Russie politics
L'intervention illégale de la France en
Libye
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 22 juillet 2016
Le 20 juillet, le
ministère français de la défense est
bien obligé de reconnaître que 3 membres
de la DGSE sont morts en mission secrète
en Libye. Pour protéger la France.
Seulement, le Gouvernement libyen,
légitime et reconnu, n'avait pas demandé
à la France d'intervenir. Et pour cause,
la France soutient des forces
anti-gouvernementales. Mais ce n'est
qu'un détail: certains pays ont le droit
de défendre des intérêts nationaux, les
autres n'ont pas le droit à l'intérêt
national. Quand le néo-colonialisme
remplace le droit international, le
terrorisme se renforce.
La presse en
parlait déjà depuis quelques temps, mais
le ministère français de la défense ne
confirmait pas la présence française en
Libye.
Laurent Fabius,
alors ministre des affaires étrangères,
affirmait qu'il était hors de question
que la France intervienne en Libye.
Ensuite, le Figaro a lancé des
informations:
Dès le mois de décembre, Le
Figaro révélait que Paris
préparait les plans d'une intervention
sur le sol libyen.
En février, le
journal Le
Monde avait fait état d'une
présence secrète de la France en Libye.
Le quotidien évoquait des «actions
militaires non officielles» et des
«frappes ponctuelles très ciblées». Le
ministère de la Défense avait aussitôt
répliqué en lançant une «enquête pour
compromission du secret de la défense
nationale»
Finalement, S. Le
Foll, porte-parole du Gouvernement,
reconnait la présence militaire
française, mais uniquement pour une
mission de renseignement, le pays étant
instable. Or, il est maintenant évident
que l'intervention française en Libye va
beaucoup plus loin que cela: son but est
de soutenir un groupe d'opposition
"modérée" qui lutte et contre Daesh et
contre le Gouvernement d'union
nationale.
Toute ressemblance
avec la Syrie sera bien venue.
Dimanche 17 juillet, un hélicoptère
est abattu par la Brigade de défense de
Benghazi, groupe terroriste.
L'hélicoptère est de fabrication russe,
appartient au groupe d'opposition du
général Khalifa Haftar et, la théorie de
la panne technique étant vraiment trop
absurde, il devient clair qu'il a été
abattu par un tir de missile sol-air.
Donc les forces spéciales françaises
utilisent incognito un hélicoptère d'un
groupe militaire d'opposition à un
Gouvernement légitime.
Le
ministre de la défense salue ces
courageux militaires:
Il salue le courage
et le dévouement de ces militaires
engagés au service de la France qui
accomplissent, tous les jours, des
missions dangereuses contre le
terrorisme.
Le
Président invoque l'intérêt
national:
« La Libye
connaît également une instabilité
dangereuse. C’est à quelques centaines
de kilomètres seulement des côtes
européennes. (…) Trois de nos
soldats qui étaient justement dans ces
opérations viennent de perdre la
vie dans le cadre d’un accident
d’hélicoptère. Je leur rends hommage
aujourd’hui devant vous »
L'hypocrisie se
porte à merveille, pas un mot sur la
légitimité de l'intervention française,
ni de son illégalité. Des soldats
français meurent en violant le droit
international, pour la grandeur du pays.
Le Gouvernement
libyen invoque la violation de son
territoire. Aucune intervention n'était
justifiée sans qu'il en soit informé.
Car la France est intervenue sur le
territoire d'un Etat souverain, sans
mandat de l'ONU et sans demande des
autorités de l'Etat concerné. Elle est
intervenue "dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme". Comme si cette
banière justifiait tout.
Comme à son
habitude, elle soutient l'opposition.
Evidemment armée, mais "modérée". Nous
la connaissons. Celle qui lutte
soi-disant contre Daesh, mais a la bonne
idée de ne pas soutenir le gouvernement
d'union nationale reconnue par la
communauté internationale.
Finalement, tout
est clair:
« L’Armée
nationale libyenne (ANL) commandée par
Haftar est l’embryon le plus sérieux de
la future armée réunifiée. Il est normal
de commencer à
la cultiver », ajoute une source une
source militaire française. Nous
n’étions ni les seuls ni les premiers à arriver à
Benghazi. Les Américains étaient là
avant nous ».
Les victoires sur
le terrain conduisent Haftar à se raidir
contre le Gouvernement. De toute
manière, il bénéficie également de
l'appuie des Emirats Arabes Unis.
Autrement dit, le soutient apporté par
les "pays démocratiques" à l'opposition
"modérée armée" en Libye contribue à
destabiliser la situation à l'intérieur
du pays. Ce ne sera pas la première
fois.
Certains pays comme
les Etats Unis ou la France, pour ne
prendre qu'eux, ont le droit d'avoir des
intérêts nationaux à protéger. Pour
cela, ils peuvent intervenir n'importe
où, n'importe quand, soutenir qui bon
leur semble, indépendamment du droit
international, de la souveraineté des
Etats, de l'ONU. Le monde est un vaste
terrain de jeu. Car ils sont les Etats
supérieurs.
Une sorte de
néo-colonialisme destructeur s'est
emparé des relations inter-étatiques:
les maîtres s'agitent, les colonisés
subissent et s'organisent en fonction
des caprices des nouveaux maîtres qui
bougent leurs pions. Tout cela permet de
souhaiter longue vie au terrorisme, qui
se nourrit allègrement de l'instabilité
internationale créée par ces politiques
irresponsables de nos dirigeants.
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