Le Saker
Le Glaive et le Bouclier…
Moon of Alabama
Jeudi 19 septembre 2019 …Voici comment la
Russie et l’Iran contrecarrent les
stratégies agressives de leurs
adversaires
Par
Moon of Alabama – Le 17 septembre
2019
Au cours des
dernières décennies, la Russie et l’Iran
ont tous deux dû se donner les moyens de
se protéger contre une menace sans cesse
croissante de la part des États-Unis et
de leurs alliés. Tous deux ont trouvé
des moyens uniques de créer une
dissuasion adaptée à leur situation.
Ni les
États-Unis ni leurs alliés n’ont réagi à
ces développements en adaptant leurs
stratégies ou leurs moyens militaires.
Ce n’est que récemment que les
États-Unis ont pris conscience de la
situation réelle. La
perte de la moitié de sa capacité
d’exportation de pétrole pourrait
finalement réveiller l’Arabie saoudite.
La plupart des autres alliés américains
dorment encore.
Lorsque l’OTAN
s’est étendue à l’Europe de l’Est et que
les États-Unis ont quitté le Traité
antimissile balistique, la Russie a
annoncé qu’elle élaborerait des
contre-mesures pour empêcher les
États-Unis de l’attaquer. Dix ans plus
tard, la Russie a tenu sa promesse.
Elle a mis au point
un certain nombre de
nouvelles armes qui peuvent pénétrer
la défense antimissile balistique
installée par les États-Unis. Elle a
également mis l’accent sur sa propre
défense aérienne et antimissile, ainsi
que sur les radars et les
contre-mesures électroniques qui
sont devenus si efficaces qu’un général
américain les a qualifiées d’« épouvantables ».
Tout cela a permis
à Poutine de
taquiner Trump en lui offrant
d’acheter des missiles hypersoniques
russes. Comme nous l’avions analysé :
Trump a tort de
prétendre que les États-Unis fabriquent
leurs propres armes hypersoniques. Bien
que les États-Unis en aient en
développement, aucune ne sera prête
avant 2022 et probablement beaucoup plus
tard. Les armes hypersoniques sont une
invention soviétique/russe. Celles que
la Russie met en service aujourd'hui
font déjà partie de la troisième
génération. La mise au point de tels
missiles par les États-Unis accuse un
retard d'au moins deux générations par
rapport à celle de la Russie.On sait depuis 1999
que les radars russes peuvent voir
les avions furtifs, c'est l'année où une
unité de l'armée yougoslave a abattu un
avion furtif américain
F-117 Nighthawk. La défense aérienne
et antimissile russe a prouvé en Syrie
qu'elle peut vaincre les attaques
massives de drones et de missiles de
croisière. La défense aérienne et
antimissile américaine en Arabie
saoudite ne parvient même pas à détruire
les missiles primitifs utilisés par les
forces houthies.
Hier, lors d’une
conférence de presse à Ankara avec ses
collègues turcs et iraniens, Poutine
s’est moqué de l’Arabie saoudite (vidéo
@38:20) avec une offre similaire à
celle qu’il avait faite à Trump :
Q : La
Russie a-t-elle l'intention de fournir à
l'Arabie saoudite une aide ou un soutien
pour la remise en état de son
infrastructure ?Poutine :
Quant à l'aide à l'Arabie saoudite, il
est également écrit dans le Coran que
toute forme de violence est illégitime,
sauf pour protéger son peuple. Afin de
les protéger et de protéger le pays,
nous sommes prêts à fournir l'assistance
nécessaire à l'Arabie saoudite. Tout ce
que les dirigeants politiques de
l'Arabie saoudite ont à faire, c'est de
prendre une sage décision, comme l'Iran
l'a fait en achetant le système de
missiles S-300 et comme le président
Erdogan l'a fait en achetant le dernier
système antiaérien russe S-400 Triumph.
Ils offriraient une protection fiable
pour toutes les infrastructures
saoudiennes.
Le Président de
l'Iran, Hassan Rouhani : Doivent-ils
plutôt acheter le S-300 ou le S-400 ?
Vladimir Poutine
: C'est à eux de décider.
Erdogan, Rouhani et
Poutine ont bien ri de cet échange.
Les alliés
américains, qui doivent acheter des
armes américaines, ont suivi une
stratégie d’investissement de défense
similaire à celle des États-Unis
eux-mêmes. Ils ont acheté les systèmes
d’armes les plus utiles pour les guerres
d’agression, mais n’ont pas investi dans
des systèmes d’armes défensives qui sont
nécessaires lorsque leurs ennemis sont
capables de riposter.
C’est la raison
pour laquelle l’Arabie saoudite possède
plus de 350 avions de combat modernes
mais seulement relativement
peu de systèmes de défense aérienne
à moyenne et longue portée, et ceux-ci
datent des années 70.
La défense aérienne
saoudienne ne peut protéger que certains
centres de population. La plupart de ses
frontières et de ses bases militaires ne
sont pas défendues.
La disposition
actuelle du réseau de défense laisse de
grandes parties du pays non protégées.
Bien que l'on puisse faire appel à des
avions de chasse pour défendre ces zones
si nécessaire, la présence de grandes
lacunes dans la défense aérienne à
l'échelle nationale laisse de nombreuses
vulnérabilités exploitables par un
agresseur étranger.
La défense aérienne
saoudienne telle que
documentée par Amir à
Iran GeoMil.
