Quand Volker décide des lois en Ukraine
et des sanctions antirusses en Europe :
que reste-t-il de la souveraineté ?
Karine Bechet-Golovko
Jeudi 11 octobre 2018
Rappelons que les
responsables de l'UE et les dirigeants
des pays européens répètent à qui mieux
mieux que les sanctions qu'ils adoptent
à l'égard de la Russie ne sont en rien
liées à la politique américaine,
qu'elles reflètent, au contraire, la
politique propre de ces pays, totalement
indépendante des Etats-Unis. Le
représentant américain en Ukraine, Kurt
Volker, manifestement pas au courant de
ces nuances, vient de faire voler en
éclats cette jolie fable affirmant
devant les députés ukrainiens que s'ils
ne s'exécutent pas, il fera lever les
sanctions européennes contre la Russie.
Quid de l'indépendance, de la
souveraineté, de ces mythes nécessaires
au fonctionnement des Etats? Mais
heureusement, la presse européenne n'en
parle pas. Le déshonneur est sauf !
Dans une émission
politique ukrainienne sur la chaîne 112,
le député ukrainien Alexandre Viskul
fait sensation en révélant les paroles
de Kurt Volker, le représentant des
Etats-Unis en Ukraine en charge des
négociations avec la Russie:
En septembre 2014,
l'Ukraine avait adopté, avec
difficultés, une loi temporaire sur le
statut du Donbass (voir
notre texte ici), qui arrivait à
terme et le conflit n'étant toujours pas
réglé, il fallait en prolonger la
validité. Les députés ukrainiens
n'étaient pas favorables à cela, surtout
les extrémistes qui envisagent toujours
une solution militaire beaucoup plus
radicale. Solution qui, elle, n'entre
pas dans les plans de leurs curateurs
américains, qui doivent pouvoir
transférer la responsabilité du conflit
sur la Russie, ce qu'une agression
ouverte de grande ampleur ne permettrait
pas. Surtout qu'elle justifierait une
intervention proportionnée de la Russie
- officiellement.
Ainsi, le député
Alexandre
Vilkul raconte devant caméras
comment cette loi a été adoptée, par le
Parlement souverain ukrainien. Volker,
dans une réunion non publique a
clairement expliqué la situation aux
députés ukrainiens et pourquoi ils
devaient voter la prolongation de
cette loi, quelles que soient leurs
convictions:
"Si maintenant,
chers députés ukrainiens, même vous les
plus nationalistes, ne votez pas cette
loi, alors la moitié des pays européens
lèveront les
sanctions et donc cette construction
qui existe aujourd'hui s'écroulera"
Selon ses
paroles, les Européens ne
soutiennent déjà pas la politique des
sanctions, car elle porte atteinte à
l'économie de ces pays: "ils n'ont
là-bas aucune certitude de ce qu'est la
vérité et de ce que n'est pas la vérité".
La loi a été
adoptée. Le chantage a fonctionné.
Cela règle la
question de l'indépendance des
parlementaires ukrainiens, qui adoptent
les lois qui leur sont dictées. Cela
règle la question de l'autonomie des
groupes nationalistes ukrainiens, qui se
plient quand, manifestement, le chef
parle. Comment, après cela, veut-on que
les Ukrainiens respectent les Européens?
Comment peut-on espérer que le Format
Normandie puisse aboutir à quelque chose
- si le chef, le seul respecté, le seul
qui fasse peur, n'est pas là?
Mais se pose aussi
la question de l'indépendance des pays
européens et de leur politique
étrangère, autant qu'il soit possible de
l'appeler ainsi.
Donc, sur un mot
des Etats-Unis, et comme un seul homme,
les pays européens lèveraient les
sanctions contre la Russie? Et des
sanctions qui ne correspondent déjà pas
à leur intérêt? Mais ils pourront
défendre leur intérêt lorsque
cela entrera dans les intérêts
américains? Sans même parler du mépris
évident des Etats-Unis pour ces pays
européens qui se sont couchés comme une
veille prostituée devant la force brute,
du point de vue européen, cela signifie
que non seulement il n'existe plus de
politique étrangère au niveau des pays
membres de l'UE, puisqu'elle a été
transférée, mais que celle des organes
de l'UE est également inféodée.
L'on comprend mieux
pourquoi la presse européenne ne reprend
pas les paroles de ce député, ne tente
pas de faire le jour sur des paroles aux
conséquences non négligeables.
Abonnement newsletter:
Quotidienne -
Hebdomadaire
Les avis reproduits dans les textes
contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs.
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance
du webmaster merci de le lui signaler. webmaster@palestine-solidarite.org