Russie politics
De Mamoudou Gassama à Carlo
Cottarelli :
soyez les bienvenus dans la
nouvelle réalité
Karine Bechet-Golovko
Mardi 29 mai 2018
Hier fut une
journée particulièrement riche, qui nous
a montré les deux faces de notre monde,
de ce monde de l'information qui a
remplacé la véritable gouvernance. Cette
gouvernance n'ayant pas pour autant été
annulée, il faut bien gouverner, mais
elle n'est plus dicible, car elle va à
l'encontre des principes démocratiques
en lesquels croient encore nos sociétés,
sans ayant pu les remplacer par un
nouveau système de valeurs acceptables.
Et l'on obtient ainsi le rejet d'une
réalité non conforme aux dogmes non-dits
(l'Italie et sa crise politique) et le
formatage d'une nouvelle réalité devant
artificiellement combler le vide
provoqué (Gassama). Toute la difficulté
de notre époque est de maintenir ce
fragile équilibre entre le virtuel et la
manipulation du réel. Sans pour autant
que les règles du jeu ne soient
affirmées. Parfois, une erreur de
communication est faite et l'on apprend
ainsi par la voix d'un Juncker
qu'il ne peut y avoir de choix
démocratique contre les traités
européens - car l'Europe ne se discute
pas. C'est pourquoi, à l'exception
notable de la sortie de la
Grande-Bretagne de l'UE qui se prépare
toujours avec beaucoup de difficultés,
la Grèce n'a pu mettre en place sa voie
eurosceptique, c'est pourquoi les
traités ont du être revotés par les
Parlements nationaux lorsque les peuples
les ont rejeté, c'est pourquoi l'Italie
entre en crise politique. Une crise
provoquée par l'UE.
L'Etat ne peut
être qu'un instrument protégeant les
intérêts européanistes globalistes
Le président
fantoche italien, qui n'a jusqu'à
présent servi que de décoration, a pris
toute la mesure de sa fonction. Nommé
pour 7 ans par les parlementaires et 58
délégués régionaux, il est censé être en
dehors des partis politiques, ne conduit
pas la politique du pays (ce qui ressort
des compétences du Cabinet des
ministres, qui exerce le véritable
pouvoir), il est un "garant" des
institutions. La présidence est avant
tout une fonction honorifique, la faible
légitimité démocratique du Président ne
lui permettant pas de gouverner
réellement, même s'il peut parfois
exercer une certaine influence. Or,
après les élections italiennes qui ont
conduit au pouvoir une majorité
eurosceptique voulant remettre en cause
la suprématie européenne, revenir à la
monnaie nationale et donc à l'Etat, le
Président fantoche Mattarella a été
activé dans le jeu européen, dont il a
pu férocement défendre les intérêts
contre la voie de l'Italie.
Finalement, non
seulement Mattarella refuse Paolo
Savona, le ministre des Finances proposé
par les vainqueurs des élections pour
mettre en place la politique voulue par
la majorité populaire, conduisant le
Premier ministre Giuseppe Conte,
non-aligné, à démissionner, mais il
nomme pour le remplacer un ancien membre
du FMI, Carlo Cottarelli, à l'extrême
inverse du choix porté par les
électeurs. L'UE par les mains du
Président italien confisque la voix
démocratique et organise un coup d'Etat:
Aussi a-t-il
convoqué pour lundi matin au Quirinal le
directeur d'un observatoire sur les
comptes publics, l'économiste Carlo
Cottarelli, ancien Commissaire à la
dépense publique. Il devrait le charger
de constituer un gouvernement «neutre».
S'il n'a, à première vue, aucune chance
d'obtenir la confiance du Parlement, il
pourrait expédier les affaires courantes
et organiser de nouvelles élections pour
l'automne prochain.
Avant la décision
présidentielle défendant les intérêts
européens, il n'y avait pas de crise
politique en Italie, un Gouvernement
pouvait être constitué. Mais comme il ne
plaît pas, il faut revoter. Et revoter
tant que le vote ne sera pas conforme
aux intérêts européens.
La réaction du Président Macron se passe
de commentaire:
Il n'y a pas
de choix démocratique en dehors du
dogme. Donc, il n'y a plus de choix
démocratique. La société doit
être manipulée pour qu'elle puisse faire
le "bon" choix. Sinon, il faut qu'elle
le refasse. Sinon, certainement
prochainement, elle n'aura plus à le
faire. Trop de sociétés commencent à
faire de mauvais choix pour qu'on les
laisse encore choisir.
C'est l'impasse de
l'UE: son impossibilité à fonctionner
sur le mode démocratique, car les
mécanismes de gouvernance et les
"valeurs" qu'elle porte réellement sont
minoritaires dans les populations.
Malgré les manipulations:
C'est aussi la
faiblesse de ce système, cette
obligation de rester dans l'ombre, de
gouverner dans l'ombre, d'avoir des
marionnettes aux commandes dans les
pays, qui font oublier que ce ne sont
pas eux qui prennent les véritables
décisions, qui choisissent des
politiques nationales, qu'ils ne font
que les implanter avec une certaine
marge de manoeuvre nationale. Mais le
véritable débat démocratique est absent.
