Algérie
Le Hirak a un An !
Lahouari Addi
Dimanche 23 février 2020
Le 53èm vendredi de
la mobilisation populaire a été
impressionnant par le nombre de citoyens
qui sont sortis dans toutes les villes
pour célébrer le premier anniversaire du
soulèvement citoyen cherchant à
restaurer la dignité de l'Etat. Que
peut-on apprendre de ce hirak salvateur
issu des profondeurs de la société et de
l'histoire du mouvement national? La
première leçon est que les Algériens ont
compris qu'un Etat est une institution
politique et non un simple outil
administratif. En interdisant la
politique aux Algériens, les généraux
ont transformé l'Etat en guichets où des
administrés viennent quémander les
moyens pour subvenir à leurs besoins
sociaux. L'objectif du régime était que
la société dépende du bon vouloir des
généraux qui ont privatisé l'autorité
publique en se donnant la prérogative de
nommer qui leur semble aux fonctions
électives et aux hautes fonctions de
l'administration. Ils ont mis sur place
un organisme, le DRS, pour empêcher que
les différents groupes sociaux aient
leurs représentants. Ils ont interdit
les partis représentatifs, les syndicats
autonomes, surveillé la presse, bloquant
ainsi la formation de corps
intermédiaires entre l'Etat et la
société. La politique, que nul ne peut
interdire parce qu'elle est un aspect
essentiel de la reproduction sociale, a
pris en Algérie la forme de l'émeute.
L'émeute violente est une demande d'Etat
que les généraux réprimaient en envoyant
les forces de sécurité. Ce sont les
milliers d'émeutes locales qui ont eu
lieu ces dernières années qui ont mené à
l'émeute nationale, pacifique appelée hirak. Le hirak demande un Etat dirigé
par des responsables élus à travers des
élections compétitives s'inscrivant dans
l'alternance. Cet Etat ne peut voir le
jour que si les généraux acceptent le
principe de la transition vers un régime
nouveau reposant sur la séparation des
trois pouvoirs: un POUVOIR EXECUTIF qui
dirige l'administration sur la base des
orientations politico-juridiques d'un
POUVOIR LEGISLATIF souverain et sous le
contrôle d'un POUVOIR JUDICIAIRE
autonome qui veille à l'application des
lois.
Si les centaines de milliers de
manifestants crient LES GENERAUX A LA
POUBELLE, c'est parce que ces généraux
n'ont pas compris deux choses
essentielles:
1. La dynamique historique du régime né
de l'indépendance est épuisée et ce,
depuis au moins Octobre 1988. Ce régime
et son personnel ne peut plus diriger
l'Etat car il n'a plus de ressources
idéologiques et il est délégitimé par
ses échecs sociaux et économiques, sans
compter la corruption. L'échec du régime
a durci les généraux qui ont exigé
l'obéissance à tout le pays. Le général
doit être obéi par ses troupe et n'a pas
à leur rendre des comptes. Il ne peut
pas exiger cette attitude des civils car
le pays n'est pas une caserne.
2. Le grade de général appartient à la
nomenclature de la fonction publique et
est équivalent au titre de
haut-fonctionnaire au service de l'Etat,
son employeur. Par une ruse de
l'histoire, qui a coûté la vie à Abbane
Ramdane, le militaire algérien s'est
imposé comme source de pouvoir en lieu
et place de l'électorat. Il n'y a aucune
raison pour que de hauts-fonctionnaires
s'approprient le pouvoir souverain qui
appartient au peuple. Qui les a mandaté
pour être de Grands Electeurs qui
désignent le président et les députés à
travers leur police politique?
Le slogan LES GENERAUX A LA POUBELLE
vise à corriger cette injustice qui
permet à des généraux de s'approprier
une part de la rente pétrolière au
détriment de l'économie nationale. Le
hirak, qui vient de célébrer son premier
anniversaire, ne s'arrêtera pas jusqu'à
ce que les généraux se rendent à la
raison et rendent à l'électorat ce
qu'ils lui ont pris: la souveraineté.
Ceci est une affaire de bon sens et
aussi de rapport de force, et le rapport
de force est en faveur du hirak.
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