Algérie
Danger d’un scénario égyptien :
Pourquoi la situation en Algérie est
différente
et la voie vers l’Etat civil est moins
compliquée
Lahouari Addi
Dimanche 11 août 2019 Depuis le 22
février, Facebook est devenu en Algérie
un lieu de discussions politiques
intéressantes. En tant qu’enseignant, je
suis submergé par des questions que me
posent des étudiants qui veulent savoir
et surtout comprendre. L’un d’entre eux
m’a demandé mon opinion sur un texte
défaitiste d’un Egyptien qui circule sur
les réseaux sociaux sur ce qui se passe
au Soudan, et évidemment en arrière-fond
avec ce qui se passe en Algérie.
Ce point de vue
d’un Egyptien sur ce qui se passe au
Soudan n’est qu’un point de vue qui
traduit les difficultés de construction
de la démocratie en Egypte et au Soudan.
Mais la situation économique et
géo-politique est différentes de celle
de l’Algérie. Commençons par l’Egypte.
Sa proximité avec Israel est un handicap
géopolitique majeur.
Les USA
n’accepteront pas un régime égyptien qui
traduit en politique étrangère l’opinion
publique nationale hostile à Israel. Et
comme l’Egypte est pauvre, son
gouvernement monnaye sa position
vs-à-vis d’Israel contre 3 milliards de
dollars par an provenant des USA et de
l’UE. Donc le poids du facteur étranger
est important sinon décisif en Egypte.
Concernant le Soudan, malgré ses énormes
potentialités, c’est un pays pauvre.
Ses militaires ont
besoin des millions de dollars qui
viennent d’Arabie Saoudite et des
Emirats. Les généraux soudanais
acceptent même de jouer aux mercenaires
au Yemen et en Libye pour le compte des
monarchies du Golfe. La situation en
Algérie est différente et la voie vers
l’Etat civil est moins compliquée. Il
faut dire aussi que nous n’avons pas la
même histoire. En Egypte par exemple,
l’armée a servi la monarchie qu’elle a
renversée en 1952. L’armée existait
avant l’indépendance nationale et a
servi le protectorat anglais. En
Algérie, l’armée a été créée par le
peuple durant la guerre de libération.
Bien sûr avec le
temps, une caste d’officiers s’est
constituée et a oublié les origines
idéologiques de l’armée de Lotfi,
Amirouche et Ben Boulaid. C’est ce qui
explique la forte mobilisation populaire
depuis le 22 février. Que disent les
manifestants à Gaid Salah? Bladna,
djiechna oua dirou raina. Ils lui disent
clairement: c’est notre armée et elle
n’est pas au service d’une caste ou
d’une ‘issaba.
Pour résumer, la
guerre de libération 54-62, une position
géopolitique moins sensible qu’au
Moyen-Orient, la disponibilité de
ressources financières donnent au peuple
algérien une marge de manoeuvre plus
grande dans la maîtrise de sa destinée
politique. Depuis le 22 février, le
peuple a montré une certaine maturité
politique, et il faut que l’EM se
réorganise (départ à la retraite des
plus de 65 ans) pour se mettre au niveau
de cette maturité et des revendications
de la mobilisation populaire.
Par Lahouari
Addi, professeur de sociologie à
l’Institut d’Études Politiques de Lyon
et chercheur à Triangle, laboratoire du
CNRS. Ce texte a été préalablement sur
la page Facebook de cet auteur.
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