Le 17 mars 2017 a été fondé, en Crimée,
le Comité d'intégration Russie-Donbass à
l'occasion du 3e anniversaire du
rattachement de la Crimée à la Russie.
Va-t-on vers un nouveau Yalta?
Dans le Palais de Livadia, à Yalta,
comme en 1945, s'est tenue l'assemblée
constitutive du
Forum d'intégration Russie-Donbass,
à laquelle ont pris part des députés
russes, des membres du Conseil de la
Fédération, des représentants des
régions, des experts et les dirigeants
de DNR et LNR. Si pour l'instant aucune
décision politique officielle n'a été
prise concernant l'intégration de ces
républiques dans la Fédération de
Russie, des mécanismes d'intégration
sectorielle sont mis en place.
Le blocus mis en
place par l'Ukraine a contraint le
Donbass à renforcer ses liens avec la
Russie et celle-ci est manifestement
prête à assumer ses obligations. Ainsi,
le député A. Kozenko a déposé un projet
de loi visant, après la reconnaissance
des passeports de DNR et LNR, à
permettre à leurs titulaires à ne pas
avoir besoin d'autorisation de travail
en Russie et devant faciliter
l'intégration des entreprises dans
l'espace russe.
V. Konstantinov,
premier ministre de Crimée, a insisté
sur le fait que l'intégration politique
ne devait pas trop tarder, car le retour
vers l'Ukraine n'était plus possible. Il
est vrai que la Crimée est
particulièrement sensible à ces
processus, les ayant elle-même vécus il
n'y a que trois ans de cela. Et lancer
le processus d'intégration du Donbass à
l'occasion des cérémonies de
commémoration du rattachement de la
Crimée est fortement symbolique.
Les intervenants
ont mis en avant le renforcement prévu
de la coopération culturelle, mais aussi
dans le domaine médical ou de
l'enseignement, des processus
d'intégration économique et sociale. A
ce jour, la Russie a envoyé 62 convois
humanitaires dans le Donbass, mais ce
n'est plus suffisant. Pour le membre du
Conseil de la Fédération S. Mamedov, si
la Russie s'est toujours prononcée pour
le respect et l'exécution des accords de
Minsk 2, il faut être aveugle pour ne
pas voir par la faute de qui ils ne sont
pas exécutés et ne le seront pas. Il y a
donc une reconnaissance de l'échec de
ces accords.
Les dirigeants des
Républiques de Donetsk et Lugansk ont
largement soutenu ce processus qu'ils
appellent de leurs voeux, estimant que
trois années à verser leur sang pour
garder le droit d'appartenir au monde
russe légitime leur position.
I. Plotnitsky, le
dirigeant de LNR, a déclaré que le
Donbass était le coeur de la Russie. Il
s'est retrouvé en Ukraine à la suite
d'une erreur historique qu'il convient
de corriger.
Quant à A.
Zakharchenko, le dirigeant de DNR, le
Donbass a toujours été intégré dans
l'économie russe, que ce soit à la
période impériale ou soviétique, et il
réoriente son activité, à nouveau, vers
la Russie. Quant à l'avenir, ils
prennent pour exemple la Crimée.
A la fin de
l'assemblée, les participants ont fondé
le
Comité d'intégration Russie-Donbass,
ayant qualité d'association. Il a
officiellement pour but de renforcer le
processus d'intégration culturelle,
humanitaire, économique et sociale.
Officiellement, il ne s'agit pas encore
d'intégration politique, mais le
processus est lancé.
Le choix du lieu
pour l'organisation de cet évènement est
loin d'être anodin. C'est dans ce Palais
qu'en 1945 un nouvel ordre mondial,
malgré les résistances des "alliés", fut
institué. En lançant le processus
d'intégration du Donbass, la Russie se
prononce pour un nouvel ordre mondial,
multipolaire, dans lequel les Etats sont
responsables de leur politique et en
assument les conséquences.
Il est évident que
l'Occident ne va pas prendre la chose à
la légère, car il n'est pas prêt de
remettre en cause ni ses avantages, ni
son impunité. Jusqu'à présent, depuis la
chute de l'URSS, les Etats Unis, avec
l'OTAN et l'UE, ont pris l'habitude de
pouvoir écarter du pouvoir les
dirigeants qui dérangent, de faire
exploser les pays et les recomposer à
leur guise et en fonction de leurs
intérêts du moment, de mettre des
territoires sous gouvernance
internationale et l'Europe de l'Est et
la Russie sous "contrôle démocratique".
