Gilets Jaunes : les forces de l'ordre
doivent-elles
sauver la Macronie au prix
de la République ?
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 7 décembre 2018
Si l'on en croit
les médias et les responsables
politiques, la France serait au bord
d'une révolution ou d'une guerre civile.
Personnellement, j'ai du mal à le
croire. Il semblerait plutôt que les
revendications sociales fondées de la
population rencontrent le vide de la
politique nationale, remplacée par la
mythologie managériale. La rencontre de
ces deux composantes met la Macronie en
danger, qui semble se défendre en
faisant monter les enchères. Les forces
de l'ordre et les blindés, suite à une
opération de communication nous
plongeant dans les tréfonds des mises en
scène de la Syrie ou de l'Irak, doivent
alors sauver la Macronie. Au prix de la
République ?
Ces derniers temps
une confusion volontaire est entretenue
en ce qui concerne les violences qui se
déroulent ces dernières semaines dans le
pays. Il y a amalgame confortable entre
les violences inévitables lors de tout
mouvement revendicatif réel,
c'est-à-dire en dehors des grands-messes
idéologiques sur le climat, les
violences faites aux femmes, la paix
dans le monde, etc, qui rappellent les
manifestations du 1er mai dans l'Union
soviétique. La grande fête du système
qui célèbre ses piliers.
Ici, nous sommes
dans une situation diamétralement
opposée et il est fondamental de
différencier les types de violences.
L'on a vu des
violences gratuites se développer, qui
eux aussi "profitent de la fête" pour
casser les vitrines et brûler les
voitures. L'ampleur prise par les
évènements est certes, inédite, mais les
faits ne sont pas une première. Il est
fondamental que la police intervienne,
même fortement. Mais pas uniquement dans
la démonstration, pour qu'ensuite aucune
mesure ne soit prise au plan judiciaire.
Il y a, au-delà de l'aspect répressif de
l'action des forces de l'ordre, un
élément préventif lorsque la réponse est
systémique : si ces jeunes terreurs
savent qu'il y aura une réponse réelle,
notamment judiciaire, ils réfléchiront
sérieusement avant d'aller brûler ce qui
passe et jouer les cadors. Car ce genre
de choses, notamment à Annecy, n'a rien
à voir avec des revendications
socio-politiques, c'est le comportement
d'individus qui pensent agir en toute
impunité. Il n'y a pas de place ici pour
les grands sentiments confortables.
Mais la réaction
des forces de l'ordre que nous avons vu
face aux lycéens oblige à une certaine
réflexion.
Utilisation de flashball qui fait
des blessés, pourquoi ? Et l'on
s'interroge sur ces images largement
diffusées. Qui a filmé et pourquoi ?
Juste avant les manifestations de
samedi, ça tombe bien ...
Nous vivons dans
une société de communication, beaucoup
de messages passent par l'image - et son
instrumentalisation. L'image choque,
c'est pourquoi elle tourne en boucle.
Mais l'on ne sait pas ce qu'il y a eu
avant. L'image sortie du contexte pour
provoquer une réaction émotionnelle.
L'on croit voir une mise en scène de
Daesh. Comme si l'on voulait faire
monter la pression ...
C'est toute la
difficulté de la situation : trouver la
juste réponse. D'un côté, la
population ne soutient pas les casseurs
et demande une réponse. Lorsque l'on
voit la réponse apportée, l'on se
demande si le Gouvernement ne fait pas
du trolling ...
Les casseurs
doivent être interpellés. Ne serait-ce
que pour ne pas noyer le mouvement
nécessaire des Gilets Jaunes dans une
masse informe de violences qui les
parasite. Et qui est très utile pour
lancer une opération de communication.
Regardez déjà les effets sur ces
pauvres enfants, l'on croirait
revoir les grosses ficelles utilisées en
Syrie pour faire pleurer dans les
chaumières :
Message (à peine)
subliminal : si après ça, vous allez
manifester samedi, vous êtes un monstre.
