F. Mogherini: L'UE et la Russie ne sont
plus
des partenaires stratégiques
Karine Bechet-Golovko
Mardi 25 avril 2017
La première visite officielle, au bout
de 2 ans, de la chef de la diplomatie
européenne a permis de mettre les points
sur les i, au cas où un doute
persisterait, que certaines illusions
pourraient encore brouiller le paysage.
Le diagnostic a été posé froidement par
F. Moghérini: l'UE et la Russie ne sont
plus des partenaires stratégiques.
Sont-elles seulement encore des
partenaires, ou seulement des voisins
...
Les relations entre
l'UE et la Russie sont au plus bas
niveau qu'elles n'aient jamais connues.
Ce constat vaut pour les relations
internationales en générale entre le
bloc américano-centré et la Russie.
Comme le déclarait S.
Lavrov, le ministre des affaires
étrangères russe, elles se sont
fortement dégradées par rapport à
l'époque de la guerre froide:
"Sans aucun doute,
c'est pire maintenant ... A l'époque, il
existait deux Empires: occidental et
soviétique, chacun d'eux développait des
conflits avec son adversaire sur le
terrain d'un pays tiers. Mais jamais à
ses frontières et jamais frontalement.
Même la rhétorique publique était plus
légère. A l'époque, les deux clans ne
dépassaient pas les limites établies.
Aujourd'hui, il n'y a plus aucune règle."
La visite de F.
Mogherini fut une impasse, une impasse
repoussée pendant deux ans. L'accueil
fut réglementaire et froid, comme vous
pouvez le voir sur cette vidéo de la
première conférence de presse
(traduction en anglais):
Cette froideur
réciproque a été relevée dans la presse
française, dans l'article du journal
Le Monde qui commence très justement
par cette phrase:
Les formes ont été
respectées.
Pour finalement ne
déboucher sur aucun dialogue
constructif, chacun restant sur ses
positions:
Mais sur le fond,
la rencontre a plutôt donné lieu à un
dialogue de sourds.
La conférence de
presse finale montre en effet
l'irréductibilité des positions
européenne et russe:
Si chacun invoque
le caractère obligatoire des accords de
Minsk, comme à chaque fois, le sens
attribué à cette déclaration n'est pas
le même de part et d'autre. Pour la
Russie, l'UE doit faire pression sur
l'Ukraine pour qu'elle commence à
les mettre en place. Pour l'UE, la
Russie est responsable de leur échec et
tend à la faire passer du rang de garant
à celui de partie.
Bien sûr, il y a la
lutte contre le terrorisme, qui a été
récemment timidement réactivée, selon S.
Lavrov. Mais de toute manière toute
coopération réelle est impossible en
raison des positions différentes
concernant le sort d'Assad en Syrie et
l'impossibilité pour l'Occident de
reconnaître à la Russie un rôle de
partenaire, qui sous-entend la
reconnaissance de l'égalité. C'est
pourquoi lorsque S. Lavrov invoque un
dialogue à égalité, sans que personne ne
donne de leçon ... ce dialogue ne
débouche sur rien. L'UE ne veut
parler à égalité avec la Russie.
Et lorsque S.
Lavrov invoque du bout des lèvres et
très professionnellement l'ouverture de
la Russie, la possibilité de développer
avec l'UE des relations stratégiques
plus profondes, F. Mogherini met les
points sur les i, de manière somme toute
assez peu diplomatique:
« Ce serait
surréaliste de nous considérer comme des
partenaires stratégiques
et d’avoir
adopté des sanctions réciproques. »
Et comme elle
insiste sur le fait que les sanctions
européennes sont liées au rattachement
de la Crimée à la Russie qu'elle
qualifie d'annexion, il est évident que
la Russie et l'UE ne seront plus des
partenaires stratégiques pendant de
nombreuses années.
La Russie a beau
appeler à plus de sérénité dans
l'appréciation des faits qui ont conduit
au coup d'Etat constitutionnel en
Ukraine et au rattachement de la Crimée,
l'Occident - et l'UE en tête - sont dans
une logique différente. L'Ukraine
doit être une victime car elle est un
instrument qui permet de tenter de
freiner le retour de la Russie sur la
scène internationale et de justifier la
coalition atlantiste. Aucun acteur
n'abandonnerait de lui-même le pouvoir
qu'il possède: l'UE joue le rôle du pion
au service du clan atlantiste dans la
région.
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