Algérie
Qui a peur de Karim
Tabou ?
Lahouari Addi
Dimanche 29 mars 2020
Pourquoi le régime
s'acharne-t-il contre Karim Tabou qui
devait être libéré le 26 mars après
avoir purgé une peine qui lui avait été
injustement infligée pour avoir exprimé
une opinion? La raison est simple: le
régime veut le neutraliser, y voyant en
lui celui sur lequel se cristallise à
l'échelle nationale le rejet du régime.
En emprisonnant Karim Tabou, le régime
croit faire cesser le rejet du régime.
La France coloniale avait agi de la même
manière en kidnappant et en arrêtant Ben
Bella et ses compagnons, croyant "avoir
décapité la rébellion" comme le
titraient les journaux. Mais la
"rébellion" avait continué en se donnant
d'autres chefs. K. Tabou est un
thermomètre qui indique l'ampleur du
rejet du régime. D'autres opposants avec
la même dimension nationale vont
apparaître à Oran Constantine,
Tizi-Ouzou... Ce qui gêne le régime,
c'est la dimension nationale de Karim
Tabou et aussi le large consensus
idéologique qu'il suscite. Ses discours
où il demande que les généraux remettent
la souveraineté usurpée au peuple sont
prononcés en arabe classique et
dialectale, en amazigh et en français.
Son respect pour les valeurs de l'islam
expriment son enracinement dans dans les
profondeurs de sa société et expriment
son respect pour les croyances de ses
parents qui lui ont donné le prénom de
Karim, le généreux.
Des démocrates,
sincères ou faussement sincères, lui
reprochent que sa femme porte le hijab.
Elle porte le hijab comme le font des
millions d'autres femmes pour des
raisons sociales et non religieuses. La
femme ne cache pas sa chevelure à Dieu
qui la connaît; elle la cache à des
hommes hostiles à la présence des femmes
dans l'espace public. Comme de
nombreuses études sociologiques le
montrent, le hijab n'est pas porté pour
Dieu; il est porté pour neutraliser le
regard prédateur des hommes pour qui la
place d'une femme respectable est
l'espace domestique. Le hijab est la
transition, obligée pour certaines, vers
la mixité sociale. On ne passe pas du
douar à la ville sans transition dans le
comportement vestimentaire. Le hijab est
le signe qui montre que la femme veut
être présente dans l'espace public.Quand
les hommes s'habitueront à cette
présence, il diminuera.
Karim Tabou et sa
famille appartiennent à cette dynamique
de transformations de la société sans
rejeter brutalement ses valeurs. Ils
respectent le rythme de son évolution
tout en y contribuant, ayant la
conviction que la majorité des femmes
qui portent le hijab et la majorité des
hommes qui vont à la mosquée veulent
aussi la démocratie.
C'est parce que
Karim Tabou a transcendé les clivages
régionalistes et les divisions
idéologiques que les hirakistes
brandissent son portrait. il est devenu
une figure nationale de Annaba à Marnia
et d'Alger à Tamanrasset. C'est ce qui
explique l'acharnement des généraux à
qui il fait peur. Ils ont raison d'avoir
peur car d'autres Karim Tabou vont
apparaître une fois vaincue la pandémie.
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