Et donc nous avons les mains libres pour
la réaction. Ce qui est de la
manipulation pure et simple. Et somme
toute assez primaire, permettant de
faire porter sur les épaules des Gilets
Jaunes toutes les violences qui se
produisent :
Un autre type de
violence existe naturellement dans les
manifestations, de part et d'autre. Car
le ton monte, la foule se comporte de
manière excessive et que les policiers
sont aussi des hommes et des femmes,
parce que malgré les ordres, ils peuvent
avoir
peur, ils peuvent aussi perdre le
contrôle. Mais à l'intérieur de cela, on
a vu des situations de violences très
ciblées contre la police et des réponses
inappropriées de celle-ci à certains
moments. Sans oublier l'absence de
réponse face aux casseurs d'extrême
gauche ... Le problème est ici, dans la
disproportion et donc dans ce qui
ressemble à de l'instrumentalisation de
la violence.
La question,
finalement, est de savoir si les ordres
sont donnés pour sauver la Macronie ou
pour protéger la République? Vu la
haine sans précédent que Macron
concentre sur sa personne, cette
question n'est pas accessoire.
Macron en est par
ailleurs totalement conscient et
justifie ainsi son silence, alors que
logiquement le rôle du Président est
justement d'apaiser et de proposer des
solutions de sortie de crise. S'il n'est
pas apte à remplir ses fonctions, il
doit démissionner. Ici, l'absurde n'a
plus de limite :
Et l'on en
arrive à se demander à qui profite en
fin de compte ces débordements qui
permettent de manière assez artificielle
de faire croire qu'une révolution va se
produire samedi, que la guerre civile
est proche. Comme si la France
n'avait jamais connu de telles périodes
de contestation populaire ? A moins que
ce régime managérial impopulaire ne soit
plus faible qu'on ne le pense ...
'aimerais savoir à
quand le Premier ministre fait remonter
"l'histoire moderne de France".
Je n'ose pas remonter à la Seconde
Guerre mondiale, qui n'est pourtant pas
si éloignée que cela, mais la Macronie
vit dans le monde post-guerre. Donc,
ce sera pire que les cadavres dans la
Seine de 1961 ? Nous aimerions
beaucoup avoir quelques précisions ...
En attendant,
pendant que Macron va faire un tour en
Algérie, le
Gouvernement joue à la guerre ...
contre son peuple et fait sciemment
monter la pression au maximum. Envoyer
des blindés. Des blindés. A Paris. Non
pas dans les quartiers de non-droit pour
accompagner les pompiers et les
policiers qui se font caillasser. Mais
dans les rues moins dangereuses de
Paris.
Que cherche le
Gouvernement à faire monter ainsi les
enchères au lieu de calmer la situation
? Est-ce la réaction de panique d'un
régime en perdition ou bien le virage
autoritaire d'un régime en fin de
démocratie ? Mais même
l'autoritarisme nécessite l'Etat, la
gouvernance, or les institutions sont
fantomatiques dans notre beau royaume de
France. Sortir des policiers à bout de
forces et sous-équipés en tentant de
manière assez minable de les acheter
avec une prime, lorsque l'Etat n'est
même pas capable de les payer et équiper
décemment. Donner l'ordre de tirer à
hauteur d'homme. Ne pas savoir juger
réellement les casseurs. Etre incapable
d'apporter une réponse politique à une
crise sociale. Et donc se défausser
totalement sur les forces de l'ordre.
C'est un mélange de pleutrerie,
d'incompétence et d'irresponsabilité. Ce n'est pas aux forces de l'ordre de
garder la Macronie. Elles doivent
défendre la République. Et
certains commencent à soutenir
ouvertement les Gilets Jaunes, appelant
à la grève des personnels administratifs
et techniques de la police samedi.
Cela sent fortement
la fin de règne. Une contestation
sociale qui intervient dans un cadre
étatique défaillant, dans un cadre
politique décrédibilisé au profit du
management et qui, faute de pouvoir
objectivement être résolue, car
antinomique à ce système idéologique,
prend de l'ampleur et met le système en
péril. D'où cette réaction démesurée du
Gouvernement, qui voit l'idéologie qu'il
a pour mission de protéger de son corps
mise en péril.
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