Russie politics
Coronavirus : La Russie sommée
d'abdiquer
devant le monde global unipolaire
Karine Bechet-Golovko

Mardi 31 mars 2020
Avec l'annonce très étrange dans la
forme de la mise en place à Moscou et
dans la région de Moscou d'un régime
strict de confinement, avec l'accord de
l'Administration présidentielle mais
sous la responsabilité personnelle
du Maire et du Gouverneur de la
région de Moscou, la Russie se retrouve
dans la même impasse juridico-politique
que les pays européens. Ces mesures
liberticides prises sans bases
législatives, par des personnes qui n'en
ont pas le pouvoir, hors régime
juridique de circonstances
exceptionnelles. Et dans le cas
spécifique de la Russie, avec le silence
total du Président Poutine ... Ce combat
des élites dont nous parlions semble
prendre des proportions inquiétantes.
L'annonce de Gordon Brown de mettre en
place un gouvernement global pour sortir
de la situation a manifestement fait des
émules, même au sein de la Russie. Ce
qui en général s'est très mal fini pour
elle, à chaque fois qu'elle a fait le
choix de la voie occidentale contre la
voie nationale, que ce soit en février
1917 ou en 1991. Le Président russe
V. Poutine est sorti de son silence la
semaine dernière pour annoncer "une
semaine de congés payés" (voir
notre texte ici), ce qui a ouvert la
porte à la mise en place de mesures de
confinement tout d'abord légères, puis,
maintenant, strictes. L'hésitation et la
prudence, qui ont marqué le début de la
crise, montre bien que la présidence
n'est pas particulièrement favorable à
l'évolution de ce scénario globaliste,
mais la mise en retrait médiatique du
Président, dont l'image n'est plus
utilisée que pour faire passer des
mesures globalistes impopulaires et
incomprises, renforce l'analyse que nous
avions faite de cet éclatement des
élites et du combat vital pour la
Russie qui se mène encore une fois entre
les globalistes (anciens
occidentalistes) et les nationalistes
(anciens slavophiles).
Les appellations
changent, le contexte évolue, le combat
continue.
Les mesures mises
en place furent jugées insuffisantes,
sur le plan politique et non pas
sanitaire, et la pression a été
augmentée. Une
Lettre ouverte des économistes, dont
les figures de proue sont d'une part
Goureev (qui est parti à Paris) et
Sonine (qui est lui professeur à
Chicago), appellent à confiner la
population russe, quitte à détruire
l'économie. C'était le 27 mars. Le
lendemain, notre nouveau ministère
global de la santé,
l'OMS, déclare être particulièrement
insatisfait du comportement des
Moscovites : ils ne sont pas terrés de
peur, ils osent aller se promener en
famille - ce qui est extrêmement
dangereux. En famille, en effet, quelle
horreur. Mais où vivent-ils ces
moscovites le reste du temps - et avec
qui ? J'ai peur que l'appartement
Moscovite moyen ne permette pas une
pièce par personne ...
Le maire de Moscou,
Sobianine, avec tout le fanatisme
globaliste auquel il nous a habitués,
s'est lancé dans une course - au pouvoir
? Il a
décrété hier, que les gens n'ayant
pas assez peur, il fallait les mettre de
force à la maison. Tous et plus
uniquement les plus de 65 ans. Ils ne
peuvent plus sortir que pour faire leurs
courses ou aller à la pharmacie, aller
aux urgences (et chez le médecin ?) ou
sortir le chien dans un rayon de 100 m.
Gracieusement, les Moscovites ont
également obtenu le droit de sortir leur
poubelle. C'est écrit. Et aucun contact,
l'homme est un virus pour l'homme,
gardez vos distances - 1,5 m. Il s'agit,
selon Sobianine d'une "distance
sociale". L'on aurait cru que la
question était sanitaire. Que signifie
une "distance sociale"? Sachant que ces
mesures ne concernent que les personnes
et pas les voitures. Elles sont donc,
pour la plèbe qui prend le bus et le
métro.
Mais le pouvoir
appelle le pouvoir, et lorsque l'on y a
goûté il est difficile de s'arrêter en
si bon chemin, Sobianine a immédiatement
prévenu que ce n'était qu'un début. Car
bientôt l'on va avoir droit des
laissez-passers spéciaux. Chacun devra
s'enregistrer en fonction de son lieu de
résidence effective et personne ne
pourra sortir de chez lui sans ce code
qu'il faudra porter toujours sur soi, et
qui devra être présenté aux forces de
l'ordre si l'imprudent ose mettre ne lez
dehors. De même, le suivi électronnique
de chaque personne doit être organisé.
Chaque habitant est bien considéré comme
un criminel potentiel. Mieux qu'en
France, le fanatisme est sans limites.
Il y aura donc une catégorie d'élus,
dont les critères sont en cours de
détermination, qui pourront se déplacer
dans la ville, quand la populace sera
consignée à domicile. Encore mieux qu'en
Corée du Nord ou qu'au Turkménistan, le
maître de la ville pourra contempler son
territoire, sans entrave. Rappelons
simplement que plus un pouvoir est
total, plus il est court.
