Russie politics
Trump invite Poutine à une
rencontre bilatérale
à Washington: vers
une sortie de crise?
Karine Bechet-Golovko
Mardi 3 avril 2018
Le 20 mars, le
président américain D. Trump téléphone à
son homologue russe V. Poutine pour le
féliciter de sa réélection,
contrairement aux instructions reçues de
son Administration. A cette occasion, il
l'invite pour une rencontre en tête à
tête à Washington. Certes, c'était
avant. Avant Skripal. Mais la
Maison-Blanche vient de confirmer
l'invitation. Comment expliquer cette
démarche en pleine hystérie
internationale? A ce rythme-là, Boris
Johnson aura beaucoup de temps pour
jouer au laser. L'objet de
toutes les suppositions
Les félicitations
de D. Trump avaient déjà fait couler
beaucoup d'encre. Comment peut-on
féliciter, contre l'avis de son
Administration, V. Poutine? C'est
reconnaître que les élections
présidentielles russes ont bien eu lieu.
Elles ont eu lieu et Trump a félicité.
Puis le miraculeux empoisonnement de
Skripal, l'ancien espion russe retourné
par le MI6, jugé à Moscou et échangé sur
demande britannique contre des espions
russes, a été victime d'un attentat en
plein Londres. Avant que les enquêteurs
ne savent de quoi il ressort, la
Grande-Bretagne relance le conflit et
monte un front anti-russe.
Comme
nous l'avions écrit ici, il
semblerait que ce front serve en fait
les intérêts américains, ceux du clan
globaliste. L'enjeu premier est de
reprendre la main afin de permettre la
domination américaine. Les dernières
nominations faites par Trump vont dans
ce sens. Mais la question reste de
savoir s'il s'agit d'une voie
absolutiste (sans partage possible) ou
si le réalisme et la fermeté de la
position russe conduisent à une voie
relativiste (et dans ce cas cette
opération pour les Etats-Unis sert à
faire monter les enchères). A moins, ce
qui serait plus grave, que le conflit
entre Trump et l'Establishment ne
soit irréductible et l'on assisterait à
une sorte de répartition des rôles entre
le "méchant" et le "gentil".
Des éléments
d'interprétation
Hier, de nouveaux
éléments ont été rendus publics. Tout
d'abord, le conseiller du président
russe, Yuri Ushakov, a révélé
l'invitation lancée par Donald Trump à
Vladimir Poutine lors de leur entretien
téléphonique du 20 mars, dont la
préparation continue malgré le scandale
de Skripal.
Ensuite, il y a eu
les
déclarations de la Maison-Blanche
confirmant l'invitation:
The White House
confirmed the invitation but played down
its significance. “As the president
himself confirmed on March 20, hours
after his last call with President Putin,
the two had discussed a bilateral
meeting in the ‘not-too-distant future’
at a number of potential venues,
including the White House,” said Sarah
Huckabee Sanders, the press secretary.
Puis, les
Etats-Unis insistent sur le fait
qu'ils n'ont pas expulsé les diplomates
russes pour réduire le volume de la
représentation diplomatique russe,
ceux-ci pourront être remplacés, ce qui
provoque la colère des milieux radicaux,
dont fait partie l'ancien ambassadeur US
à Moscou, McFaul, tant apprécié de
l'opposition de rue pour le soutien
inconditionnel qu'il lui apportait:
Les
anciens conseillers d'Obama
soutiennent cette ligne dure et
critiquent le pragmatisme de Trump,
qu'ils considèrent comme une erreur
diplomatique ouvrant une brèche dans le
"front Skripal" officiellement ouvert
par la Grande-Bretagne. Ce qui met
effectivement la Grande-Bretagne en
difficulté ...
Retour vers une
vision plus pragmatique des relations
internationales?
Par ces différentes
déclarations, les Etats-Unis
reviennent-ils vers plus de réalisme? La
question se pose en effet. Ici
différents scénarios sont envisageables.
1/
L'Establishment et Trump se
répartissent les rôles entre le méchant
et le gentil, les uns tenant un discours
dure, radicale contre la Russie,
laissant ensuite Trump amadouer avec une
attitude plus conciliante. Même s'il
faut faire attention au degré de
conciliation, lorsque l'on voit le
caractère des dernières personnalités
nommées, prônant une version extrême de
la suprématie américaine.
Dans quelle mesure
cette répartition est-elle volontaire ou
involontaire, de cela dépendra les
scénarios suivants.
2/ Si la
répartition des rôles est voule, cette
mise en scène est un moyen de faire
monter les enchères. Et comme un conflit
armé réel n'est pas voulu, le temps est
venu de voir où en sont les enjeux, d'où
l'invitation de Poutine à Washington.
3/ Si la
répartition des rôles n'est pas
volontaire, ces déclarations sont le
reflet d'une fracture dans le Front
Skripal, dans le "monde libre". D'un
côté le clan globaliste auquel
n'appartient pas Trump, soutient la
Grande-Bretagne qui instrumentalise
l'affaire Skripal pour mettre la Russie
dans les rangs politiques de la
globalisation. Il faut dire que la
Russie est économiquement un bon élève,
elle fait partie de toutes les
plateformes internationales. Le problème
est politique et idéologique.
Politiquement, elle ne reconnaît pas la
domination politique anglo-saxonne et
idéologiquement elle résiste encore un
peu à la terreur de la tolérance, même
si les séries télévisées montrent de
plus en plus les couples homosexuels de
manière totalement ouverte.
Trump s'opposerait
alors à l'Establishment et la politique
pro-globaliste sur le plan économique de
la Russie en fait-elle réellement un
allié pour Trump? Ca se discute.
La mondialisation a
ses limites. L'image des Migrants
Welcome s'est heurtée à la montée des
chiffres de la criminalité, la
dérégulation aux revendications
sociales, le culte LGBT à la vie
courante d'une population non-bobo qui a
autre chose à faire.
Dans ce contexte,
le sabre lumineux de Boris Johnson
risque de trancher dans le vide et la
Grande-Bretagne peut finir par être le
dindon de la farce. Il faut dire que
dans tous les cas, sa position est
particulièrement instable. La
Russie a adressé une liste de
13 questions à l'Organisation pour
l'interdiction des armes chimiques en
vue de la réunion extraordinaire qu'elle
a demandée. Elle avait également
adressé le 31 mars 14 questions à
Londres et 10 à Paris, puisque la France
fournit une "assistance technique", pour
savoir, en substance, ce que font ces
enquêteurs. Avec un drôle de gaz qui
aurait été mis dans du "porridge russe",
militaire mais qui fait pas de victimes
(la fille se réveille et le policier est
en pleine forme). Cela ressemble à une
mauvaise série télé.
D'une manière
générale, dans quelle mesure Trump va
être maître du jeu à l'intérieur du pays
et aura-t-il la volonté et la
possibilité de normaliser les relations
russo-américaines? Ou bien ne s'agit-il
que d'une escalade, d'une montée
progressive en puissance, d'une lutte de
clans dont le poids réciproque est
variable ? A suivre.
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