LE GRAND SOIR
Le procès « stalinien » de Julian
Assange
Jonathan Cook
Samedi 26 septembre 2020 Intervention de
John Pilger devant le tribunal le 7
septembre, alors que l’audience
d’extradition [d’enlèvement - NDT] de
l’éditeur de WikiLeaks entrait dans sa
phase finale.
Lorsque j’ai
rencontré Julian Assange pour la
première fois il y a plus de dix ans, je
lui ai demandé pourquoi il avait créé
WikiLeaks. Il m’a répondu : "La
transparence et la responsabilité sont
des questions morales qui doivent être
l’essence de la vie publique et du
journalisme".
Je n’avais jamais
entendu un éditeur ou un rédacteur en
chef invoquer la moralité de cette
manière. Assange croit que les
journalistes sont les agents du peuple,
et non du pouvoir : que nous, le peuple,
avons le droit de connaître les secrets
les plus sombres de ceux qui prétendent
agir en notre nom.
Si les puissants
nous mentent, nous avons le droit de
savoir. S’ils disent une chose en privé
et le contraire en public, nous avons le
droit de savoir. S’ils conspirent contre
nous, comme Bush et Blair l’ont fait au
sujet de l’Irak, puis prétendent être
des démocrates, nous avons le droit de
savoir.
C’est cette morale
de la finalité qui menace tant la
collusion des puissances qui veulent
plonger une grande partie du monde dans
la guerre et veulent enterrer Julian
vivant dans l’Amérique fasciste de
Trump.
En 2008, un rapport
top secret du Département d’État
américain a décrit en détail comment les
États-Unis allaient combattre cette
nouvelle menace morale. Une campagne de
diffamation personnelle menée en secret
contre Julian Assange conduirait à
"l’exposition [et] à des poursuites
pénales".
L’objectif était de
réduire au silence et de criminaliser
WikiLeaks et son fondateur. Page après
page, on a révélé l’imminence d’une
guerre contre un seul être humain et sur
le principe même de la liberté
d’expression et de pensée, et de la
démocratie.
Les troupes de choc
de l’Empire sont celles qui se disent
journalistes : les grands noms du
soi-disant courant dominant, en
particulier les "progressistes" qui
balisent et patrouillent le périmètre de
la dissidence.
Une vengeance en
bonne et due forme
Et c’est ce qui
s’est passé. Je suis journaliste depuis
plus de 50 ans et je n’ai jamais connu
une campagne de diffamation comme
celle-ci : l’assassinat fabriqué d’un
homme qui refusait de rejoindre le
club : qui croyait que le journalisme
était un service au public, jamais à
ceux d’en haut.
Assange a fait
honte à ses persécuteurs. Il a produit
scoop après scoop. Il a révélé la fraude
des guerres promues par les médias et la
nature meurtrière des guerres
américaines, la corruption des
dictateurs, les maux de Guantanamo.
Il nous a forcé, en
Occident, à nous regarder dans le
miroir. Il a dénoncé dans les médias les
personnes qui disaient officiellement la
vérité comme des collaborateurs : ceux
que j’appellerais les journalistes de
Vichy. Aucun de ces imposteurs n’a cru
Assange lorsqu’il a averti que sa vie
était en danger : que le "scandale
sexuel" en Suède était un coup monté et
qu’un enfer américain était sa
destination finale. Et il avait raison,
comme toujours.
L’audience
d’extradition à Londres qui débute cette
semaine est le dernier acte d’une
campagne anglo-américaine visant à
enterrer Julian Assange. Il ne s’agit
pas d’un procès en bonne et due forme.
Il s’agit d’une vengeance. L’acte
d’accusation américain est clairement
truqué, un simulacre démontrable.
Jusqu’à présent, les audiences
rappellent leurs équivalents staliniens
de la guerre froide.
