Russie politics -
Billet entre deux
Quand le mythe de la liberté totale
conduit à
la mise en place d'une surveillance
totale
Karine Bechet-Golovko
Samedi 28 décembre 2019
Au nom de l'Individu-Roi, aucune limite
ne doit - théoriquement - être imposée à
l'expression et à la réalisation du
caprice. Ce qui, petit à petit se met en
place. Réduisant d'autant l'être humain.
En contrepartie, la surveillance se
développe à grands pas, touche de plus
en plus de domaine de la vie privée par
l'accès à de nombreuses informations
nous concernant, sans provoquer de
grands mouvements de défense des
libertés réelles. La dernière, discrète,
en date : l'accès aux informations
concernant nos réservations de transport
remises à la Police nationale. Le
terrorisme autorise beaucoup, la liberté
réelle se réduit d'autant. Toute la
difficulté dans nos sociétés est de
trouver cet équilibre entre la
protection, et donc la nécessaire
surveillance, et la liberté, qui ne peut
être réduite à la dictature de
l'Individu.
Non seulement le caprice est roi, mais
il est encouragé. L'existence d'un
individu passe par ses caprices, sans
eux point d'existence. L'homme est ainsi
réduit à cet assemblage aléatoire de
molécules voulant consommer pour être,
voulant un premier enfant à 45 ans après
avoir "profité de la vie", voulant
mettre du spirituel dans sa vie avec le
yoga sans s'embarrasser avec les
contraintes de la religion, voulant une
vie saine et donc sans viande sans avoir
à remettre en cause son mode de vie,
voulant un monde plus écologique en
mangeant des tomates toute l'année et en
prenant les charters pour aller se
baigner en hiver de l'autre côté du
globe ...
Le caprice a
remplacé la raison, il est sacré, pose
le fondement incontestable de
l'existence individuelle aujourd'hui. De
ces individus cherchant à tout prix à se
différencier, de ces individus qui se
ressemblent tellement par leur vide.
Cette régression de
l'homme s'inscrit parfaitement dans des
sociétés qui renforcent leurs moyens de
contrôle sur la vie privée. Le marché
est simple : l'on vous laisse vos
caprices, laissez-nous votre vie.
Comme pour ces individus, leur vie se
résume à leurs caprices, ils n'en voient
pas le danger.
Ainsi, sans que
cela ne provoque de grandes remises en
cause, le langage est contrôlé par les
règles de plus en plus strictes du
politiquement correct, ainsi la
contestation est limitée aux médias
alternatifs et aux réseaux sociaux. Si
la contestation réelle touche la rue, le
gaz et les grenades de désencerclement
repoussent les malheureux. Si les médias
tentent un discours non conventionnel,
ils commencent à avoir des difficultés,
la justice est mise à concours. La
contestation dans les réseaux sociaux
permet encore cette soupape de sécurité
nécessaire aux sociétés "comprimées",
pour que la vapeur sorte sans produire
trop d'effets. Mais si des effets
arrivent dans le réel, alors la soupape
est coupée, un tour de vis social est
donné et les gens ont d'autres soucis
que leur liberté perdue.
Et la surveillance
se renforce. Terrorisme oblige. Le
problème est qu'au-delà du véritable
terrorisme islamique, que nos dirigeants
se refusent de qualifier ainsi, tant par
faiblesse que par idéologie, il existe
un besoin de surveiller ce (et ceux) qui
risquerait de mettre en danger le
système idéologique
atlantiste-globaliste. Bref, l'Homme
présente en Occident un danger autrement
pressant que les terroristes
conventionnels.
Un exemple : par
arrêté, le
Gouvernement vient de constituer un
nouveau service, celui des données de
voyage, rattaché au Directeur général de
la Police nationale. En soi, en période
de risque terroriste, le fait que les
services de sécurité puissent avoir
accès aux déplacements non seulement par
avion, mais aussi par trains, bus ou
voitures de personnes impliquées dans
des activités terroristes est plutôt une
bonne chose.
Mais voyons les
choses autrement. Les Gilets Jaunes,
malgré la campagne politico-médiatique
lancée pour les discréditer, ne sont pas
des terroristes. Ils se déplacent
souvent en bus ou en train pour
rejoindre les grands mouvements et nous
avons vu des trains vidés au départ, des
bus empêchés d'atteindre le but prévu,
etc. Avec ce nouveau service, ces
mesures seront d'autant plus facilitées.
Non seulement pour empêcher, mais aussi
pour ficher et surveiller ceux qui se
déplacent vers les manifestations.
L'argument de la
sacralité du commerce est incontestable
et remettre en cause quelques heures
durant la liberté absolue de chaque
individu de dépenser compulsivement son
argent, ou celui qu'il prend à crédit
pour consommer, est effectivement un
crime qualifiable de terrorisme
néolibéral, qu'il faut absolument
surveiller.
Chers amis, nous
vivons une époque merveilleuse !
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