Chine
Les
Etats-Unis envoient des B-52
dans la zone de défense aérienne
chinoise
John Chan
Samedi 30 novembre 2013
Organisant une
manœuvre délibérément provocatrice, les
Etats-Unis ont annoncé hier que deux
bombardiers stratégiques B-52 avaient
mené une mission d’entraînement
au-dessus des îles contestées Senkaku
(appelées Diaoyu en Chine) en Mer de
Chine orientale, quelques jours
seulement après que Pékin ait déclaré
qu’il avait établi une « zone de défense
aérienne » (ZDA) sur la région.
La version du
Pentagone selon laquelle il s’agissait
d’une mission de routine n’a aucune
crédibilité. Ce survol visait clairement
à lancer un défi à la Chine, dans la
droite ligne de la déclaration du
ministre américain de la Défense Chuck
Hagel qui a dit que l’armée de l’air
américaine ignorerait simplement les
règles fixées par la Chine dans cette
zone.
Les deux
bombardiers B-52, qui sont conçus pour
porter des bombes atomiques et des
missiles de croisière, ont décollé et
atterri à Guam, la principale base
américaine dans le pacifique. Ce vol
visait à envoyer un message
d’intimidation à Pékin et indiquer que
les Etats-Unis soutiendraient le Japon
dans une guerre contre la Chine au sujet
des îles Senkaku. Dans sa déclaration,
Hagel a également réaffirmé l’engagement
de Washington envers le Traité de
sécurité américano-japonais.
En annonçant
l’établissement de la ZDA, la Chine a
déclaré que tout appareil étranger qui
passerait dans cette zone devrait donner
son plan de vol, indiquer sa nationalité
et maintenir un contact radio, sinon il
serait confronté à des mesures
militaires d’urgence.
Le porte-parole du
Pentagone, le colonel Steve Warren a
déclaré aux medias que les deux B-52 ont
délibérément défié les règles de la zone
aérienne : « Nous avons mené des
opérations dans la zone des Senkaku.
Nous avons continué à suivre nos
procédures normales, qui comprennent le
fait de ne pas indiquer nos plans de
vol, de ne pas s’annoncer par radio et
de ne pas donner nos fréquences. » La
réaction initiale du gouvernement
chinois a été de minimiser l’incident,
affirmant simplement qu’ils ont
surveillé l’ensemble du vol.
Les risques créés
par le survol des B-52 ne sont que trop
évidents. Si la Chine répondait en
envoyant des chasseurs dans la zone et
si l’armée américaine appelait ses
chasseurs des bases japonaises proches,
l’incident pourrait entraîner un
affrontement aérien ayant des
conséquences de grande portée et
potentiellement catastrophiques.
Les alliés des
Américains en Asie ont soutenu la
décision de Washington d’ignorer la ZDA
de la Chine. Le Premier ministre
japonais Shinzo Abe a déclaré à la Diète
lundi : « nous demandons que la Chine
révoque toutes les mesures qui
pourraient enfreindre la liberté de vol
dans l’espace aérien international. »
Mettant les
appareils civils en danger, le
gouvernement d’Abe est intervenu pour
interdire aux compagnies japonaises de
soumettre leurs plans de vol à Pékin. Le
ministre des Transports Fumio Kishida a
déclaré : « je pense qu’il est important
pour les secteurs public et privé de
coopérer dans la démonstration de notre
ferme résolution face à la Chine. »
Le ministre
sud-coréen de la Défense a indiqué que
son appareil ne respecterait pas lui
non-plus les directives chinoises. La
ministre australienne des affaires
étrangères Julie Bishop a convoqué
l’ambassadeur de Chine pour critiquer la
ZDA, disant : « l’Australie a clairement
indiqué sa position envers toute action
coercitive ou unilatérale visant à
changer le statu quo en Mer de Chine
orientale. »
La décision
chinoise d’instaurer une ZDA était
elle-même provocante. Cette annonce
était en partie une réaction à la
remilitarisation du Japon sous le
gouvernement Abe, encouragée par le
gouvernement Obama, et aux tensions
montantes au sujet des îles Senkaku/Diaoyu
après leur nationalisation par Tokyo
l’an dernier. Au cours des deux derniers
mois en particulier, les Etats-Unis ont
renforcé leur alliance militaire avec le
Japon ; cela comprenait une proposition
que le Japon développe ses propres
capacités de « frappe préventive » et un
déploiement supplémentaire d’avions de
guerre américains vers le Japon.
