Russie politics
Le monde du Covid s'installe dans la
durée ...
et dans le totalitarisme
Karine Bechet-Golovko

Jeudi 12 novembre 2020
Quelle chance de voir ce qu'est un monde
progressiste ! Qui aurait pensé,
il y a un an de cela, que nous serions
docilement plus ou moins coincés à
domicile, en tout cas culpabilisés dès
que l'on met un nez insolent
dehors, libre, au grand air, alors qu'il
n'y aurait pas de nécessité impérieuse
de ne pas s'autoconfiner ? Qui aurait
pensé qu'il deviendrait criminel de voir
ses proches, de faire des bisous à sa
grand-mère, de chahuter avec ses frères
et soeurs ? Qui aurait oser imaginer des
prétentieux affirmer sur les
plateaux-télés que Noel et Nouvel An
doivent être remis dans les cartons de
l'Ancien monde, du monde libre,
puisqu'ils sont devenus des "clusters"
désormais et que le confinement est lui
le mode normal et permanent d'existence
? En France, on joue carte ouverte, à
Moscou et en Russie on tente une version
adoucie, mais l'enjeu est le même :
mettre à mort la civilisation dans
laquelle nous avons grandi et favoriser
l'impasse de ce nouveau monde, inhumain.
Inhumain dans le sens direct du terme,
puisque l'Homme n'y a plus sa place,
puisqu'il n'est qu'un danger pour
l'autre et pour soi, puisqu'en toute
logique il doit donc en disparaître dans
son humanité et n'être qu'un sac de
molécules hermétiquement fermé par le
nombril. Ce que je me demande, c'est ce
qu'il faudra encore pour qu'une force
politique puisse regrouper les
mécontentements individuels. Car de ce
côté, c'est la grande pénurie ...
Ne vous faites pas
d'illusions, les mesures liberticides
qui sont adoptées dans nos pays ne sont
pas temporaires. Au printemps
encore, nos dirigeants faisaient
semblant de nous expliquer, la main sur
le coeur, la larme hésitante au bord de
la paupière, le regard empathique et la
voix légèrement tremblotante - juste ce
qu'il faut, pas plus pour ne pas
surjouer la scène de la compassion et du
sacrifice nécessaire du peuple pour la
Grande Guerre sanitaire - que
c'était temporaire. Il faut faire un
effort un moment et tout rentrera dans
l'ordre. Ensuite, au début de l'automne,
il semblait qu'un vaccin aussi rapide
que miraculeux allait sauver l'humanité
des virus, il fallait donc faire encore
un effort en attendant.
Maintenant, le
temps de l'effort est terminé, celui de
l'adaptation forcée est arrivé.
L'état d'urgence
sanitaire, le couvre-feu, le
confinement, le masque obligatoire
(bientôt même au domicile), la
destruction des services publics de
l'enseignement, de la justice ou de la
médecine - paradoxalement au nom d'une
survie biologique se voient partout à
des degrés divers. Une économie de
proximité, qui doit passer son chemin ou
se défaire dans le numérique et dans les
transnationales. Chaque pays adapte plus
ou moins en fonction du niveau de
soumission de la population, mais tout
est orienté vers le même but : la
transformation de la société par la mise
à mort de la résistance collective et
individuelle, du fonctionnement normal
des institutions réduites à un rôle
répressif et de l'économie nationale
pour faire plier et les Etats, dont le
déficit explose, et les individus mis en
situation de survie et ayant d'autres
problèmes plus urgents, que réfléchir
sereinement à ce qui se passe.
Ainsi, le référent
temporel change. En
France, l'état d'urgence sanitaire
(sauf sursaut du Conseil
constitutionnel), dont on ne sort pas,
va être prolongé jusqu'au 16 février
2021 et le régime transitoire de sortie
jusqu'au 1er avril 2021. A
Moscou, alors que la propagande fin
du monde prend une ampleur à faire pâlir
d'envie (ou d'horreur) la Pravda, le
maire de Moscou a adopté des mesures
locales, sans contrôle ni parlementaire,
ni fédéral, ni judiciaire, jusqu'au 15
janvier 2021. Certes, formellement il
n'y a ni confinement, ni port du masque
obligatoire dans le rue, ni couvre-feu
comme en France, mais, pour l'essentiel,
les écoles et les universités moscovites
passent obligatoirement à distance (et
il recommande au Gouvernement in fine
de faire pareil, oubliant la hiérarchie
des normes), tout ferme à 23h, les QR
Codes pour aller dans des établissements
le jour sont fortement "recommandés", il
est fortement recommandé aux écoliers et
étudiants d'être en isolement, les
personnes âgées de plus de 65 ans
également et leurs cartes de transport
gratuites ou à tarif réduit sont
suspendues. C'est une version allégée de
ce qui se passe en France, même si les
associations de restaurateur ont déjà
annoncé qu'avec les QR Codes la
fréquentation a baissé et qu'à ce
rythme-là c'est environ 50% des
établissements qui peuvent fermer d'ici
la fin de l'année - la vente à distance
ne compense rien, finalement.
C'est fait pour
durer. En France, c'est annoncé plus
clairement. Oubliez le mot de "déconfinement",
vous êtes à la maison et restez-y. De
toute manière, vous n'avez plus d'argent
pour sortir et l'on vous a aidé en
réduisant les possibilités de sortir.