Le but, le renforcement de
l'Europe ne peut être contesté. Seuls
les moyens d'y parvenir peuvent être
discutés. Et la propagande
européenne tourne dans les médias. Qui
le reconnaissent eux-mêmes sont surpris
que malgré tant d'efforts, il reste
encore tant de sceptiques ...
Créer une
réalité virtuelle, simple, binaire,
digeste
L'autre visage de
notre monde est celui formaté que l'on
nous sert, sur le mode émotif, en dehors
de toute réflexion possible. Ainsi,
Mamoudou Gassama est né.
Alors qu'en ce qui
concerne les infractions commises il ne
faut pas indiquer l'origine de l'auteur
pour ne pas "stigmatiser" des
minorités, devenues importantes, ici
toute la presse félicite à qui mieux
mieux ce migrant malien en situation
irrégulière. Reçu par le Président,
il va être naturalisé, entrer chez les
pompiers. La
Ligue de défense noire africaine se
félicite de cet exploit, pose à côté de
lui, pour lutter contre le racisme dans
notre pays. La
stigmatisation communautaire étant
leur pain quotidien, mais celle-ci est
autorisée puisqu'elle vient de la
communauté noire.
De Macron à la
Ligue, finalement, le bruit médiatique
provoquant dans la société des réactions
émotives, permet d'éviter les questions
qui se poseraient normalement en ce cas.
Que fait l'homme à côté de l'enfant qui
devrait pouvoir assez facilement le
tirer par le bras? Où et qui sont les
parents de l'enfant? Comment s'est-il
retrouvé dans cette position? Que font
les services de l'enfance, pourtant
tellement prompts à réagir dans les cas
qui les intéresse? Ah, cette fameuse
justice juvénile qui détourne les
yeux... que tout cela est émouvant. Ne
réfléchissez pas, ne vous posez pas de
question, sinon vous n'êtes pas
fréquentables. Pleurez en choeur, serrez
bien les mains contre la poitrine, soyez
émus par cet étranger, noir à souhait,
qui sauve un petit enfant! On se
croirait en Syrie avec les Casques
blancs! Il est vrai que la technique a
bien été apprise...
Et pourquoi
surmédiatiser cet exploit? Il y en a
d'autres ...
Il est vrai que
politiquement, cet acte non moins
héroïque n'apporte rien. Les héros sont
bien pâles, la victime provoquera
beaucoup moins d'émotion qu'un petit
enfant (un vieux corps, quand même, ça
ne vaut pas un bébé potelé). Alors
pourquoi les recevoir à l'Elysée, ils ne
sont même pas en situation irrégulière.
Trop banal. Il faut à la fois le bon
héros et la bonne victime.
Un monde de
l'information qui peine à couvrir le
monde réel
Voici les deux
côtés de la médaille, les deux faces de
notre monde, un monde de l'information
qui peine à construire le réel, donc
botte en touche dans le virtuel, tente
de construire une réalité parallèle.
Mais cette réalité artificielle est
particulièrement basique, sans nuances,
je dirais, et sans cynisme, en noir et
blanc. Aucune place pour le gris, pour
tout ce qui fait justement la richesse
d'une civilisation. Dans toute
information créée, vous voyez tout de
suite où est le gentil, pourquoi il est
le gentil et comment il "faut" réagir.
L'on vous apprend simplement à baver
sur commande.
Pour autant, la
faiblesse fondamentale de ce système, de
ne pouvoir être accepté en tant que tel,
de devoir vivre caché résulte surtout du
vide intellectuel qui l'entoure, la
perte humaine qu'elle entraîne. De son
côté primaire, malgré l'habillage
technologique. Sur le fond, comment dire
aux gens: choisissez entre votre pays et
l'UE, choisissez de décider de désigner
ceux qui vous gouvernent ou d'être
gouvernés par des fonctionnaires
européens sur lesquels vous n'avez
aucune emprise, choisissez un équilibre
entre la protection sociale garantie par
l'Etat ou le capitalisme sauvage
transnational promu par l'UE, choisissez
entre l'école et la médecine gratuite ou
un enseignement et des soins en fonction
de vos moyens financiers etc.
Dans un système non
truqué, le modèle de l'UE ne tient pas
la concurrence, concurrence qui par
ailleurs est censée en être à la base.
Donc il faut truquer les cartes. Se
battre pour une déstructuration des
services publics ou nom de la
rationnalisation de l'Etat, devenu en
conséquence moins efficace, ce qui ouvre
la voie à la discussion de la
privatisation de tous les éléments de
l'Etat les uns après les autres. Sans
plus alors que la question de
l'efficacité ne soit posée. Comment se
poser la question de l'efficacité de ce
qui est privé? Quelle indécence! Se
battre contre l'enseignement est
fondamental, car une société éduquée est
une société difficilement manipulable,
mais il est nécessaire parallèlement de
mettre en place un système à deux
vitesses, il faut bien avoir sa propre
élite, qui ne peut être formée comme les
masses.
Ce ne sont que des
exemples. C'est la voie qui nous est
proposée. C'est la voie contre laquelle
il est interdit de voter. Mais
rassurez-vous, en France, l'on nous a
fait voter Macron. Il nous faudra le
déguster. Jusqu'à la lie.
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