Russie politics
Toute ressemblance entre les régimes
ukrainien actuel
et nazi sont purement fortuites, R.
Kuzmine
Karine Bechet-Golovko
R. Kuzmine,
ancien vice Procureur général ukrainien,
avocat
Samedi 3 septembre 2016
Le
régime ukrainien post-Maïdan est
polymorphe, tout à la fois
intrinsèquement corrompu, totalitaire,
et violent. Selon le point de vue, un
aspect sera plus visible que l'autre,
mais l'ensemble de ces traits commencent
à être reconnus par les instances
internationales, qu'il s'agisse du FMI
ou de l'UE en ce qui concerne la
corruption ou de l'ONU, Amnesty
International ou autres ONG en ce qui
concerne le recours à la violence comme
mode de gouvernance (tortures,
enlèvements, répressions et assassinats
de journalistes ...). Pour autant, la
communauté internationale refuse
toujours par principe le parallèle entre
ce régime et le régime nazi. Même si de
nombreux traits les raprochent, bien
au-delà de l'utilisation de la
symbolique nazie par les bataillons
punitifs ukrainiens.
C'est
pourquoi je voulais vous proposer la
lecture d'un texte écrit par Renat
Kuzmine, qui m'a été proposé sur ce
sujet. Ancien vice-procureur général
d'Ukraine, candidat aux présidentielles
de 2014 contre Poroshenko, originaire de
Donetsk, actuellement avocat, il lance
un réquisitoire que je vous laisse
découvrir.
Pour la défense de
Piotr Poroshenko
Renat Kuzmine
Ces
derniers temps le président ukrainien
est de plus en plus souvent accusé
d'entretenir des rapports très étroits
avec l’idéologie nazie et d'utiliser les
principes hitlériens dans sa modalité de
gouvernance. Pourtant, jusqu’ici
personne n’a jamais été en mesure
d’apporter de preuves solides pour
étayer cette thèse. Je me propose donc
de vous présenter mes arguments pour la
défense du Président ukrainien.
1.
Hitler est arrivé au pouvoir sans avoir
de majorité électorale, grâce à une
alliance entre les nazis et les
militaristes. Bien que Poroshenko, tout
comme Hitler, n’ait pas non plus obtenu
la majorité des voix des électeurs
ukrainiens, sa victoire a été possible
grâce à l’alliance des radicaux, des
oligarques corrompus et des services
secrets occidentaux, qui ont soutenule
renversement inconstitutionnel du
régime. Et comme on dit à Odessa (NDT :
villes célèbre pour son humour) : « cela
fait deux grosses différences ! »
2.
Hitler a fondé un Etat nazi et un
système juridique nazi en promulguant le
principe « La race par dessus tout ».
Porochenko est en train de créer un Etat
criminel et corrompu ainsi qu’un régime
juridique répressif, en se cachant
derrière le principe « La nation par
dessus tout » («Нація
понад усе»).
3. La
politique intérieure d’Hitler s’est
caractérisée par :
-
l’identification de l’Etat au nazisme;
- la
mise en place d’une politique de terreur
contre les opposants au régime;
- la
déchéance des droits civils, politiques
et patrimoniaux des groupes sociaux
dérangeants le régime;
- la
rhétorique militariste de l’Etat.
La
politique intérieure de Poroshenko se
caractérise par :
-
l’identification de l’Etat au
nationalisme radical;
- la
mise en place de la terreur politique
contre les fonctionnaires
du précédent Gouvernement et les
opposants à la soi-disant « opération
antiterroriste » (NDT : appellation
donnée par le régime kiévien à la guerre
contre la population du Donbass);
- la
déchéance des principaux droits civils
de groupes sociaux gênants le régime par
le recours à la lustration et aux
poursuites pénales;
- la
militarisation de la vie quotidienne de
la société.
4. A
l’époque d’Hitler, les
unités armées d’assaut avaint été
formées pour défendre les intérêts de
l’Etat. Par la suite, elles ont joué le
rôle d’une « police auxiliaire». Avec
Poroshenko, les bataillons de
volontaires sont formés dans le but du
maintien de l’ordre dans la zone
d'opération antiterroriste.
5. La
doctrine juridique nazie a légalisé tous
les moyens qui, à son avis, allaient
dans le sens de « la race pure ». Ainsi,
le recours aux unités armées contre les
opposants du régime, les pillages de
masses et les assassinats des civils ont
été reconnus comme légitimes. Arrivé au
pouvoir, Hitler a annoncé l’amnistie
pour les unités d’assaut. Quant à la
doctrine juridique ukrainienne, elle
reconnait comme légitime tout ce qui,
selon le pouvoir, correspond aux
attentes de « la nation ukrainienne ».
Elle admet le recours à la violence
envers les fonctionnaires du
Gouvernement précédent et envers tous
ceux qui s’opposent à l’opération
antiterroriste, ainsi que les pillages
des civils dans le but de «défendre les
intérêts de l’Etat». Poroshenko a
annoncé l’amnistie pour les crimes
commis par les combattants des
bataillons punitifs et les membres des
forces de l'ordre ayant participé à
l’opération antiterroriste.
