Russie politics
La grande foire du G7 s'est terminée,
c'est merveilleux comme rien n'a changé !
Karine Bechet-Golovko

Mardi 27 août 2019 Biarritz libéré,
c'est bien le seul acquis tangible de ce
G7. Pour le reste, comme l'a martelé à
juste titre le Président Macron sur tous
les tons à des journalistes qui,
régulièrement et légitimement, tentaient
de savoir quand même à quoi tout cela
menait : le G7 n'est qu'un Club
informel, non pas un lieu de prise de
décision. C'est une zone de soft
power, dont l'influence est de plus
en plus faible, les dirigeants de ces
Etats membres étant eux-mêmes de plus en
plus faibles. Quant à l'annonce d'un
retour de la Russie ... ce n'est pas
gagné, ce qui ne change pas grand-chose
pour elle. Mais la fête idéologique a
battu son plein, la grand-messe a été
dite, les méchants ont bien été
identifiés comme méchants encore pour un
round, les slogans ont été ravivés et
c'est bien là l'essentiel.
Ce G7, comme la
tendance le marque ces dernières années,
a permis de discuter - entre soi - sans
prendre aucune décision, sans que la
face du monde n'en soit légèrement
atteinte. Les sujets furent
conventionnels et attendus.
L'Amazonie a eu son
heure de gloire, puisque les incendies
sous ce président, qualifié
d'extrême-droite (ne demandez pas la
définition, il n'est simplement pas
fréquentable) sont criminels, lorsqu'ils
étaient une tragédie appelant la
compassion sous ses prédécesseurs
(fréquentables). Il est certain que les
discussions du G7 permettront d'éteindre
ces feux non-démocratiques.
il y eût également
le thème des inégalités. Naïvement, au
début, n'ayant pas très bien écouté, je
pensais que les 7 puissances allaient
chercher à lutter contre les inégalités
économiques et sociales entre les
peuples et à l'intérieur des pays,
allaient chercher un moyen de relancer
l'économie afin de combattre ces
inégalités économiques, allaient
réfléchir à un système socialement plus
juste tenant compte des impératifs
économiques. Mais non, ils
s'empressaient tous autour des
inégalités hommes / femmes. C'est
certainement plus facile, cela permet de
belles déclarations. Les populations ne
vivront pas mieux pour autant, mais
quelle importance, il y aura de
magnifiques citations dans les médias.
Ils auront répété leur allégeance au
dieu Tolérance. C'est quand même
l'essentiel.
Un moment de fausse
surprise - pour les pays membres - fut
l'arrivée du ministre des affaires
étrangères iranien, invité par Macron
... avec l'accord des Etats-Unis. Eh
oui, nous en sommes réduits à cela. D'un
autre côté, un sommet est une opération
de diplomatie bien réglée, même si ces
faux évènements le font dangereusement
ressembler à une commedia dell'arte.
Surtout qu'après les déclarations de
Macron à la presse, il est clair que
rien ne changera, "chacun d'entre nous
continuera à jouer son rôle". Puisque
les pays du G7 ne veulent pas que l'Iran
devienne une puissance nucléaire, mais
qu'ils ne savent pas comment faire pour
éviter l'escalade avec les Etats-Unis,
ces discussions ont surtout permis de
les rassurer eux-mêmes.
L'opposition avec
les Etats-Unis, et la faiblesse
institutionnelle de l'UE et des pays
membres qu'elle a vidé de leur substance
vitale sans être en mesure de compenser
la perte, se voient aussi au sujet de la
guerre des taxes. Une véritable guerre
côté américain, qui utilise tout
l'arsenal politico-juridique pour
protéger et soutenir le business
américain. En face, comment dire ...
Encore un grand
moment, la question du retour de la
Russie au G7 pouvant ainsi redevenir G8.
L'opposition frontale entre Trump et
l'UE a été illustrée par la déclaration
de Tusk :
Une façon
d’épingler Donald Trump qui a passé,
selon un responsable européen, la soirée
d’hier à défendre le retour de la Russie
dans le groupe des puissants, tandis que
Donald Tusk lui rétorquait qu’il
préférerait y voir le président de
l’Ukraine.
Envisager, même sur
le ton de la plaisanterie, une entrée de
l'Ukraine montre bien que le G7 est un
club idéologique, ce qui permet de
discuter des grands thèmes de cette
idéologie (femme, climat ...), sans
réellement s'intéresser aux questions de
puissance réelle - politique ou
économique, qui ne sont plus à la portée
des Etats européens, malheureusement.
L'Ukraine semble de plus en plus
incarner l'avenir des pays européens.
Mais ce G7 est
objectivement instrumentalisé comme
carotte pour faire plier la Russie face
à l'Ukraine : elle pourrait
théoriquement être gracieusement
autorisée à revenir si elle se
comporte bien. Autrement dit, si
elle cesse d'ignorer ce nouveau
président ukrainien, car le monde actuel
ne supporte pas qu'on l'ignore. Il faut
s'opposer, discuter, voire se disputer,
bref participer. Tout est mieux que
l'ignorance, car toute autre position le
légitime. La Russie doit
impérativement revenir dans la danse,
comme avec Porochenko. Un Format
Normandie doit être organisé
prochainement à Paris pour légitimer
Zelensky et, qui sait, peut-être trouver
un arrangement pour le Donbass. Si les
Etats-Unis donnent leur feu vert. Ce qui
relativise l'importance réelle de ce
Format Normandie - en tout cas comme
instrument de règlement de crise.
Assez
étrangement, le monde aujourd'hui dépend
plus des rapports de faiblesse, que des
rapports de force. Les
véritables puissances sont extrêmement
rares, à savoir les Etats pouvant
assumer une politique internationale et
nationale suffisamment autonome. Dans la
plupart des cas, ils comparent non pas
leurs muscles, mais leurs handicaps. En
l'occurrence, le
prix du Donbass doit être fixé et le
sera en fonction des faiblesses cumulées
et comparées de part et d'autre. Il est
bien possible que le Donbass vienne de
perdre la guerre, sauf réveil de
l'instinct de survie de forces
politiques locales à ce jour totalement
absentes. Ou de l'intérêt des Etats-Unis
à garder une épine bien plantée au coeur
de la Russie. Sans oublier que toute
décision concernant le Donbass aura
automatiquement des effets sur la
situation intérieure russe.
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