Russie politics
Siège permanent de la France à l'ONU :
la tentative de l'Allemagne de remettre
en cause
l'équilibre international
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 29 novembre 2018
Avec la grandeur d'âme de ceux qui
proposent d'offrir ce dont ils ne
disposent pas, l'Allemagne insiste pour
que la France cède son poste permanent
au Conseil de sécurité de l'ONU ... à
l'UE. Cette démarche n'est pas anodine
et constitue la suite directe du cours
politique mené à tambours battants par
Macron conduisant à la réécriture de
l'histoire puisqu'il n'y a pas
d'agresseurs, à la négation de la
puissance internationale de la France
puisqu'il n'existe de pouvoir légitime
qu'européen et finalement à la
reconfiguration des équilibres
internationaux au détriment des Etats
européens, sous le feu nourri des
globalistes. Si Macron accepte, ce sera
son premier véritable acte ouvert
de trahison nationale, lui ôtant toute
possibilité de recourir au traditionnel
"en même temps". Il restera alors
dans l'histoire non seulement comme ce
Président qui a désavoué son peuple,
mais qui a trahi son pays. Une chance
reste, un suicide de cette ampleur exige
une carrure peu commune.
Le vice-chancelier
allemand, Olaf
Scholz, vient de proposer à la
France de céder son siège permanent au
Conseil de sécurité de l'ONU, incitant
ainsi Macron à avoir un comportement
logique avec ses déclarations:
« Si nous
prenons l’Union
européenne au sérieux, l’UE devrait
également parler d’une seule voix au
sein du Conseil de sécurité des Nations
unies […] À moyen terme, le siège de la
France pourrait être transformé en siège
de l’UE »
Aussi choquant que
cela puisse paraître, ce n'est pas la
première
tentative de l'Allemagne. L'arrivée
de Macron à la présidence a relancé les
appétits allemands, sentant que le
terrain est prêt pour mettre fin au
couple franco-allemand et inscrire le
primat allemand dans l'UE, utiliser
cette coquille vide structurelle de l'UE
pour la remplir de sa propre volonté
politique, même si des résistances
existent encore, car à côté de Macron et
de ses favoris, restent encore
des professionnels :
Le projet de
mutualisation du siège au conseil de
sécurité semble emballer l'Allemagne :
en juin dernier, Angela Merkel avait
déjà évoqué la possibilité de mettre le
veto français à disposition de dix Etats
européens "tournant" et travaillant avec
la Commission européenne. Le 6 octobre,
lors d'une conférence à Harvard, c'était
au tour de l'ambassadeur allemand à
l'ONU, Christoph Heusgen, d'annoncer
carrément des négociations entre lui et
l'ambassadeur français François
Delattre au sujet d'un siège
franco-allemand au conseil de sécurité.
Il avait vite été refroidi par Gérard
Araud, l'ambassadeur français aux
Etats-Unis, qui avait rappelé que la
mesure était "politiquement
inconcevable". Olaf Scholz semble
d'ailleurs conscient des difficultés de
la tâche : il a reconnu qu'il restait "un
certain travail de conviction à faire à
Paris".
Cette tentative
allemande s'inscrit dans la démarche de
réécriture de l'histoire récente
conduisant à nier le rôle d'agresseur de
l'Allemagne nazie. Ce qui avait été
illustré à merveille lors de cette
dernière cérémonie, autant qu'il soit
possible de la dénommer ainsi, de
l'armistice du 11 novembre (voir
notre texte ici).
Après la guerre, la
France, qui avait baissé les armes dès
1940, n'était absolument pas pressentie
pour faire partie du Conseil de sécurité
de l'ONU regroupant les vainqueurs et
les puissances, elle n'a même pas été
invitée à participer aux discussions
devant conduire à sa fondation et c'est
uniquement grâce au combat diplomatique
acharné de
De Gaulle, qui a réussi à
capitaliser politiquement son combat de
résistance, que la France a pu obtenir
cette distinction.
Le droit
international retranscrit dans les
textes l'état des rapports de force
politique à moment donné, les
pérennisant ... pour une certaine
période. Or, cette situation ne convient
pas à l'Allemagne, qui peut ici compter
sur le soutien de ces nombreux pays
membres de l'UE qui ont soit fait partie
de l'Axe Allemagne - Italie - Japon et
qui ont signé le Traité tripartite
(Hongrie, Roumanie, Slovaquie,
Bulgarie), soit ont été co-belligérants
(Finlande et Espagne avec la division
Azul), soit ont été annexés et ont
participé au conflit aux côtés de l'Axe
(Autriche, Albanie), soit ont mis en
place des gouvernements "nationaux" de
collaboration active (France, Croatie,
une partie de la Serbie, la Grèce, le
Danemark).
Il est vrai qu'il
rentre tout à fait dans l'intérêt des
pays européens de faire oublier ces
heures sombres, où en tant qu'Etat,
ils n'ont pas brillé par la résistance.
Il faut dire que la
collaboration, notamment de la
France, avec l'Allemagne nazie avait
commencé bien avant 1940 :
En 1938, Hitler
brandit la menace d'une guerre en Europe
si la région des Sudètes, zone
frontalière de Tchécoslovaquie
comprenant une majorité d'Allemands,
n'était pas cédée à l'Allemagne. Les
Premiers ministres français et
britannique, le Duce italien et Hitler
se réunirent lors d'une conférence à
Munich, en Allemagne, les 29 et 30
septembre 1938, pendant laquelle ils
acceptèrent l'annexion de la région des
Sudètes par l'Allemagne en échange d'une
promesse de paix d'Hitler. La
Tchécoslovaquie, qui n'avait pas
participé aux négociations, accepta sous
la forte pression de la Grande-Bretagne
et de la France.
