Vitali Tchourkine:
la diplomatie a perdu un grand homme
Karine Bechet-Golovko
Mardi 21 février 2017
A la veille de son 65e anniversaire,
l'ambassadeur russe à l'ONU est mort,
semble-t-il d'une crise cardiaque, à New
York. Avec son charisme, son humour
froid, parfois cinglant, il a défendu
non seulement la position de la Russie,
mais aussi cette vision d'un monde
multipolaire, d'un monde qui a tant
besoin de revenir à l'humanisme.
Le 20
février au matin, V.
Tchourkine a fait un malaise dans
son bureau. Il a été transporté à
l'hôpital, mais les médecins n'ont pu le
sauver. Cette mort soudaine a choqué
les politiciens et les diplomates du
monde entier. L'ONU a fait une minute de
silence, même ses collègues les plus
farouchement opposés à la politique
russe reconnaissent le vide laissé par
ce diplomate exceptionnel.
L'on
se souviendra de la passe d'armes entre
V. Tchourkine et S. Power à propos de la
Syrie:
Elle
accuse la Russie de tous les crimes à
Alep et Tchourkine rappelle le rôle joué
par les Etats Unis dans la
destabilisation de la région finissant
par ces paroles:
"L'intervention de la représentante des
Etats Unis m'a semblé particulièrement
étrange, qui a construit son discours
comme si elle était Mère Thérésa.
Rappelez-vous quel pays vous
représentez!"
A
propos de la Crimée, l'on se souviendra
de sa réponse au représentant de la
Grande Bretagne:
"Rendez les îles Malouines, rendez
Gibraltar, rendez la partie de Chypre
que vous avez annexée, rendez l'archipel
de Chagos dans l'océan indien que vous
avez transformé en une énorme base
militaire et alors votre conscience
sera, peut être, un peu plus propre et
vous pourrez parler d'autre chose"
Les
sorties incisives de V. Tchourkine
restent dans la mémoire de ses
collègues. C'est cette vivacité d'esprit
qui a fait sa marque particulière. Un
grand homme qui a marqué son époque, non
seulement par son style, mais également
sur le fond de ses interventions.
Des
interventions marquées d'un humanisme
non feint, qui tranche avec l'hypocrisie
ambiante et l'indignation sélective. Un
homme de convictions, un combattant des
véritables valeurs européennes.
Ce qui
rend d'autant plus choquant la réaction
de ces milieux russes qui se prétendent
libéraux, mais qui couvrent
difficilement derrière leur défaut
d'âme, une haine profonde de leur pays.
Le pire des exemples vient d'être donné
par Ksénia Larina, présentatrice aux
Echos de Moscou qui, par ailleurs,
déclare que le patriotisme est un mot
qui lui donne la nausée. Après l'on ne
pourra pas être surpris de cette
publication à propos de la mort de V.
Tchourkine:
Voici
la traduction en français, pour que vous
preniez bien la dimension de l'ignominie
de ces gens qui prétendent monopoliser
les valeurs occidentales:
"Voilà, Tchourkine est mort. Au travail.
Il est bien évident que sa vie n'était
qu'un cauchemar de stress, tout le monde
criait toujours contre lui, les chefs de
Moscou, les partenaires à l'ONU, depuis
longtemps sa vie était un cauchemar! Et
voilà, il est mort, fauché, abruti à
cause des incessantes violentes
apostrophes, des exigences, des
affronts, en raison de la peur
permanente d'être professionnellement
inutile, de n'être pas à la hauteur
d'une telle confiance! Et tous ces
efforts humiliants justifiaient un tel
final?? Pensez-y, fonctionnaires,
laquais de Poutine! Puisque, vous aussi,
vous tomberez la tête sur la table à
force d'efforts et personne ne se
souviendra de vous!"
Voilà
où en est arrivée cette "élite
occidentalisée". Elle représente bien
l'inverse de ce qu'incarne V. Tchourkine.
Non pas incarnait, mais incarne, car il
reste vivant dans nos mémoires. C'est
cette "élite" qui justement se demandait
à quoi avait bien pu servir le blocus de
Leningrad. Tant de morts, pour quoi?
Cette "élite" qui ne peut exister que
dans le monde virtuel. C'est cette
"élite" qui se veut occidentalisée, une
minorité contre toute cette masse du
peuple. Occidentalisée dans le sens de
la reddition de Paris, dans le sens de
Charlie Hebdo, de sauver "Alep des
bombardements russes" etc etc etc.
Toute
cette hypocrisie contre laquelle
combattait aussi V. Tchourkine,
notamment lorsqu'il déclarait à ses
collègues au Conseil de sécurité, les
rappelant aux obligations de leur
charge:
"Si
nous avions eu besoin d'un serment, nous
serions allés à l'église. Si nous avions
voulu entendre un poême, nous serions
allés au théatre. Des membres de l'ONU,
et particulièrement des dirigeants du
secrétariat de l'ONU, nous attendons une
analyse objective de ce qui se passe.
Manifestement, vous n'y arrivez pas."
Heureusement, les paroles survivent à
ceux qui les ont prononcées. Cela rend
les grands hommes immortels.
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