Algérie
Le hirak n’a pas vocation à être
structuré
Lahouari Addi
Mardi 19 novembre 2019
Beaucoup de voix s’élèvent pour demander
à ce que le hirak se structure,
s’organise et se donne des représentants
locaux et nationaux. Ce serait une
erreur stratégique que l’Etat-Major
exploitera pour diviser et affaiblir la
dynamique du mouvement, comme l’a fait
le DRS lors de la protestation populaire
en Kabylie en noyautant les ‘arouchs et
en provoquant leurs divisions. Le hirak
est un mouvement social porteur d’une
revendication nationale qui réunit
l’ensemble des couches de la société. Il
ne peut par conséquent se donner une
organisation partisane que se
disputeront les différents courants
idéologiques dans la société. Il
rassemble des Algériens de convictions
politiques différentes, réunis par un
seul mot d’ordre qui fait sa force : le
transfert de l’autorité de l’Etat à des
civils. Il est difficile de diviser le
hirak sur cette revendication : dawla
madania, machi ‘askaria est un slogan
scandé par des centaines de milliers de
manifestants tous les mardis et
vendredis. Le hirak n’est pas porteur
d’un projet de société; il est porteur
d’un projet d’Etat où le président et
les députés sont élus démocratiquement
et non désignés par la hiérarchie
militaire.
La structuration et la réorganisation du
champ politique commencera avec la
transition qui mettra fin aux partis
artificiels subventionnés par l’argent
public. Une nouvelle loi électorale
fixera les conditions de création et de
participation politique à des partis
porteurs de projets sociaux et
économiques qu’ils proposeront aux
électeurs. Il y a deux étapes dans le
hirak qu’il ne faut pas confondre : le
départ du régime actuel et la
construction institutionnelle du nouveau
régime. La première étape est plus
facile, car il est plus facile de
mobiliser contre un régime qui a porté
atteinte aux intérêts de la nation. La
seconde étape est plus difficile car
comme toute société, la société
algérienne est divisée idéologiquement
et politiquement. Il faudra alors
s’entendre sur les règles de la
compétition électorale avec deux
principes non négociables : la liberté
d’expression et l’alternance électorale.
Il ne faut pas tomber dans le piège de
janvier 1992 et répéter la tragédie
nationale qui a coûté 200 000 morts. Si
un parti gagne les élections, ses
adversaires doivent le combattre
légalement, dans le cadre de l’ordre
constitutionnel, et chercher à
l’affaiblir électoralement en attendant
la prochaine échéance.
En conclusion, les Algériens seront unis
pour arracher la transition vers un
régime civil, et pour cette tâche, ils
n’ont pas besoin de structures
organiques. Il faut juste obliger l’Etat-Major
à négocier la transition avec des
militants emprisonnés, renforcés par
quelques personnalités crédibles qui
n’ont jamais eu aucun lien avec le
régime. Le hirak réussira parce que son
objectif est clair et correspond à une
profonde aspiration nationale à laquelle
adhèrent aussi beaucoup de militaires :
un Etat de droit dirigé par une élite
sortie des urnes et non fabriquée
artificiellement dans les laboratoires
de la police politique.
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