Mais il faut encore
remonter plus loin. En 1933, la
France accepte le Pacte à Quatre
proposé par Mussolini entre l'Allemagne
d'Hitler, la France, l'Italie et la
Grande-Bretagne qui a permis de
court-circuiter la Société des Nations
(ancêtre de l'ONU) et de légitimer le
réarmement. C'est aussi pour cela que
Hitler, lors de l'annexion des Sudètes,
s'est tourné vers la France et la
Grande-Bretagne, les puissances
européennes dominantes, pour faire
pression sur les autres pays. Et ça a
marché.
Mais grâce à la
force politique et diplomatique de De
Gaulle, à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, la France a pu changer de camp
et passer dans celui des vainqueurs,
malgré Pétain et Vichy. Car si la France
est entrée en guerre le 3 septembre
1939, le Gouvernement de Vichy et le
régime de collaboration ont été
instaurés très rapidement, dès le 10
juillet 1940, après que l'armistice ait
été signée le 22 juin. C'est justement
cela que l'Allemagne propose d'oublier
et de remettre en cause, cette victoire
politique de la France de De Gaulle.
Il faut dire que si
l'attention est focalisée sur le
Pacte germano-soviétique, c'est
peut-être aussi pour faire oublier tous
les
autres Pactes conclu entre les nations
européennes et Hitler. Car après le
Pacte à Quatre, qui a reconfiguré les
relations européennes et légitimé
Hitler, d'autres ont suivi : 1934
entre l'Allemagne nazie et la Pologne
un accord de non-agression est
conclu suivis d'accords commerciaux;
1935 entre l'Allemagne nazie et la
Grande-Bretagne un Accord maritime
reconnaît à Hitler le droit d'avoir une
flotte correspondant à 35% de la
puissance de la flotte britannique,
égale en matière de sous-marins, mais
sans dépasser 45% du tonnage - en cas de
violation de ces proportions il
suffisait à l'Allemagne nazie d'en
informer la Grance-Bretagne (ce qui a
mis fin aux limitations du Traité de
Versailles); 1938 c'est l'année
de la conclusion de l'Accord de
Munich sur les Sudètes dont nous
parlions; ensuite, la Grande-Bretagne,
le 30 septembre 1938, signe un
Accord de non-agression avec
l'Allemagne; cette même année 1938, la
France conclue également un
Pacte de non-agression avec
l'Allemagne; en mars
1939, ce sont les pays Baltes
et le Danemark qui signent un
Pacte de non-agression. Après cela,
en août, les Soviétiques, pour gagner du
temps face à une guerre inévitable, ont
effectivement conclu un accord avec
Hitler, avant d'entrer en guerre le 22
juin 1941.
Ce à quoi nous
assistons aujourd'hui, avec les
discussions autour des droits de veto au
Conseil de sécurité, notamment la remise
en cause du droit de veto de la Russie,
et au sujet d'une re-répartition des
sièges permanents, rappelle cette
époque, lorsqu'en 1933, certains pays se
sont considérés comme des puissances
au-dessus des lois et ont entraîné le
monde dans la guerre.
L'Allemagne,
aujourd'hui, veut faire transmettre le
siège français à une organisation
régionale, l'UE, qui n'est pas un Etat,
qui est en crise de légitimité, qui est
de plus en plus contestée. Ce qui au
minimum ressemble à une fuite en avant.
Mais c'est aussi une organisation dans
laquelle l'Allemagne est de facto
dominante. Si Macron cède sur ce point,
il renie définitivement De Gaulle, la
puissance de la France, il commet ni
plus ni moins qu'un acte de haute
trahison, rendu envisageable par ces
processus tout en douceur de réécriture
de l'histoire, par ce renoncement
constant.
Ce qui est déjà
grave et monte l'état de faiblesse dans
lequel se trouve notre pays est que
cette "proposition" non seulement ait
été faite, mais qu'elle ait pu être
réitérée avec une telle insistance. Et
ce silence d'un Président-fantôche,
retranché dans ses slogans, entouré de
ses favoris, qui se tait. Pour se parer
de l'importance ... de la transition
écologique.
Renoncer au siège
permanent de la France à l'ONU, c'est
ouvrir la boîte de Pandore. C'est jeter
dans les eaux troubles des intérêts
politiciens conjoncturels toute la
construction des relations
internationales qui s'est faite sur le
sang et les cendres de millions d'êtres
humains.
Or, l'écroulement
de tout ordre international entraîne
l'impératif d'une guerre pour remettre à
jour les compteurs et la liste des
acteurs majeurs. Pas une guerre sur
internet. Pas des révolutions en couleur
téléguidées. Une guerre, avec des
armées, des soldats, des mobilisations.
Des Etats qui disparaissent, d'autres
qui apparaissent. Mais les commerçants,
qui sont aujourd'hui au pouvoir, ne
veulent pas la guerre. Ils ne savent pas
faire la guerre. Mais ils ne peuvent non
plus l'empêcher ... Pour empêcher un
conflit aussi, il faut de la carrure.
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