Russie politics
Réforme constitutionnelle russe :
l'ingérence occidentale dans le
processus électoral chiffrée et
démontrée
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 26 juin 2020 L'approche du vote
populaire consultatif sur la réforme
constitutionnelle en Russie déclenche
une vague hystérique assez étrange à
l'étranger, qui dirige patiemment
l'opposition russe. Assez étrange, car
la vie du pays ne va pas changer
radicalement, parce que le texte
constitutionnel aura ou non été modifié
et les relations internationales n'en
seront pas fondamentalement modifiées.
Cela n'a rien de comparable avec le
rattachement de la Crimée, par lequel la
Russie a réellement affirmé sa
souveraineté et bousculé l'agencement
international. Toutes proportions
gardées, l'enjeu ici est surtout
symbolique. Pourtant, l'on retrouve des
financements américain, polonais et
allemand, transitant par des organismes
bancaires ukrainiens et redistribués en
Russie par une ONG soutenant et formant
l'opposition russe, fondée en 2012 par
... Koudrine, actuellement, sans aucun
problème, à la tête de la Cour des
comptes russe. Une véritable campagne,
et virtuelle, et dans la rue, financée
et organisée par l'intermédiaire
de cette ONG, pour faire échouer et
décrédibiliser le vote de la réforme
constitutionnelle a été révélée. Un
modèle d'ingérence sur le long terme,
qui souligne surtout le degré
d'implantation de ces forces subversives
dans la vie publique russe, notamment au
niveau local.
Le 1er juillet, les
Russes sont appelés à voter pour la
réforme constitutionnelle, dont nous
avons souvent parlé ici (voir
par exemple). Si cette réforme
présente un intérêt certain, puisqu'elle
rappelle et affirme certains éléments de
la souveraineté du pays et des valeurs
traditionnelles qui font la Russie, il
serait exagéré de dire que la face du
pays en sera changée. Ce ne sont pas
uniquement les normes qui font évoluer
la politique, mais la volonté politique
des gouvernants, qui ne sont pas obligés
d'affirmer constitutionnellement des
mesures sociales pour les mettre en
oeuvre au quotidien, ni de rappeler la
supériorité de la Constitution sur les
normes internationales pour la défendre.
En revanche, la validation populaire, si
elle est massive, va "obliger" en
quelque sorte les élites politiques à
tenir compte de cette voix (et voie)
populaire. Et il semble que ce soit
exactement ce que les "amis étrangers"
de la Russie veuillent empêcher.
Une
fuite dans les
réseaux sociaux a révélé l'ampleur
du financement et de l'implication
d'Etats étrangers au moment du vote de
la réforme constitutionnelle, pourtant
si prompts à dénoncer une ingérence
russe dans les processus électoraux. Une
enquête journalistique
fouillée a révélé que d'ici le 1er
juillet est planifié l'apparition de
vidéos incitant les gens à ne pas aller
voter et discréditant la présidence
Poutine, la publication de caricatures
pour discréditer Poutine et la réforme
constitutionnelle, des manifestations
"spontanées" dans la rue, un groupe de
"volontaires" observateurs devant
publier "d'autres" résultats d'exit poll
et "spontanément" inciter les gens à
manifester le 1er au soir.
La méthode
est classique : l'on formate les esprits
dans le monde virtuel, mais le pouvoir
se prend et se défait dans le réel, donc
il faut mettre des gens dans la rue.
Ces informations ont été reprises par
des médias systémiques, comme
Izvestia, Vesti
ou
5 Kanal, ce qui leur donne du
poids.
Le schéma de
financement est intéressant. L'on
retrouve Open Russia de Khadorkovsky,
qui finance à hauteur de 20 600 dollars
par mois "l'Ecole de l'autoadministration
locale", qui forme des députés
d'opposition dans tout le pays (et qui a
été fondée en 2012 par ... Alexeï
Koudrine, selon les informations
disponibles sur le site).
