement la représentation de l’Orthodoxie russe a des problèmes majeurs au niveau de sa légitimité et est souvent considérée avec une profonde suspicion, même par des gens très religieux.

Je dois maintenant dire quelques mots au sujet du « Patriarcat de Moscou » moderne, tel qu’il est aujourd'hui, plus de deux décennies après la fin des persécutions antireligieuses.

D'abord, c'est de loin l'institution la plus « soviétique » de l'État russe. Ou, pour le dire en d’autres termes, c’est de loin le « vestige » le moins réformé de l'ère soviétique. Pour empirer les choses, le Patriarcat de Moscou est aussi actuellement dirigé par un individu notoirement corrompu, le « Patriarche » Cyrille Ier, un individu sournois et foncièrement malhonnête, connu pour ses affaires louches et pour son adhérence enragée au prétendu « Mouvement Œcuménique » (une hérésie du point de vue Orthodoxe). Par-dessus le marché, il y a divers indices assez pertinents qui prouveraient que Cyrille Ier serait secrètement un cardinal papiste, ce qu’on appelle un « cardinale in pectore », ce qui, si c’est avéré, est probablement utilisé contre lui par les services de sécurité russes pour s'assurer qu'il fait ce que le Kremlin lui ordonne.

Malgré toutes ses fautes, le Patriarcat de Moscou accomplit un rôle extrêmement important pour l'État russe : celui de remplaçant idéologique de l’idéologie marxiste maintenant officiellement abandonnée.

On peut souvent entendre la déclaration selon laquelle environ 70 % des Russes sont des Chrétiens Orthodoxes. Cela est faux et induit très fortement en erreur. Selon des données publiées sur Wikipédia, environ 40 % des russes sont des Chrétiens Orthodoxes. C’est mieux. Mais que cela signifie-t-il vraiment ? Cela signifie surtout que ces Russes s’identifient aux traditions Orthodoxes russes, qu'ils essayent de vivre conformément à l’éthique chrétienne et qu'ils se considèrent comme « Orthodoxes ». Mais si nous prenons les chiffres publiés annuellement par les autorités de la ville de Moscou sur la célébration du seul service religieux le plus important dans la tradition Orthodoxe – Pâques (appelé « Packha » en russe), nous voyons que seuls 1 % environ des Moscovites y assistent effectivement. Qu'en est-il des 39 % restants ?

Il est impossible de se procurer un « véritable » chiffre mais j'évaluerais pour ma part à 5 % au plus le taux de la population de Russes profondément et consciemment religieux. Et pourtant, le Patriarcat de Moscou joue un rôle crucial dans la structure du pouvoir du Kremlin : non seulement il fournit un remplaçant à l'idéologie marxiste maintenant défunte, mais il sert encore à l’organisation d’une « éducation patriotique », offrant une série de symboles bien reconnus (de belles églises, des chants religieux, des icônes, des croix, etc.) qui peuvent tous être utilisés comme symboles nationaux (plutôt que comme des symboles spirituels). Ces symboles nationaux sont reconnus, bien que pas nécessairement pleinement approuvés, par bien plus que les 40 % de Russes qui sont nominalement Orthodoxes. Pour paraphraser l'expression américaine « se rallier autour du drapeau », les Russes sont de nos jours encouragés à « se rallier autour de la croix » même si sur un niveau interne profond ils ne comprennent pas vraiment, ou ne se préoccupent pas de ce que le symbole de la Croix signifie réellement dans le Christianisme Orthodoxe.

Laissez-moi vous donner un exemple de ce à quoi tout ceci finit par ressembler. Lisez la transcription du discours que Vladimir Poutine a tenu au Conseil d'Évêques du Patriarcat de Moscou (ici). Il n’est question que de patriotisme, du patriotisme et plus de patriotisme. Dans tout ce discours, pas un seul mot n’est consacré aux sujets spirituels. Pas un seul. Ce discours pourrait avoir été tenu devant une assemblée de fonctionnaires d'un département idéologique du PCUS.

Pour le Patriarcat de Moscou, cette collaboration serrée avec le Kremlin a aussi un avantage immense : elle lui accorde une légitimité que l'histoire lui dénie si catégoriquement. Bien qu'il y ait toujours des restes de l'Église des Catacombes en Russie, et bien qu'à l'extérieur de la Russie il y ait toujours une Église Orthodoxe à l'étranger, ces organisations sont minuscules comparées à l’énorme Patriarcat de Moscou, avec ses plus de 100 évêques, plus de 26 000 paroisses et plus de 100 millions de membres officiels. Et quand l’un de ces petits groupes parvient à collecter les fonds nécessaires pour ouvrir une petite paroisse quelque part en Russie, le Patriarcat de Moscou peut toujours compter sur la police anti-émeutes locale pour les expulser et « restituer » la construction au Patriarcat de Moscou.

Je vous présente encore une fois mes excuses pour le degré extrême de sur-simplification dont j'ai dû me contenter pour écrire cette vue d'ensemble (déjà trop longue !). Je me suis contenté de mentionner, à mon sens, les facteurs de fond essentiels qui doivent être gardés à l'esprit lorsqu’on aborde le sujet de la Russie et de l'Islam.

En particulier, il doit être clairement compris que l'Église Orthodoxe officielle, le Patriarcat de Moscou, n'est pas du tout un facteur important dans la relation dialectique entre la société russe et l'Islam, ne serait-ce que parce qu'à l'intérieur de la société russe, le statut de la foi Orthodoxe est extrêmement affaibli. Autrement dit, le sujet « la Russie et l'Islam » ne devrait pas être confondu avec le sujet « le Christianisme Orthodoxe et l'Islam ». A beaucoup d’égards, la Russie moderne est néo-Orthodoxe, para-Orthodoxe ou même post-Orthodoxe, mais elle n’est certainement plus authentiquement Orthodoxe.

Cela soulève cependant cette question évidente : si l'éthos dominant de la société russe n'est plus le marxisme et s’il n'est plus vraiment l’Orthodoxie Chrétienne, qu’est-il donc ? En plus d'être principalement anti-occidental ou anti-capitaliste, quelles valeurs la société russe défend-t-elle (pour quoi est-elle ?) et comment réagit elle aux valeurs offertes par l'Islam ? Ce sera le sujet du prochain article.

Le Saqr (The Saker)

Article original : vineyardsaker.blogspot.com/2013/02/russia-and-islam-part-two-russian.html) 

Traduction : http://www.sayed7asan.blogspot.fr

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Source : Sayed Hasan
http://sayed7asan.blogspot.fr/...

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