6.
Hitler a interdit le parti communiste et
le parti social-démocrate. Poroshenko a
interdit le parti communiste. Hitler a
écarté les juifs, les communistes et les
sociaux-démocrates de la vie sociale,
politique et professionnelle. Poroshenko
a écarté les fonctionnaires du
Gouvernement précédent et les opposants
politiques.
7. Du
temps d’Hitler, la Gestapo a obtenu le
droit de mettre la main sur les
opposants au régime nazi pour « protéger
l’Etat ». Les opposants ont été déportés
dans des camps de concentration, où ils
étaient torturés et éliminés
physiquement. Sous Poroshenko, les gens
présentant un danger pour le régime sont
détenus dans « des prisons secrètes »,
dans lesquelles les missions
d’observation de l’ONU et l’OSCE ont
constaté le recours aux tortures et aux
exécutions sommaires.
8. Du
temps d’Hitler, les troupes SS étaient
considérées comme des troupes d’élite
exécutant sur ordre de l’Etat nazi des
missions spécifiques, telles que les
opérations punitives contre les civils,
la garde des camps de concentration,
l’élimination physique des groupes
sociaux et ethniques qui s’opposaient au
régime. A l’époque d’Hitler, la division
SS ukrainienne “Galychyna”, le bataillon
SS “Nachtigall” et d'autres ont commis
des crimes de guerre sur le territoire
de l’Ukraine et de la Biélorussie. Sous
Poroshenko, les criminels de guerre
ukrainiens, ayant participé aux
massacres des civils, sont considérés
comme des héros. Une des rues de Kiev,
capitale de l’Ukraine, portera bientôt
le nom de Roman Shukhevych,
Hauptsturmführer SS, et une avenue a
déjà été rebaptisée en l’honneur S.
Bandera, le chef de l’UPA/OUN.
9.
Hitler a utilisé un acte terroriste -
l’incendie volontaire de Reichstag,
organisé par les nazis - comme prétexte
pour organiser des représailles de masse
et usurper le pouvoir. Ce fait divers a
mobilisé l’opinion publique et a laissé
les mains libres à la police. Poroshenko
utilise dans le même but la guerre du
Donbass déclenchée par le régime en
place et appelée «opération
antiterroriste» (ATO).
10. Du
temps d’Hitler, l’assassinat des
publicistes opposants tel que Jung était
justifié par “la colère juste d’une
nation saine”. Sous Poroshenko, ont tue
non seulement les journalistes
d’opposition, comme le fut Oles Bouzyna,
mais aussi ceux qui sont relativement
neutres vis-à-vis du régime, mais qui se
permettent de critiquer le pouvoir de
temps à autre, comme, par exemple, Pavel
Cheremet.
11.
Hitler a tenté de fonder une église
protestante allemande unie qui
soutiendrait l’Etat nazi, notamment en
justifiant la politique militariste du
Troisième Reich. Les prêtres s’étant
opposés à cette idée ont été l’objet de
violences de la part des forces de
l’ordre et d'arrestations de masses de
par la Gestapo. Poroshenko tente de
créer une église locale uniate
ukrainienne qui doit soutenir le pouvoir
ukrainien, notamment en justifiant le
bain de sang dans la zone de l’opération
antiterroriste. Les prêtres qui gênent
le pouvoir subissent la violence des
volontaires des bataillons punitifs et
"des activistes patriotes ", ainsi que
la pression administrative du pouvoir.
12.
Hitler a conduit de force la
germanisation des territoires envahis.
Par exemple, afin de transformer la
Tchécoslovaquie en colonie allemande,
les citoyens de ce pays ont été obligés
de parler allemand et la législation a
été mise en conformité avec la
législation nazie. Sous Poroshenko, les
fonctionnaires apprennent l’anglais, les
lois sont modifiées sur les ordres de
l’ambassade américaine et des
conseillers et des employés des services
étasuniens interviennent dans tous les
organes d’Etat.
13.
Hitler a fondé un Etat nazi sans trop se
soucier de son propre enrichissement. Il
n’a pas possédé de confiseries qui
auraient travaillé sous l’URSS. Lors de
son mandat présidentiel, Poroshenko a
accru sa fortune sur fond d’un
appauvrissement critique de la
population. Sa confiserie à Lipetsk
fonctionne toujours en Russie et remplit
les caisses du budget fédéral, par
lequel est financée l’armée russe et
contre laquelle, à en croire Poroshenko,
ce dernier mène une guerre farouche
depuis voici bientôt trois ans.
Comme
vous le voyez, les accusations portées
contre Poroshenko de vouloir construire
un Etat nazi sont mal fondées et de
nombreuses similitudes sont, bien
évidemment, accidentelles.
La fin
d’Hitler fut tragique et pendant des
décennies les Allemands souffraient d’un
sentiment de culpabilité à cause des
crimes commis par les nazis.
Aujourd’hui, Poroshenko est au sommet du
pouvoir. Si un jour son destin répète
soudainement celui d’Hitler, ce ne sera,
bien évidemment, qu’une coïncidence de
plus. Coïncidence dont l’histoire
moderne ukrainienne regorge.
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