Russie politics
Ukraine: La Cour
de La Haye ne reconnait pas l'accusation
de soutien au terrorisme
formulée contre
la Russie
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 20 avril 2017
Ce 19 avril, la
Cour Internationale de Justice de La
Haye vient de rendre une décision qui
déboute l'Ukraine de la quasi-totalité
des ses accusations contre la Russie et
ne retient aucune accusation liée au
terrorisme. La Communauté internationale
saura-t-elle en tirer les conclusions
qui s'imposent?
Début mars,
l'Ukraine dépose un recours devant la
Cour Internationale de Justice (CIJ)
accusant principalement la Russie de
soutenir le terrorisme en Ukraine.
Accessoirement, pour renforcer le
dossier, elle l'accuse également de
discrimination contre les ukrainiens et
tatars vivant en Crimée. Comme l'écrit
le journal
Le Monde:
« La Russie met
en œuvre sa politique étrangère
sans égard pour la vie humaine », a
dénoncé Olena Zerkal, vice-ministre des affaires
étrangères de l’Ukraine, selon
laquelle l’intensification récente des
bombardements dans l’est du pays
prolonge une situation « dangereuse
et imprévisible ». (...) Pour Mme Zerkal,
les tactiques russes « comprennent le
soutien au terrorisme et aux actes de
discrimination raciale, ainsi que la
propagande, la subversion,
l’intimidation, la corruption politique et
les cyberattaques ». Et, assure
Harold Koh, l’un des avocats de Kiev,
l’approvisionnement en fonds et en armes
de « groupes illicites » se
poursuit même durant les audiences.
Autre argument
avancé par la partie ukrainienne : le
drame du MH17 est bien un acte
terroriste et « une attaque contre
l’humanité », selon son
représentant, qui prévient que des
lance-missiles comme celui qui a permis
d’abattre l’avion de ligne de la
Malaysia Airlines en juillet 2014,
au-dessus du Donbass, entraînant la mort
de ses 298 passagers, pourraient de
nouveau entrer en
action.
Si l’Ukraine ne
demande pas à la Cour de se prononcer sur
sa souveraineté sur la Crimée, elle
dénonce les discriminations contre les
Tatars, dont certains « ont disparu,
ont été enlevés », tandis que des
élus « ont été exilés ».
Or, ce 19 avril, la
CIJ vient de rendre une
décision intermédiaire
particulièrement mauvaise pour
l'Ukraine, qui laisse présager de sa
décision définitive défavorable.
L'ensemble des accusations portées sur
le fondement du soutien au terrorisme
ont été écartées d'un revers de manche.
Il faut dire que pêle-mêle, l'Ukraine
visait même les convois humanitaires,
l'aide apportée aux entreprises du
Donbass suite au blocus ... La Cour a,
pour sa part, déclaré:
The Court observes
that the acts to which Ukraine refers
have given rise to the death and injury
of a large number of civilians. However,
in order to determine whether the rights
for which Ukraine seeks protection are
at least plausible, it is necessary to
ascertain whether there are sufficient
reasons for considering that the
elements set out in Article 2, such as
intention and knowledge, as well as the
element of purpose, are present. The
Court is of the view that, at this stage
of the proceedings, Ukraine has not
put before it evidence which affords a
sufficient basis to find it plausible
that these elements are present.
Therefore, it concludes that the
conditions required for the indication
of provisional measures in respect of
the rights alleged by Ukraine on the
basis of the ICSFT are not met.
