Russie politics
Primaires de droite: la victoire de
Fillon s'inscrit dans
un mouvement généralisé de réaction
anti-globalisation
Karine Bechet-Golovko
Lundi 21 novembre 2016
La large victoire de F. Fillon au
premier tour des Primaires de la droite
et d'un centre absent, malgré les
sondages et les médias, s'inscrit non
pas dans le cadre d'un mouvement
anti-libéral, puisque son programme
économique est très largement libéral,
mais dans un mouvement de remise en
cause de la vague globaliste portée ces
dernières années en France, que ce soit
par des candidats de droite ou de
gauche. Il s'agit d'une remise en cause
du mode de gouvernance qui conduit à la
négation de l'intérêt national, le tout
avec des politiques économiques et
sociales passablement éloignées des
idéaux socialistes de papi. Et le duel
Fillon / Juppé incarne parfaitement ce
nouveau paradigme.
Les
résultats des primaires furent à ce
point une surprise, par rapport aux
sondages, que l'on peut se demander
dans quelle mesure les sondages
reflétaient une opinion existante ou
exprimaient une opinion "désirée". Il a
fallu attendre la veille des primaires,
pour que Fillon soit crédité d'une
deuxième place possible. Pourtant, les
résultats le placent très largement
en tête:
Son
avance est telle qu'avec beaucoup de bon
sens certains à droite s'interrogent sur
l'intérêt d'un second tour: il est
évident que la droite s'est trouvée un
leader. La porte-parole des Républicains
twitte:
Surtout lorsque Sarkozy reconnaît les
faits tels qu'ils sont et annonce son
soutien à F. Fillon. Suivi par beaucoup
d'autres. De sérieux
doutes s'installent au QG de Juppé,
mais finalement il décide de continuer
le combat. Et il obtient le soutien de
N. Kosciusko-Morizet, qui fait 2%.
Pourquoi Juppé ne peut pas baisser les
armes?
Parce
que la vision de la politique et de
l'Etat telle que défendue par Juppé et
Fillon sont incompatibles. A. Juppé eut
été un excellent Président français sous
la gouvernance de H. Clinton, puisqu'ils
partagent la même vision guerrière,
défendent le même exceptionnalisme, sont
unis dans une même vision atlantiste.
Cette vision politique implique, pour
la France, une soumission à l'UE et donc
à l'Allemagne, à la défense des intérêts
américains dans le Monde, ce qui
implique une délégation de gouvernance,
une restriction de la politique
nationale à l'application et non au
choix de décisions politiques prises
ailleurs, une politique internationale
basée sur le clivage: contre la Russie,
contre Assad. Et non dans une logique de
coopération à l'échelle du continent, de
coopération contre le terrorisme dans
l'intérêt national.
F.
Fillon annonce une vision plus
souverainiste de la politique nationale,
mais un souverainisme très relatif, car
sans aucune remise en cause de l'UE.
Nous sommes très loin du Brexit. La
grande différence se situe sur le plan
de la politique internationale: la
recherche d'une coopération avec la
Russie dans l'intérêt national, le
soutien d'Assad dans sa lutte contre les
terroristes. C'est justement ce qui lui
est fortement reproché et par les médias
et par les milieux néotrotskistes très
en vogue aujourd'hui. Le fils dans la
pure logique du père déclare:
Puisque refuser une politique stérile de
confrontation à l'intérieur du continent
européen conduit à être "pro-russe",
comme si seule la russophobie était une
décision rationnelle. Mais ce groupe
commet une erreur d'analyse très
importe: la participation de Fillon est
une catastrophe pour le FN, car la
droite récupère les voix des
souverainistes. Puisque F. Fillon veut
incarner une droite qui n'a pas honte
d'elle-même, ses électeurs traditionnels
peuvent revenir vers elle. Ce qui risque
de plomber les scores du FN et donc
desservir le PS, qui lui a tout intérêt
à voir un FN fort pour pouvoir espèrer
une coalition nationale anti-politique
afin de se maintenir au pouvoir.
Reste toutefois une question centrale:
est-il possible de déconnecter à ce
point les différents aspects de la
politique nationale?
Rien
n'est moins sûr. Bien que la gauche Bobo
et ses organes de presse (Le Monde, le
Huff ...) tentent de présenter F. Fillon
comme le successeur français de Thatcher
- et donc du néolibéralisme qu'elle a
introduit en Europe et qu'ils ne nomment
pas - et un Juppé peint sous les
couleurs d'un défenseur des valeurs de
gauche, les différences de leur
programme économique ne sont pas à
ce point significatives. C'est un
programme classiquement de droite:
réduction de la fonction publique,
allègement des impôts, moins
d'interventionnisme de l'Etat, favorable
à la stimulation du retour à l'emploi
face aux aides sociales. Il faut dire
que le "ministre de gauche" Macron
a déjà préparé le terrain. Donc la
différence ne se fera pas sur ce plan,
d'autant plus qu'il n'y a pas
aujourd'hui de forces politiques
capables de proposer un programme
économique "non libéral" qui soit
crédible. Cette idéologie se trouve sans
alternative réelle, ce qui est
extrêmement mauvais, mais c'est à ce
jour un fait.
La
différencce se fera sur deux aspects
fondamentaux de la divergence des
visions de gouvernance globaliste et
souverainiste. Sur la politique
intérieure, il s'agit de la famille et
de l'éducation, qui furent déjà à
l'époque des bolchéviques les premières
cibles pour changer l'homme et la
société. Il n'y a rien de nouveau dans
les méthodes. Et sur la politique
internationale, alignement ou reprise en
considération d'intérêts nationaux
dignes d'être défendus.
Pourtant, est-il possible de déconnecter
ces aspects? Peut-on défendre une
politique d'intégration européenne et en
même temps d'autonomie de la politique
internationale, de développement de
l'économie française ou de soutien de
l'agriculture? Peut-on reconnaître l'UE
et défendre l'idée d'un retour de
l'Etat? Les limites imposées par les
instances européennes à la gouvernance
nationale sont à ce point étroites que
de très sérieux doutes persistent.
Toutefois, la crise existentielle qui
touche l'UE peut être utilisée pour
redéfinir le contrat et un leader
français fort pourrait emporter derrière
lui les autres pays européens vers une
Europe des nations, le contexte
géopolitique étant favorable. Mais ici,
nous sommes au conditionnel.
A
suivre, de toute manière il faut encore
passer le deuxième tour des Primaires,
qui ne sont pas encore les élections
présidentielles. En espèrant que cela
n'aura pas épuisé l'électorat un peu
trop tôt qui peut oublir que les
"véritables" élections n'ont pas encore
eut lieu. A moins, qu'elles ne se jouent
maintenant, à contre pied de tout le
système électoral français, montrant la
fin d'un Centre absorbé et d'une Gauche
discréditée.
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