Algérie
La justice en Algérie et l'inquisition
Lahouari Addi

Vendredi 9 octobre 2020
La lourde condamnation de Yacine Mébarki
pour "offense au dogme de l'islam" et
"incitation à l'athéisme" est destinée à
lancer la polémique sur l'athéisme pour
créer de la diversion et affaiblir les
rangs du hirak. Le régime veut rallier à
lui une partie de l'opinion en
condamnant des soit-disant athées. En
matière religieuse, le devoir de l'Etat
est de préserver la paix civile et non
d'inciter à la haine des uns contre les
autres sur la base d'accusations
légères. Mais sur le fond, cette
condamnation n'a aucun fondement
juridique puisque la constitution en
vigueur, et celle proposée à référendum,
garantissent la liberté de conscience et
la liberté d'opinion. Sur le plan
religieux, cette condamnation n'est pas
légitime non plus car le Coran stipule
"pas de contrainte en religion" (s. 2,
v. 256).
Mais ce qui est
grave, c'est que cette condamnation
prononcée par un juge algérien au XXIèm
siècle est inquisitoire et contraire à
la modernité juridique et à l'esprit de
la tradition juridique musulmane du
passé. Les fouqahas ne condamnaient
l'impiété que si elle provoquait la
fitna. Ils n'allaient pas fouiller dans
le coeur des gens. Fouiller dans le
coeur des gens, c'est ce que faisait
l'inquisition qui a appartenu à
l'histoire de l'Espagne chrétienne. Les
Rois très catholiques de l'Espagne de la
Reconquista obligeaient les musulmans et
les juifs de se convertir au
catholicisme ou de quitter l'Espagne.
Certains ont quitté l'Espagne pour
rejoindre le Maghreb, mais d'autres sont
restés et se sont convertis. Ils étaient
appelés les marranes ou les conversos.
Ils étaient cependant soupçonnés d'être
restés fidèles à leurs religions
d'origine. Un tribunal spécial, appelé
tribunal de l'inquisition, a été mis sur
pied pour juger de la sincérité de leur
foi. L'inquisition est un tribunal qui
jugeait des catholiques accusés de ne
pas être sincèrement catholiques. Le
tribunal qui a condamné Yacine Mébarki
s'est inspiré de l'inquisition espagnole
et n'a rien à voir ni avec la modernité
juridique ni avec la tradition juridique
musulmane du passé qui n'a condamné ni
al Ma'ari ni al Razi ni les mu'tazilas.
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