Proche-Orient
L’Iran a décidé d’exercer
une pression
maximale sur Trump
Moon of Alabama
Dimanche 16 juin 2019 Voici comment il
va s’y prendre
Par
Moon of Alabama − Le 14 juin 2019
Il y a treize
mois, les États-Unis lançaient une
guerre économique totale contre l’Iran.
Ils voulaient la capitulation du pays.
Maintenant, l’Iran a décidé de répondre
de la même manière. Il mènera une
campagne de pression maximale sur les
intérêts économiques américains jusqu’à
ce que l’administration Trump admette sa
défaite. Le transport maritime au
Moyen-Orient deviendra bientôt très
dangereux. Le prix du pétrole va grimper
en flèche. Trump sera piégé entre deux
alternatives, mais il n’aimera ni l’une
ni l’autre.
Début mai 2018, le
président américain Trump a rompu
l’accord nucléaire avec l’Iran et
sanctionné tout commerce avec ce pays.
L’Iran a d’abord réagi avec prudence. Il
espérait que les autres signataires de
l’accord nucléaire continuent à tenir
leurs promesses et à commercer avec
elle. L’année écoulée a prouvé que de
telles attentes étaient erronées.
Sous la menace de
sanctions américaines, les partenaires
européens ont cessé d’acheter du pétrole
iranien et ont également mis fin à leurs
exportations vers ce pays. Le nouvel
instrument financier qui devait
permettre les paiements entre les pays
européens et l’Iran n’a toujours pas été
mis en œuvre. Il s’agit d’un montage peu
efficace qui aura trop peu de capacité
pour permettre des échanges commerciaux
importants. La Russie et la Chine ont
chacune leurs propres problèmes avec les
États-Unis. Ils n’appuient pas le
commerce avec l’Iran lorsque cela met en
danger leurs autres intérêts.
Pendant ce temps,
l’administration Trump a augmenté la
pression sur l’Iran. Elle a supprimé les
dérogations qu’elle avait accordées à
certains pays pour acheter du pétrole
iranien. Elle a étiqueté une partie des
forces armées iraniennes, le Corps des
Gardes de la Révolution (CGR), entité
terroriste. Vendredi dernier, elle
sanctionnait le plus grand producteur
iranien de produits pétrochimiques parce
que cette société aurait des relations
avec le CGR.
La patience
stratégique dont l’Iran a fait preuve
tout au long de l’année, depuis que
Trump a saboté l’accord, n’a donné aucun
résultat. Trump restera au pouvoir,
probablement pendant encore cinq ans et
demi, tandis que la situation économique
de l’Iran continuera de se détériorer.
La situation exige une réorientation
stratégique et l’adoption d’un nouveau
plan pour contrer les pressions
américaines.
Sur le plan
stratégique, une réorientation à long
terme dans
quatre domaines différents permettra
de contrer les effets de la guerre
économique contre l’Iran. Les
importations étrangères seront réduites
au minimum en augmentant la production
nationale. L’Iran ne s’alliera à
personne, pas même à la Chine et à la
Russie, car il reconnaît que compter sur
des partenaires n’apporte aucun avantage
lorsque ces partenaires ont leurs
propres intérêts supérieurs. La
troisième étape consiste à relâcher la
pression intérieure sur les «
réformistes » qui plaidaient pour
une orientation plus « occidentale ».
Trump, et la lâcheté des Européens, ont
prouvé que leurs arguments ne sont pas
valables. La dernière mesure consiste à
réorienter les exportations du commerce
mondial du pétrole vers d’autres
produits, probablement des dérivés du
pétrole, et vers les pays voisins.
Ces quatre étapes
prendront un certain temps à mettre en
place. Il s’agit de la réorientation
générale d’une stratégie de
mondialisation vers une stratégie
nationale plus isolationniste. Les
premières étapes de ce nouveau plan sont
déjà visibles. Une
banque commune va être créée entre
la Syrie, l’Irak et l’Iran pour
faciliter les échanges entre ces pays.
La réorientation
économique ne sera pas suffisante. Pour
contrer directement la campagne de
pression maximale de Trump, il faudra
une réorientation tactique.