Deux remarques.
Juridiquement,
la démarche du maire de Moscou est non
seulement de caractère totalitaire, mais
totalement dénuée de fondement légal,
car il n'a pas les compétences de sa
volonté. C'est ce qui est
rappelé par de nombreux politiciens
et juristes. Le sénateur Klichas
rappelle gentiment que ces mesures
liberticides sont justement de la
compétence de l'Assemblée fédérale
(c'est-à-dire du pouvoir législatif
fédéral) ou du Président (qui est
étrangement silencieux ...). En effet,
selon l'article 55 al. 3 de la
Constitution, les droits et libertés,
notamment pour raison sanitaire, ne
peuvent être limités que par la loi
fédérale. L'on soulignera également la
position d'autres juristes, affirmant
qu'il n'existe pas de législation
fédérale permettant, à ce jour, de
prendre ces mesures. Sans oublier que
personne ne veut prendre le risque
politique d'annoncer le régime des
circonstances exceptionnelles, qui
rappelle beaucoup trop le coup d'Etat de
1991 ... Il ne manque finalement plus
que de voir la Garde nationale dans la
rue pour que les gens fassent le
parallèle. Ce n'est pas si vieux et les
Russes ont bonne mémoire.
Bref, la question
de la valeur juridique de cette
poussée d'autoritarisme globaliste
laisse perplexe. Cela ressort plus du
registre de l'intimidation, ce qui n'est
pas conforme à l'esprit de l'Etat de
droit.
Politiquement,
le pouvoir fédéral marche sur des oeufs
et la division des politiques et des
manageurs devient irréversible. Si
le Premier ministre
Michoustine appelle les autres
régions du pays à adopter des mesures
similaires, l'Administration
présidentielle reste sur ses gardes :
formellement, elle a donné un accord de
principe, mais sous la responsabilité
personnelle du maire de Moscou et du
gouverneur de la région. Etrange
formulation, sauf à dire que c'est un
putsh politique sans base juridique,
mais que le pouvoir fédéral ne peut
prendre le risque politique de se
transformer en pouvoir autoritaire et
qu'il lui manque la force politique de
le contrer. Car entre le
mécontentement populaire montant et le
fanatisme globaliste de ces élites, il
ne reste que l'image de Poutine. Qui
fait encore barrière de son corps. C'est
pourquoi manifestement, il est laissé à
l'ombre pour l'instant. Pour ne pas trop
rapidement l'user, car le combat, s'il
entre dans sa phase décisive, ne fait
que commencer.
En cela,
Michoustine et Sobianine suivent
parfaitement le mouvement globaliste et
préparent le scénario annoncé à
l'occasion de la réunion virtuelle du
G20 par Gordon
Brown, l'ancien Premier ministre
britannique. Celui-ci a eu la
gentillesse de bien vouloir enfin nous
expliquer à quoi rime toute cette
tragi-comédie:
"Gordon Brown
has urged world leaders to create a
temporary form of global government to
tackle the twin medical and economic
crises caused by the Covid-19 pandemic."
Selon lui, pour
régler la crise dite sanitaire, les
Etats sont conduits à prendre des
mesures qui provoquent une crise
économique et donc sociale sans
précédent. La situation devient telle,
qu'il faut mettre en place un système de
gouvernance globalisée pour y
faire face. C'est, pour lui, la seule
solution.
Ainsi, la crise
qui vient du monde global, doit dans un
raisonnement d'une absurdité totale,
conduire à l'avènement définitif de ce
monde global.
Dans cette logique,
les organes du pouvoir global, qui
existent déjà (OMS - ministère de la
santé; FMI - ministère des Finances, OMC
- ministère du Commerce; ONU - assemblée
parlementaire; G20 - gouvernement; ...),
doivent être institués en système de
gouvernance. Il ne reste aux Etats que
le rôle d'exécutant, ce que les
manageurs qui sont à leur tête
réussissent parfaitement déjà à faire.
En adoptant ces
mesures liberticides, Sobianine et
Michoustine contribuent à la réalisation
de ce projet totalitaire globaliste. Ils
conduisent la Russie à abdiquer ce qui
lui reste de souveraineté, car ils
entrent dans un jeu dont ils ne
maîtrisent pas les règles. Comment et
quand la situation pourra-t-elle être
normalisée? Ce ne sera plus alors à eux
de décider, et donc à la Russie. Ils
devront appliquer.
En endossant les
oripeaux de Faust, ils ne maîtrisent
plus le scénario et estampillent
l'avènement du monde unipolaire.
PS : "Les
complots ne sont pas moins dangereux
parce qu'ils sont montés par des sots,
ni le pouvoir moins exposé parce que
ceux qui veulent le saisir ne sauraient,
s'ils y parvenaient, l'exercer."
Maurice Druon, Les
mémoires de Zeus.
A réfléchir.
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