Russie politics -
Billet d'humour
Novichok-2, le retour à Amesbury
Karine Bechet-Golovko
Vendredi 6 juillet 2018
Vous aviez aimé Skripal et "l'attaque
chimique" de "Poutine" contre un
ex-espion double libéré par les Russes,
vivant en Grande-Bretagne et rendant de
petits services au MI6 en paiement? Vous
allez adorer le retour du Novichok:
cette fois-ci les "Russes tuent les
pauvres citoyens britanniques". Toujours
aucune preuve, toujours des accusations
grotesques. A l'heure du règne d'Ubu
roi, le Novichok est une arme
communicationnelle de destruction
massive.
Deux nouvelles victimes d'un soi-disant
empoisonnement chimique, 4 jours plus
tard décrété provenant du même agent
innervant dit Novichok par le devenu
célèbre laboratoire de Porton Down.
Cette fois-ci, les victimes sont des
marginaux. Au début la police pensait
qu'il s'agissait d'over dose - leurs
antécédents étaient bien connus. Mais,
non, la main du Kremlin s'attaque aux
bas fonds de Londres et désormais la
mort de n'importe quel junkie dans nos
vieilles sociétés européennes peut
devenir "l'œuvre du Kremlin".
Entre temps, l'on
apprend que ces deux pauvres hères,
Roxley et sa compagne de galère Sturgess,
n'avaient strictement aucun lien avec
Skripal. Mais ils présentent un
indéniable avantage sur les Skripal:
leur caractère totalement virtuel.
Rappelez-vous, la Russie avait pu faire
sortir sur la scène médiatique la
cousine russe, forçant la
Grande-Bretagne à nous ressusciter illico
presto nos deux victimes
sacrificielles de "la Russie de Poutine"
(voir
notre texte ici: L'opération "cousine").
Ici, rien à sortir du chapeau oublié sur
le banc, car il n'y a rien. Deux pauvres
individus, au ban de la société, des
marginaux, qui n'ont présenté un intérêt
que parce que tout à coup, au bout de
quatre jours, quelqu'un s'est "rendu
compte" qu'il peut ne pas s'agir d'over
dose pour des camés, mais du Novichok.
Dans le même hôpital. Avec le même
laboratoire que pour les Skripal.
Et le ministre de
l'Intérieur de Sa Majesté de partir en
guerre ... contre la Russie. Qui utilise
les rues de Londres pour ses attaques
chimiques contre le peuple britannique.
Qui en fait une poubelle pour ses
substances chimiques. Donc, la Russie
doit s'expliquer. Ce qui a le mérite de
faire les gros titres de la
presse anglo-saxonne, la machine est
lancée. Mission accomplie.
Les "experts" de la
BBC sont quand même quelque peu
embarrassés pour expliquer le processus.
Ainsi, le produit serait resté dans les
rues de Salisbury (qui a été nettoyé par
les services après l'empoisonnement des
Skripal - ou pas?). Mais comme le
produit ne peut pas rester à l'air libre
aussi longtemps sans se dégrader, il
aurait été préservé en milieu fermé (où?
comment?) et les deux pauvres marginaux,
selon la
police, auraient touché un objet
(lequel? comment? où?) et auraient été
contaminés.
Encore mieux
qu'avec les Skripal!
Mais peu importe,
le coupable est trouvé: ce sont les
Russes. Et au moins sur ce point, la
presse est unanime. En France aussi. La
presse publique française,
France TV Info, a d'ailleurs ses
sources - aux Etats-Unis, le même que
celui qui a dit tout et n'importe quoi
sur le Novichok à l'occasion des Skripal:
Bref, nous sommes
en présence d'une substance innervante
militaire, les deux personnes ont été
diagnostiqués après 4 jours, donc
sans recevoir pendant ce temps de
traitements adéquats et ... ils sont
toujours vivants, dans un état critique.
Les miracles s'enchaînent et se
ressemblent. D'un autre côté, eux
peuvent mourir, personne ne viendra
perturber le jeu britannique.
Cette situation est
totalement ubuesque et les "conseils"
donnés par les pouvoirs publics locaux
le démontrent:
Ainsi, pour
lutter contre un agent innervant qui est
suffisamment fort pour agir dès que l'on
manipule un objet qui a été en contact
avec lui il y a plusieurs mois de cela,
il suffit de laver ses vêtements ou de
se passer une lingette sur les mains???
Alors que quatre personnes auraient
été touchées ... Absurde.
Là, ce serait
peut-être plus à la Grande-Bretagne
d'expliquer à quel jeu elle joue? Car
son jeu va trop loin. Ainsi, dans un
article publié dans le
Guardian, l'auteur estime que tout
cela fait surtout le jeu des ennemis de
Poutine, jeu soutenu par les pouvoirs
publics britanniques qui ont pris la
désastreuse habitude d'accuser avant
d'avoir des preuves.
Et plus
l'accusation est grosse, plus il est
difficile de la réfuter. La Russie a
déclaré qu'elle n'y était pour rien. Que
peut-elle faire d'autre? Elle avait déjà
envoyé des propositions à la
Grande-Bretagne pour collaborer à
l'enquête sur les Skripal et n'a jamais
obtenu de réponse.
La rencontre entre
Trump et Poutine fait-elle à ce point
peur à ceux qui soutiennent ce type de
politique? L'OTAN est-il à ce point en
crise de légitimité qu'il faille à tout
prix mettre l'équilibre mondial en jeu
pour préserver certains intérêts très
particuliers? Faut-il détruire ce qu'il
reste du système démocratique, le
remplacer par un système autoritaire
désignant l'ennemi et la ligne à penser,
un système manipulateur remplaçant la
justice par le mensonge d'Etat?
Finalement, sans
preuves, la Grande-Bretagne accuse la
Russie de s'en prendre sur son sol à ses
citoyens. Elle l'accuse de lui faire la
guerre. Mais comme nos chers politiques
ont encore peur de la guerre,
heureusement, et que l'arsenal militaire
russe est plus que dissuasif (même pour
ces individus hors-sol), cette mascarade
se terminera certainement par de
nouvelles sanctions contre la Russie,
sanctions que l'UE ne voulait pas
adopter et par une augmentation du
financement des dépenses militaires.
Ces politiques ne
semblant avoir aucune stratégie réelle à
long terme, nous aurons donc la chance
d'avoir encore beaucoup de spectacles,
dont la qualité d'exécution baisse à
chaque fois. Je me demande à quoi
ressemblera le dernier spectacle?
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