Dans le même temps,
la nouvelle direction chinoise sous la
présidence de Xi Jinping cherche à
plaire à ses partisans nationalistes au
sein des classes moyennes aisées. Xi
cherche à se présenter comme un
dirigeant « fort » qui ne reculera pas
devant les « gros bras » étrangers.
Craignant l’agitation sociale, le régime
chinois isolé – représentant une très
mince couche de milliardaires et de
multi millionnaires – s’appuie sur le
nationalisme chinois comme moyen
idéologique pour supprimer les
différences de classes et pour contenir
l’opposition de la population
travailleuse à son programme pro marché.
L’intrusion des
B-52 est intervenue après des reportages
dans les medias chinois sur un exercice
d’entraînement aérien de grande ampleur
de l’armée chinoise qui a impliqué
plusieurs dizaines de chasseurs dans la
ZDA nouvellement proclamée. En même
temps, la marine chinoise déclarait que
son porte-avions, le Liaoning, mènerait
un exercice d’entraînement en Mer de
Chine du Sud, accompagné pour la
première fois par un groupe de combat de
quatre navires d’escorte.
Les deux
porte-avions nucléaires américains,
l’USS George Washington et l’USS Nimitz,
ainsi que leurs groupes de combat sont
également en Mer de Chine du Sud,
officiellement pour apporter de l’aide
humanitaire aux Philippines après le
typhon Haiyan. Les Etats-Unis ont
encouragé les Philippines et le Vietnam
à affirmer leurs prétentions face à la
Chine sur les îles Spratleys et d’autres
îles de la Mer de Chine du Sud, où la
Chine envisage également d’établir une
zone de défense aérienne.
L’escalade menée
par Washington des tensions avec la
Chine au sujet de la ZDA de Mer de Chine
orientale contraste fortement avec les
déclarations sur le récent accord
nucléaire passé avec l’Iran qui est
présenté comme un pas vers la paix et la
stabilité mondiales. En réalité les
Etats-Unis tentent de parvenir à un
accord avec l’Iran afin de se concentrer
sur leur souci principal – le « pivot
vers l’Asie », qui vise à isoler et
contenir son principal rival potentiel,
la Chine.
La décision
américaine d’annuler la frappe qui était
imminente contre la Syrie en septembre,
puis l’absence d’Obama aux importants
sommets asiatiques en octobre en raison
du « shutdown [coupures du financement]
» du gouvernement américain, ont soulevé
des inquiétudes dans toute la région
Indo-pacifique sur l’engagement
américain dans ce « pivot ». Cette
situation est inacceptable pour l’élite
dirigeante américaine, qui a identifié
la région Indo-Pacifique comme l’axe
économique du globe pour le 21e
siècle et une zone qu’ils doivent
dominer.
Le vice-président
Joe Biden devrait visiter le Japon, la
Corée du Sud et la Chine la semaine
prochaine afin de rassurer ses alliés
dans la région. Obama lui-même fera un
voyage très important en Asie en avril
prochain. En annonçant la tournée
d’Obama la semaine dernière, la
conseillère américaine à la sécurité
nationale Susan Rice a déclaré : «
rééquilibrer en faveur de
l’Asie-Pacifique reste une pierre
angulaire de la politique étrangère du
gouvernement Obama […] quel que soit le
nombre de points chauds qui émergent
ailleurs, nous continueront à
approfondir notre engagement de longue
durée envers cette région d’une
importance cruciale. »
Tout comme le
survol par des B-52 hier, les
commentaires de Rice sont des mises en
garde quant au fait que les Etats-Unis
n’hésiteront pas à se servir de tous les
moyens pour maintenir leur hégémonie en
Asie.
(Article original
paru le 27 Novembre 2013)
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Publié le 30 novembre 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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