Trump continue de demander à l’Iran de
négocier, mais il ne peut accepter
qu’une capitulation totale. Trump a
également prouvé que les États-Unis ne
respectent pas les accords qu’ils ont
conclus. Il n’y a donc aucun espoir que
l’Iran parvienne à quoi que ce soit par
la négociation. Il n’y a qu’une seule
façon de contrer la campagne de pression
maximale de Trump, c’est de lui renvoyer
cette pression maximale.
Ni Washington, ni
les pays anti-iraniens du Moyen-Orient,
ni les autres signataires de l’accord
nucléaire n’ont jusqu’ici payé le prix
de leurs actes hostiles contre l’Iran.
Cela va maintenant changer.
Trafic en cours des pétroliers chargés
au Moyen-Orient
via
Tanker Trackers
L’Iran va agir
contre les intérêts des États-Unis,
d’Israël, de l’Arabie saoudite et des
Émirats arabes unis. Il le fera sous une
forme qu’il pourra nier pour ne pas
donner aux États-Unis et à d’autres pays
l’occasion de rétorquer militairement.
L’Iran a des amis dans divers pays du
Moyen-Orient qui le soutiendront avec
leurs propres capacités. La campagne que
l’Iran lance aujourd’hui causera
également de graves dommages à d’autres
pays.
Mi-2018, après que
Trump a commencé à sanctionner les
exportations de pétrole de l’Iran, les
dirigeants de ce pays ont expliqué
comment ils allaient contrer cette
décision :
« Si l’Iran ne peut
pas exporter son pétrole, personne au
Moyen-Orient ne le pourra »,
a prévenu Téhéran.
En décembre
dernier, le président iranien Rouhani
réitérait cette position :
« Si un jour ils
veulent empêcher l’exportation du
pétrole iranien, alors aucun pétrole ne
sera exporté du golfe Persique », a
expliqué Rouhani.
Mi-mai 2019, un an
après que Trump a détruit l’accord
nucléaire, une
démonstration de forces a endommagé
quatre pétroliers qui mouillaient près
de Fujairah dans les EAU. Aucune preuve
n’a été trouvée pour accuser l’Iran de
l’attaque.
L’incident était un
avertissement. Mais les États-Unis l’ont
ignoré et ont augmenté leur pression.
Hier, deux
pétroliers transportant des produits
pétrochimiques ont été
attaqués alors qu’ils traversaient
le golfe d’Oman. Comme cet incident est
survenu quelques jours seulement après
que Trump a sanctionné les exportations
pétrochimiques de l’Iran, l’implication
de l’Iran semble une évidence. Mais
encore une fois, aucune preuve n’a été
trouvée pour accuser l’Iran de
l’incident.
Les États-Unis ont
publié
une vidéo granuleuse en noir et
blanc montrant une équipe iranienne de
recherche et de sauvetage en train
d’enlever une mine non explosée d’un des
pétroliers. Aucune mine n’est visible
dans la vidéo. L’équipage iranien semble
seulement inspecter les dégâts sur le
pétrolier.
Les États-Unis
eux-mêmes
admettent que la vidéo a été prise
plusieurs heures après l’incident. Les
États-Unis disent aussi qu’un de leurs
navires se trouvait à proximité.
Pourquoi n’a-t-il pris aucune mesure
pour enlever lui-même la mine
revendiquée ?
Entre-temps, le
propriétaire du Kokuka Courageous,
l’un des navires sinistrés, a déclaré
que les dommages causés à son navire
n’étaient pas causés par des mines mais
par
des drones :
Deux « objets
volants » ont endommagé un pétrolier
japonais appartenant à Kokuka Sangyo
Co lors d'une attaque jeudi dans le
golfe d'Oman, mais la cargaison de
méthanol n'a pas été endommagée, a
déclaré le président de la compagnie
vendredi. ...