Cela d'autant plus
que dans le monde du Covid, le travail à
distance doit être la norme, même s'il
est beaucoup moins efficace, comme l'a
constaté - avec surprise - le très
politiquement correcte et progressiste
dirigeant de la banque russe VEB, Igor
Chouvalov. Pour lui, il n'y a pas
dans sa banque de personnes qu'il ne
soit pas nécessaire de faire sortir du
travail à distance, car il est
constamment nécessaire de communiquer,
de se voir, d'échanger. A juste
titre, il souligne que nous ne sommes
pas prêts à travailler réellement à
distance, pas seulement du point de vue
technologique, mais humain. Sans
même parler du manque d'efficacité du
travail à distance, qui ne peut être
qu'un moyen exceptionnel :
"C'est très bien
qu'il existe, quand il est impossible de
se réunir. Mais ce n'est pas la même
énergie, ni la même réactivité que nous
avions avant ce régime. Beaucoup disent
"Je travaille même plus". C'est vrai et
je le vois moi-même : on organise
beaucoup de conférences, on fatigue,
mais je ne peux pas dire qu'il y ait
plus de résultats."
Et la crise
économique qui s'intensifie quasiment
dans tous les pays n'est pas sans
rappeler les heures sombres de notre
histoire. En
Russie, la Cour des comptes annonce
le risque d'un déficit incontrôlable des
budgets des régions, même Moscou lance
des obligations pour compenser son
budget. Et la gestion globalisée du
Covid, qui a déjà coûté très cher à nos
économies nationales, ne va pas
améliorer la situation dans les mois qui
viennent.
Mais au-delà des
considérations socio-économiques,
l'attaque contre les symboles et les
valeurs de nos sociétés, étiquetées
"anciennes" donc dépassées, n'est pas
sans alerter. Les messes en France sont
suspendues à des temps meilleurs,
manifestement lorsque la population aura
renié le Christ et que sans Dieu,
tout sera permis. Surtout le pire.
C'est le seul intérêt que cela présente.
Ainsi, les délais de restriction
couvrent les fêtes de Noel et de Nouvel
An, nos repères civilisationnels doivent
être détruits.

Je
cite :
Mais pour certains
invités de BFM TV, la question est totue
tranchée : "Moi, si je devais avoir
un avis purement scientifique et
rationnel, je dirais plutôt d'annuler
Noël et d'annuler la Saint-Sylvestre
sans hésiter en fait", a ainsi
estimé le médecin Julien Lenglet,
qui voit les fêtes de fin d'année comme "un
cluster national, géant,
intergénérationnel qui est à l'origine
d'une potentielle troisième vague, sans
ambiguïté", tout en ajoutant que les
Français n'ont pas cette "discipline
collective" pour respecter les
gestes-barrières dans la sphère privée,
selon lui.
Bien plus que le
virus, car grande chance pour ces
progressistes il y aura toujours des
virus, le fond du problème semble être
l'Homme. L'Homme vivant, sociable,
familiale. Qu'il faut transformer en sac
de molécules fermé par un nombril
hermétique, sac rangé entre quatre murs
avant d'être rangé entre quatre
planches.
En attendant,
"l'optimisation" des hôpitaux continue,
les patients ont droit à des
consulations virtuelles d'une
qualité sans surprise, près de 100
000
lits ont été fermés entre 1993 et
2018, et en pleine crise les
suppressions, et de postes et de lits,
ne sont pas remises en cause, notamment
dans
l'Est. Dans l'Union européenne, la
France est l'un des pays les plus
désindustrialisé avec la fermeture de 2
500 000 d'emplois industriels depuis
1970 ... au profit des multinationales,
qui sont particulièrement présentes en
France, et des délocalisations. Et
le Covid, avec pourtant la fermeture
sélective des frontières qui avait assez
naïvement provoqué l'attente d'une
relance de la production intérieure, ne
change rien à la donne, Renault, par
exemple, va produire en Chine un
véhicule électrique ... destiné à la
France.
Bref, ce nouveau
monde, qui se dessine, froid, inhumain,
cachant le cynisme derrière un voile de
rationnel, la barbarisation derrière le
culte technologique, prend ses racines
dans nos choix politiques antérieurs, il
n'est que la radicalisation de nos
erreurs passées. Mais aucune force
politique, ni en France ni ailleurs,
n'émerge aujourd'hui pour proposer une
voie alternative. En ce sens, ce monde
est véritablement global, avec tout le
totalitarisme que cela suppose.
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