Aujourd’hui, la
terre qui nous a donné la Magna Carta,
la Grande-Bretagne, se distingue par
l’abandon de sa propre souveraineté en
permettant à une puissance étrangère
malveillante de manipuler la justice et
par la torture psychologique vicieuse de
Julian - une forme de torture, comme l’a
souligné l’expert des Nations unies Nils
Melzer, qui a été affinée par les nazis
parce qu’elle était la plus efficace
pour briser ses victimes.
Lâcheté à
Canberra
Chaque fois que
j’ai rendu visite à Assange dans la
prison de Belmarsh, j’ai vu les effets
de cette torture. La dernière fois que
je l’ai vu, il avait perdu plus de 10
kilos ; ses bras n’avaient plus de
muscles. Incroyablement, son sens de
l’humour était intact.
Quant à la terre
natale d’Assange, l’Australie n’a fait
preuve que d’une lâcheté écœurante
puisque son gouvernement a secrètement
conspiré contre son propre citoyen qui
devrait être célébré comme un héros
national. Ce n’est pas pour rien que
George W. Bush a oint le premier
ministre australien son "shérif
adjoint".
On dit que quoi
qu’il arrive à Julian Assange au cours
des trois prochaines semaines, cela va
affaiblir sinon détruire la liberté de
la presse en Occident. Mais quelle
presse ? The Guardian ? La BBC, le New
York Times, le Washington Post de Jeff
Bezos ?
Non, les
journalistes de ces organisations
peuvent dormir tranquilles. Les Judas du
Guardian qui ont flirté avec
Julian, exploité son œuvre phare, qui en
ont bien profité puis qui l’ont trahi,
n’ont rien à craindre. Ils sont en
sécurité parce qu’on a besoin d’eux.
La liberté de la
presse est désormais l’apanage d’un
petit nombre d’honorables : les
exceptions, les dissidents sur Internet
qui n’appartiennent à aucun club, qui ne
sont ni riches ni couverts de Prix, mais
qui produisent un journalisme fin,
rebelle et éthique - comme celui de
Julian Assange.
En attendant, il
est de notre responsabilité de nous
tenir aux côtés d’un vrai journaliste
dont le courage même devrait être une
source d’inspiration pour tous ceux
d’entre nous qui croient encore que la
liberté est possible. Je le salue.
John PILGER
Traduction
"sentez-vous ma haine ?" par VD pour le
Grand Soir avec probablement toutes les
fautes et coquilles habituelles
EN COMPLEMENT :
Procès Assange : La
juge Vanessa Baraitser tente d’empêcher
la lecture devant la cour des
dépositions des témoins de la défense en
argumentant qu’elle les avait déjà lues
- ce qui aurait empêché le public et les
journalistes présents de les entendre.
Elle accorde finalement 30mn à chaque
témoin.
Amnesty
International : "Ce n’est pas normal. @amnesty
est presque toujours autorisée à suivre
les affaires judiciaires dans le monde
entier. Notre observateur a découvert ce
matin qu’il n’avait même pas accès à la
transmission vidéo du procès #Assange,
ce qui est scandaleux".
"Si les États-Unis
s’en sortent en arrachant Assange au
Royaume-Uni pour qu’il passe le reste de
sa vie en prison en Virginie, pour qu’il
y meure, alors tous nos droits sont
compromis. C’est un précédent choquant".
Bob Carr, ancien ministre australien des
affaires étrangères
Kristinn Hrafnsson
rédacteur en chef de WikiLeaks dit qu’il
n’a pas été autorisé à assister au
procès et qu’il n’a pu qu’observer les
journalistes, en regardant un moniteur
vidéo. "J’appelle cela une abomination
absolue. [...] En ce qui me concerne,
c’est un procès à huis clos."
"Une fois de plus,
la technologie au tribunal s’effondre.
La vidéo s’interrompt alors que le
témoin américain commence à s’exprimer.
Ignorant qu’on peut encore l’entendre,
il dit "merde", résumant ainsi la pensée
de chacun."
John Rees
Source : »» https://consortiumnews.com/2020/09/07/john-pilger-the-stalinist-trial-...
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