RussEurope
Un scandale
Jacques Sapir
© Jacques
Sapir
Dimanche 25 janvier 2015
Le gouvernement polonais veut donc
organiser le 27 janvier la commémoration
de la libération du camp d’Auschwitz
sans inviter Vladimir Poutine. C’est son
droit. Il vaut commémorer cela avec le
gouvernement ukrainien, sans doute en
mémoire des deux à trois mille
volontaires ukrainiens qui aidèrent les
nazis sur ce seul site (et bien plus
ailleurs). C’est son droit. Mais qu’il
assume alors l’énormité de son acte.
Nous savons bien que ce n’est pas le
peuple polonais qui s’exprime par la
bouche de ce gouvernement. Qu’il ne le
camoufle pas sous des prétextes divers.
La justification présentée par le
ministre polonais des affaires
étrangères est stupéfiante mais aussi
très révélatrice. Il prétend
qu’Auschwitz aurait été libéré par « des
troupes ukrainiennes ». On ne sait ce
qui doit le plus retenir l’attention :
l’énormité du mensonge ou l’impudence
avec laquelle il fut prononcé.
Auschwitz (Osewiscim) fut libéré par
des hommes de la 332ème
Division d’Infanterie de l’Armée Rouge,
appartenant au « 1er Front
d’Ukraine ». Il faut savoir que dans
l’organisation adoptée par l’Armée
Rouge, un « Front » désigne un groupe
d’armées charger d’opérer sur une
« direction stratégique ». Le 1er
Front d’Ukraine était le nom du groupe
d’armées qui avait combattu en Ukraine
et qui, de là, remontait vers la
Pologne. Ce n’était nullement une
désignation « ethnique ». Cela, tout
historien le sait. Les survivants furent
traités par des médecins soviétiques,
venus en toute hâte de Léningrad, car
ils avaient le savoir-faire pour traiter
les personnes dénutries.
Il sait aussi que les troupes du 1er
Front d’Ukraine (2ème armée
de tanks, du général Bogdanov) avaient
libérées le 25 juillet 1944 le camp de
Maïdanek, découvrant l’horreur de
l’extermination systématique et
industrielle qui caractérise le nazisme.
Les principaux correspondant de guerre
soviétiques, Vassily Grossman (auteur de
« vie et destin), Konstantin Simonov
(auteur de « Les Vivants et les Morts»),
Boris Gorbatov et Evgeni Kryler se
rendirent les lieux. Leurs articles
firent la une des quotidiens
soviétiques. Mais, il fallut attendre
avril 1945, que les anglo-américains
découvrent à leur tour Bergen-Belsen et
les camps situés à l’ouest, pour qu’on
leur accorde un quelconque crédit.
Simonov témoignera devant la commission
d’enquête russo-polonaise[1].
Rien ne justifie les mensonges du
gouvernement polonais.
Mais, sa complicité avec le
gouvernement de Kiev, au sein duquel on
trouve, hélas, les descendants
idéologiques des ukrainiens qui se sont
associés aux Nazis l’explique.
L’ensemble des dirigeants de l’Europe
devrait le dire haut et fort et refuser
de participer à ce qui n’est plus une
commémoration mais une mascarade. Si
François Hollande se rend à Auschwitz,
dans ces conditions, qu'il sache qu'il
salit alors son nom et celui de la
France.
[1] Simonov K., Maïdanek -
un camp d’extermination,
suivi du Compte rendu de la
commission d’enquête
polono-soviétique, Éditions
Sociales, Paris, 1948,
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