Syrie
Tardif mais édifiant aveu de Laurent
Fabius
Kharroubi Habib
Mercredi 18 décembre 2013
Il y a quelques jours, le ministre
français des Affaires étrangères Laurent
Fabius s'est avisé que l'opposition
syrienne «modérée» que son pays s'est
empressé de reconnaître en tant que
«représentante unique et exclusive du
peuple syrien» est confrontée à de
«sérieuses difficultés». Aveu étonnant
de la part d'un chef de diplomatie qui
jusqu'à récemment balayait hautainement
toutes les mises en garde avertissant
que cette opposition «modérée» est une
utopie sur laquelle il est illusoire de
bâtir la solution qui contribuerait à
l'arrêt du conflit syrien.
Fabius a été forcé d'en convenir au
constat que cette opposition n'a pas
seulement de «sérieuses difficultés»
mais qu'elle a été totalement laminée
sur le terrain par les autres
protagonistes du conflit armé. Il a été
incontestablement un temps dans ce
conflit où l'opposition «modérée» aurait
pu prétendre à un rôle déterminant dans
sa résolution. Ses propres
contradictions internes ont été son
handicap, auxquelles se sont surajoutés
les encouragements et pressions l'ayant
poussée à rejeter toutes les ouvertures
que le régime de Damas a esquissées en
sa direction. La France a été dans le
peloton des puissances qui l'ont
«conseillée» dans ce sens.
L'amère réalité du terrain en Syrie
démontre que si le conflit armé a
redoublé d'intensité, l'opposition
«modérée» a elle perdu toute visibilité
au profit des groupes armés djihado-salafistes
qui ne la reconnaissent plus pour alliée
et font le coup de feu autant contre les
partisans du régime que contre ses
combattants dont les rangs se sont
pratiquement volatilisés. Parler de
«sérieuses difficultés» pour qualifier
la situation de cette opposition
«modérée», c'est user d'un euphémisme
pour ne pas reconnaître qu'elle est en
fait «hors course» pour ce que sera la
Syrie à l'issue du conflit.
Avant que Fabius n'en vienne à admettre
que l'opposition sur laquelle son pays a
tablé dans le conflit syrien est une
«branche morte», les Américains ont plus
directement reconnu qu'ils se sont
fourvoyés en lui accordant le label
d'acteur déterminant dans la lutte
contre le régime de Damas et celle
appelée naturellement à accéder au
pouvoir à la chute de ce régime qu'ils
ont cru rapide et inéluctable. Paris et
les Occidentaux découvrent tardivement
l'inanité des illusions qu'ils ont
fondées sur cette opposition et
l'impossibilité pour eux de se rabattre
sur un plan «B» pour ce qui est de la
résolution du conflit. Où qu'ils se
tournent c'est pour constater qu'ils ont
perdu la main et que ce qui sortira de
ce conflit fuira les desseins qu'ils ont
nourris en prenant fait et cause avec la
rébellion contre le régime de Bachar El-Assad.
Si en acceptant tardivement le principe
de la conférence de paix de Genève II
ils espèrent remettre le pied à l'étrier
à cette opposition modérée, ils font là
aussi un mauvais calcul car la situation
sur le terrain a totalement disqualifié
leur «protégée». La conférence pourrait
effectivement avoir lieu et l'opposition
modérée y soumettre des propositions.
Sauf que le temps d'un arrangement
politique entre elle et le régime est
passé car le conflit syrien ne se
règlera désormais que militairement. Sur
ce terrain, l'opposition «modérée» est
laminée, contrainte d'assister
impuissante au bras de fer auquel se
livrent le régime et les groupes djihado-salafistes
qui l'un et les autres ne la considèrent
plus comme une partie ayant voix au
chapitre dans la lutte à mort qui est en
train de décider du sort de la Syrie.
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