Le tout en se fondant sur sa volonté
souveraine et sans avoir à répondre
des conséquences de ses politiques,
lorsque les Etats sont détruits, la
population livrée à elle-même mais les
actifs "utilement" répartis entre les
sociétés "démocratiques".
La Russie a déjà
lancé deux alertes. La première avec
l'intégration de la Crimée suite au
référendum populaire des habitants de la
presqu'île, voulant fuire ce chaos
fascisant en Ukraine. Ainsi, le message
était le suivant: vous pouvez
lancer des mouvements révolutionnaires
et faire tomber les régimes, mais dans
ce cas il y a risque de perte de
l'intégrité territoriale, puisque l'Etat
a été remis en cause. La seconde
alerte a été lancée avec la Syrie.
Depuis la chute de l'URSS, la Russie ne
se mêlait pas des affaires de l'Occident
à l'étranger, même dans son étranger
proche. En Yougoslavie, elle a pu réagir
diplomatiquement, mais elle était encore
trop faible pour pouvoir mettre un frein
aux appétits occidentaux. Or, le temps a
passé et l'Etat a été rétabli. Elle a
ainsi, à la surprise générale, répondu à
l'appel du Gouvernement syrien pour
l'aider à lutter contre les mouvements
islamistes, dont certains, comme Al
Quaïda, bénéficient d'un soutien ouvert
des pays démocratiques. L'intervention
militaire de la Russie en Syrie a permis
de renverser le rapport de force, ce que
la coalition américaine n'a pu ou voulu
faire et de permettre de laisser au
peuple syrien la liberté de choisir son
avenir politique, la décision prise par
la coalition américaine de renverser
Assad ayant été reportée sine die. Ici
aussi, le message est clair: la
communauté internationale n'a pas le
droit de retirer aux populations
nationales le droit de décider de leurs
dirigeants sous couvert d'intervention
militaire presqu'humanitaire.
Pour autant, à
chaque fois que la Russie ne fait montre
de force, on la considère comme faible.
Lorsqu'elle négocie les accords de
Minsk, les "partenaires" la font passer
du rôle de garant à celui de partie et
justifient ainsi l'adoption de
sanctions. Quant au discours, il atteint
des sommets de violence - pour l'instant
verbale. La guerre de l'information
discrédite des médias ayant pourtant
très longtemps bénéficié d'une
excellente réputation, discrédite un
système idéologique, le libéralisme,
considéré comme libérant l'homme. Ces
crises fondamentales de notre système
entraînent une période d'hésitation, de
vide. Car les médias ne peuvent être
remplacés par d'autres plus sûrs et une
sorte de guerre interne a commencé,
chacun avaçant sa Vérité, la
radicalisation devenant preuve
d'objectivité, la partialité remplaçant
l'investigation, la description biaisée
l'analyse. Crise idéologique aussi suite
à la radicalisation du libéralisme
discréditant a priori toute
contestation, devenant totalitaire en ce
qu'il s'est donné pour mission de créer
cet homme nouveau sans frontières et
sans culture, cet homme mondialisé.
Mais aucune idéologique acceptable ne
l'a remplacé et l'on tourne toujours
dans une graduation variable autour du
paradigme libéralisme/conservatisme. Les
Etats étant classés non pas en fonction
de leur politique réelle, mais en
fonction de l'image que l'on veut donner
d'eux, sachant que "libéralisme" est
toujours synonyme de "Bien".
L'Ukraine est, en
ce sens, un bon pays, car elle a choisi
la voie "européenne". Elle est contre la
Russie, donc elle est démocratique et
libérale. Et l'on ne veut pas voir les
groupes néonazis, l'on ne veut pas voir
la répression de l'opposition, la
destruction des mécanismes judiciaires,
les dysfonctionnements du Parlement.
Elle est du côté du bien. Et l'Occident
ne peut réellement voir le blocus.
La Russie a envoyé
son troisième signal. Dans ce cas,
l'on ne laisse pas les populations
souffrir parce que les "valeurs"
européennes ne permettent plus de les
protéger. Elle lance le
processus d'intégration du Donbass.
Chaque étape de
la radicalisation de la politique menée
par ce monde unipolaire arquebouté sur
une période révolue a entraîné une
réaction asymétrique de la Russie.
L'hystérie qui s'empare tant des médias
que des politiques occidentaux est
surtout le signe de leur faiblesse et de
leur démission morale. Ils ne peuvent
reconnaître ni leurs actes, ni leur
échec et se drapent dans une dignité
d'autant plus affichée qu'elle est
maltraitée.
Le temps n'est-il
pas venu d'en tirer les conséquences?
L'ère d'un nouveau Yalta est venue, elle
se construira avec ou sans nous.
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