De plus, la
protection en place est
unidirectionnelle. Les cercles rouges
désignent la portée théorique des
systèmes de défense aérienne PAC-2 de
fabrication américaine installés en leur
centre. Mais la portée réelle de ces
systèmes ne couvre que moins d’un
demi-cercle. Les systèmes PAC-2 et PAC-3
ont des défenses sectorielles car leurs
radars ne pivotent pas. Ils ne peuvent
voir qu’un arc de 120°. Dans le cas des
Saoudiens, ces radars ne regardent que
vers l’est, en direction de l’Iran, qui
est l’axe d’attaque le plus probable.
L’usine de traitement de pétrole brut
d’Abqaiq n’était donc pas du tout
protégée contre les attaques venant
d’une autre direction. Ni l’Arabie
saoudite ni les États-Unis ne savent
d’où vient vraiment l’attaque.
L’expérience russe
contre
les attaques d’essaims de drones
dirigées par les États-Unis contre sa
base aérienne d’Hmeymim en Syrie a
montré que les défenses aériennes à
courte portée et les contre-mesures
électroniques sont la meilleure défense
contre les attaques massives de drones
et de missiles de croisière.
L’Arabie saoudite
n’a pas de défense aérienne à courte
portée contre les drones et les missiles
de croisière parce que les États-Unis
n’ont pas de tels systèmes. Il n’a
pas non plus de contre-mesures
électroniques sophistiquées parce que
les États-Unis ne peuvent pas en fournir
de décentes.
Les saoudiens ont
besoin du système de défense aérienne à
courte portée russe
Pantsir-S1, des dizaines d’entre
eux, et du système de guerre
électronique
Krasukha-4. Les Russes pourraient
bien offrir au moins le premier article.
Mais les États-Unis autoriseraient-ils
les Saoudiens à en acheter ?
L’Arabie saoudite,
comme les États-Unis, n’a jamais pris
ses adversaires au sérieux. Elle mis le
Yémen en miettes par ses bombardements
et ne s’attendait pas à une riposte.
Elle a longtemps poussé les États-Unis à
lancer une guerre contre l’Iran, mais
n’a pris que peu de mesures pour se
protéger d’une contre-attaque iranienne.
Après l’attaque à
longue portée du Yémen
en août, elle a été avertie que la
portée des missiles houthis avait
augmenté. L’Arabie saoudite a ignoré cet
avertissement et n’a pris aucune mesure
notable pour protéger le centre de
traitement d’Abqaiq, qui est pourtant un
point névralgique lui procurant la
moitié de ses revenus.
L’Iran, en
revanche, a développé ses armes selon
une stratégie asymétrique, tout comme la
Russie.
L’Iran n’a pas
d’armée de l’air moderne. Il n’en a pas
besoin parce qu’il n’est pas agressif.
Il a depuis longtemps mis au point
d’autres moyens pour dissuader les
États-Unis, l’Arabie saoudite et
d’autres adversaires au Moyen-Orient. Il
dispose d’un grand nombre de missiles
balistiques de moyenne portée développés
par ses soins et d’une réserve
importante de drones et de missiles de
croisière de courte et moyenne portée.
Ceux-ci peuvent atteindre n’importe
quelle cible économique ou militaire
dans un rayon de 2 000 kilomètres.
Ce pays fabrique
également ses propres défenses
aériennes, ce qui lui a récemment permis
d’abattre un coûteux drone
américain. Voici le général Amir Ali
Hajizadeh, commandant de la Force
aérospatiale du Corps des gardiens de la
révolution islamique, qui
explique comment cela a été fait
(vidéo, sous titres en anglais).
L’Iran a développé
des relations avec des groupes de
population amis dans d’autres pays, les
a formés et équipés des moyens de
défense nécessaires. Il s’agit du
Hezbollah au Liban, de divers groupes en
Syrie, du PMG/Hashd en Irak, des Houthis
au Yémen et du Hamas à Gaza.
Aucun de ces
groupes n’est totalement un proxy de
l’Iran. Ils ont tous leur propre
politique locale et sont parfois en
désaccord avec leur grand partenaire.
Mais ils sont également prêts à agir au
nom de l’Iran si le besoin s’en faisait
sentir.
L’Iran a mis au
point un certain nombre d’armes
destinées exclusivement à ses alliés,
qui diffèrent de celles qu’il utilise
lui-même. Il permet à ses partenaires de
construire eux-mêmes ces armes. Le
missile de croisière et les drones
utilisés par les Houtis au Yémen sont
différents de ceux que l’Iran utilise
pour ses propres forces.
Les nouveaux drones
et missiles
exposés en juillet 2019 par les
forces armées houthis du Yémen.
L’Iran a donc la
possibilité de nier lorsque des
attaques, comme celle qui a récemment eu
lieu à Abquiq, se produisent. Le fait
que l’Iran ait fourni des drones d’une
portée de 1 500 kilomètres à ses alliés
au Yémen signifie que ses alliés au
Liban, en Syrie, en Irak et ailleurs ont
accès à des moyens similaires.
Les Saoudiens n’ont
longtemps pas pris en considération la
contre-stratégie de l’Iran, tout comme
les États-Unis n’ont pas pris en
considération celle de la Russie. Tous
deux devront changer leurs stratégies
agressives. Tous deux vont maintenant
devoir (re)développer de véritables
moyens défensifs.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan,
relu par Jj pour le Saker Francophone
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