« L'équipage
nous a dit que quelque chose est venu
vers le navire en volant, et ils ont
trouvé un trou, » dit Katada. «
Puis d’autres membres de l’équipage ont
été témoins de la seconde attaque. »
Katada a également
rejeté l’hypothèse selon laquelle le
pétrolier, qui naviguait sous pavillon
panaméen, aurait été attaqué parce qu’il
s’agissait d’un navire appartenant à des
Japonais :
« À moins d'un
examen minutieux, il était difficile de
dire si le pétrolier était exploité ou
appartenait à des Japonais », a-t-il
dit.
Malgré l’ignorance
évidente de qui, ou de ce qui, a causé
l’incident, les États-Unis ont
immédiatement accusé l’Iran :
Secrétaire Pompeo
@SecPompeo -
18:27 UTC - 13 juin 2019
Selon l'évaluation
du gouvernement américain, l'Iran est
responsable des attaques d'aujourd'hui
dans le golfe d'Oman. Ces attaques
constituent une menace pour la paix et
la sécurité internationales, une
atteinte flagrante à la liberté de
navigation et une escalade inacceptable
de la tension par l’Iran.
L’Iran a rétorqué :
Javad Zarif @JZarif
-
12:11 UTC - 14 Jun 2019
Le fait que les
États-Unis aient immédiatement sauté sur
l’occasion pour accuser l'Iran - sans la
moindre preuve factuelle ou
circonstancielle - ne fait qu'indiquer
très clairement que #l'équipeB est en
train de passer à un #PlanB : Saboter la
diplomatie - y compris celle de
@AbeShinzo- et couvrir son
#Terrorisméconomique contre l’Iran.
J’ai averti de ce
même scénario il y a quelques mois, non
pas parce que je suis clairvoyant, mais
parce que je sais d’où vient #l’équipeB.
« L’équipeB »
comprend John Bolton, conseiller à la
sécurité nationale de Trump, Bibi
Netanyahoo, Premier ministre israélien,
Mohammad bin Salman d’Arabie Saoudite et
Mohammed bin Zayed des EAU.
Dire que les
attaques étaient des provocations de la
part des États-Unis ou de leurs alliés
du Moyen-Orient est rendu plus facile
par leur caractère manifestement
impitoyable. Toute accusation de
culpabilité iranienne de la part de
l’administration Trump sera facilement
rejetée parce que
tout le monde
sait que Trump et son équipe sont
des
menteurs notoires.
Ce jeu du chat et
de la souris va maintenant se poursuivre
et s’accélérer avec régularité. Plus de
pétroliers seront endommagés ou même
coulés. Des raffineries saoudiennes vont
commencer à exploser. Les ports des
Émirats Arabes Unis connaîtront des
difficultés. L’Iran niera de façon
plausible qu’il soit impliqué dans tout
cela. Les États-Unis continueront
d’accuser l’Iran, sans avoir aucune
preuve à l’appui.
L’assurance pour le
transport des marchandises au
Moyen-Orient deviendra très coûteuse.
Les prix à la consommation des produits
pétroliers augmenteront encore et
encore. Les
dommages collatéraux seront
immenses.
Tout cela va
progressivement mettre plus de pression
sur Trump. Les États-Unis voudront
négocier avec l’Iran, mais cela sera
rejeté à moins que Trump ne rejoigne
l’accord nucléaire et lève toutes ses
sanctions. Il ne peut le faire sans
perdre la face, et ses alliés. D’ici
mi-2020, la campagne de pression
maximale atteindra son apogée. Les prix
du pétrole vont exploser et les
États-Unis vont entrer en récession.
L’économie mondiale va s’effondrer et
tout le monde saura qui a causé le
problème sous-jacent. La réélection de
Trump sera mise en question.
Il y aura également
des pressions sur lui pour qu’il adopte
des mesures militaires contre l’Iran.
Mais il sait qu’une guerre serait tout
aussi désastreuse pour ses chances de
réélection que pour les États-Unis
eux-mêmes. Une guerre contre l’Iran
mettrait tout le Moyen-Orient à feu et à
sang.
La pression
maximale que Trump espérait exercer
contre l’Iran se retournera en pression
maximale sur lui et ses alliés. Il sera
piégé et n’aura pas d’issue.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan,
relu par jj pour le Saker Francophone
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