Cette "Ecole" est mise à contribution
pour l'organisation sur le territoire
russe de la campagne contre la réforme
constitutionnelle et depuis au moins
2018, elle est financée par l'étranger.
Elle touche régulièrement des fonds
venant des Etats-Unis pour le
financement des trainings de
députés dans les régions ou de leur
préparation aux élections. Et elle doit
à cette occasion également diffuser les
livret de méthodes préparés en amonts.
En ce qui concerne l'utilisation des
fonds par cette "Ecole", c'est l'Open
Russie (Khodorkovsky) qui les justifie
devant NED (le programme du Département
d'Etat américain pour ce qui est appelé
l'aide à la démocratie).
Par exemple, en ce
qui concerne l'organisation de
manifestations à Moscou et d'un Congrès
des députés indépendants de Moscou:
Le virement
des fonds se fait de NED à Open Russie
puis à cette "Ecole" par l'intermédiaire
de la filiale ukrainienne d'Ukrsibbank,
ensuite les fonds sont changés en
roubles et redistribués.
En plus des
Américains, des fonds sont également
virés par la Pologne. Ainsi, en
décembre 2019, cette "Ecole" a été
financée pour organiser un stage
de formation à Varsovie et à Gdansk d'un
groupe de députés russes d'opposition,
afin de les former aux "valeurs
européennes". Imaginez que,
tout à coup, la Russie finance des
stages de formation de députés français,
par exemple, aux valeurs
traditionnelles. Ce serait en soi une
bonne chose, mais l'indignation
politico-médiatique serait de taille.
Ici, rien, silence.
La représentation
en Russie de la fondation allemande
Friedrich Naumann pour la liberté,
fondée dans l'après-guerre pour soutenir
les "politiques libérales", a également
financé au sein de cette "Ecole"
l'organisation de manifestations et la
formation des "manifestants", cela avec
les groupes de Navalny. C'est une
certaine conception de la liberté ...
Comme nous l'avons
dit, cette "Ecole de l'autoadministration
locale", qui est en charge de la
centralisation de la campagne médiatique
et contestataire au moment du vote
populaire pour la réforme
constitutionnelle, a été fondée par
Koudrine, actuellement à la tête de
la Cour des comptes de Russie, donc
parfaitement bien implanté dans les
milieux de décideurs. Cette école a
été cofondée par Ioulia Galiamina et la
très active Natalia Chavchoukova, qui en
2018, ont été envoyées aux Etats-Unis
suivre un stage de formation des leaders
politiques, stage organisé par le
Département d'Etat américain.
L'on peut se
demander quels stages Koudrine, de son
côté, a été amené à faire dans sa vie
...
Cette Ecole est
inquiétante, au-delà du vote populaire
du 1er juillet. Car, selon ses
informations officielles, en 2018, un
quart de ses diplômés sont devenus ...
députés. Et la formation des
diplômés ne s'arrête pas une fois le
diplôme en poche, c'est un véritable
réseau souterrain qui se met en
place. Une fois élus, l'Ecole participe
à l'élaboration de la politique de la
ville où ses pions sont implantés, elle
continue à la préparer aux campagnes
électorales, des séminaires continuent à
être par ailleurs organisés avec eux et
des partis d'opposition, comme Iabloko,
ici dans la ville d'Orel:
C'est ce réseau qui
est lancé contre la réforme
constitutionnelle. L'importance qu'ils
accordent à cet évènement, certes de
taille, mais toute proportion gardée,
qui ne changera la face ni du pays, ni
des rapports de force internationaux,
est également le signe de leur
faiblesse. Le monde global ne peut
supporter qu'une voix rappelle la
souveraineté des Etats, estime préserver
les valeurs traditionnelles, même si par
ailleurs beaucoup de concessions
globalistes sont faites en Russie. Il
est à espérer que la mise en évidence du
rejet de la possibilité de tout
compromis avec le monde global, qui doit
être pris dans sa totalité, fera
réfléchir la Russie et qui, sait,
peut-être finira-t-elle par revenir sur
sa position Ô combien conciliante dans
bien des domaines.
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