La CIJ s'est alors
rabattue sur les tatars et ukrainiens
auxquels il faut permettre un
enseignement dans leur langue et la
possibilité d'une institution
représentative. En ce qui concerne
l'accès à la langue, la critique est
surprenante, puisque contrairement à
l'Ukraine, la Russie a immédiatement
reconnu les trois langues (russe, tatare
et ukrainienne) en Crimée, puisque les
langues des minorités sont reconnues
dans toute la Fédération de Russie. La
Crimée n'est pas ici une exception. Par
ailleurs, le Président russe a adopté un
oukase sur la
réhabilitation des tatars, ce
qu'aucun président ukrainien n'a pensé
ou voulu faire et ce dont les tatars de
Crimée lui sont extrêmement
reconnaissants. Ce qui est beaucoup plus
surprenant encore est la question de la
réhabilitation du Mejilis, qualifiée
d'organisation terroriste par la justice
russe après le blocus de Crimée et les
actions violentes commises. Imaginez que
l'on ait recommandé à l'époque à la
France de reconnaître le FLN comme
organisation de représentation des
algériens en France ...
Par ailleurs, la
CIJ
intime aux deux parties de ne
prendre aucune action qui pourrait
aggraver la situation et rappelle les
accords de Minsk:
"La Cour attend des
parties qu'elles s'emploient à mettre
pleinement en oeuvre, tant
individuellement que de manière
concertée, l'+ensemble de mesures (en
vue de l'application des accords de
Minsk)+ afin de parvenir à un règlement
pacifique du conflit dont l'est de
l'Ukraine est le théâtre".
C'est donc bien une
défaite pour l'Ukraine. D'ailleurs les
réactions dans la presse, en dehors de
celles de Poroshenko qui doit garder la
face, sont
significatives:
“Après trois ans
de conflit, les juges hésitent encore à
condamner la Russie pour la mort de
milliers d’innocents. Je suis
stupéfaite”, s’emporte, de son côté,
la journaliste Anastasia Magazova,
spécialiste de la situation dans le
Donbass. La partie ukrainienne
demandait, entre autres, la
reconnaissance de la responsabilité
russe dans le crash du Boeing MH17, le
17 juillet 2014 : 298 personnes avaient
péri dans l’explosion d’un missile
sol-air “BUK”. De nombreuses enquêtes
avaient prouvé que celui-ci avait été
acheminé de la Russie quelques jours
avant le drame. “Malgré cela, ils ne
nous croient pas…”, se désole
Anastasia Magazova.
Quelques remarques
en guise de conclusion.
Tout d'abord, cela montre bien que le
dossier ukrainien est totalement vide.
Où sont les preuves de la présence
militaire russe, des actes de
terrorismes commis par la Russie en
Ukraine dont ne cessent de parler les
politiques ukrainiens et européens?
L'Ukraine n'a même pas tenté de déposer
un recours sur ce fondement, mais
uniquement au regard du financement et
du soutien.
Même en ce qui
concerne le soutien au terrorisme, le
dossier ukrainien est suffisamment vide
pour n'avoir obtenu aucune injonction
intermédiaire à l'encontre de la Russie.
A la place de cela, elle a repris en
plein visage les accords de Minsk et
l'obligation de ne pas aggraver la
situation.
Par ailleurs,
l'Ukraine n'a pas tenté de contester ce
qu'elle qualifie d'annexion de la
Crimée, elle n'a touché que la question
des tatars qu'elle instrumentalise. Il
est vrai qu'il aurait alors fallu
revenir sur les circonstances du coup
d'Etat du Maïdan, de la révolution ou
non et donc de la continuité de l'Etat
... Ce sont des considérations qui
risquent de ne pas être dans l'intérêt
du Gouvernement ukrainien aujourd'hui.
Mais le jeu de
l'Ukraine est ailleurs, il faut
maintenir la pression et la justice
internationale est idéale pour cela, car
les procédures durent extrêmement
longtemps. C'est sur cela que veut jouer
l'Ukraine, surtout que les médias
complaisants ne vont pas trop insister
sur cette défaite et pourront médiatiser
de manière sélective:
Un verdict positif
aussi pour la journaliste Tetiana Kozak,
qui anticipe “des années d’audiences
à venir”
La communauté
internationale pourra-t-elle tirer les
conclusions de cette décision ? C'est à
en douter. L'hypocrisie qui dicte la
politique aujourd'hui permet d'ignorer
ce qui dérange, quitte à en payer le
prix lourd plus tard.
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