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Lettre perdante
Jacques Sapir
© Jacques
Sapir
Vendredi 24 octobre 2014
Ainsi, François Hollande se refuse à
publier la lettre envoyée par la
Commissions de Bruxelles sur le budget
français. Le Premier-Ministre italien,
M. Renzi, n’a pas eu cette pudeur, et il
en a profité pour attaquer de front la
dite Commission. On pourrait croire que
c’est là une différence de style et, on
le sait, le style c’est l’homme. Mais il
y a quelque chose de plus dans ce
comportement timide, et pour tout dire
puéril, de notre Président.
La lettre
révélatrice
Ce que cette lettre
révèle, car de bonnes âmes, MEDIAPART
pour les nommer, en ont publié le texte
obtenu par des fuites venant soit de
Bruxelles soit de Paris, c’est
l’arrogance d’une Commission européenne.
Mais, pourquoi donc cette dernière
prendrait-elle des gants ? Après tout,
c’est bien François Hollande qui signa
le Traité sur la stabilité et la
gouvernance, le TSCG, qui met la France
sous la tutelle de Bruxelles, c’est à
dire en fait de l’Allemagne. Ce que
François Hollande redoute, tout comme un
mauvais élève craint le courroux de ses
parents et cherche à leur cacher une
mauvaise note, c’est d’être confronté
aux conséquences de ses actes. Ce
traité, le fameux traité « Merkozy »,
négocié par Mme Merkel et Nicolas
Sarkozy, organise la soumission
institutionnelle de la France à un
pouvoir étranger. Oh, bien sur, il est
aujourd’hui facile d’affirmer qu’il
n’est pas question que Paris modifie son
budget pour satisfaire tant Bruxelles
que Berlin. Mais, le mal est fait. Soit
nous nous plierons, de mauvaise grâce, à
cette règle inique et nous
l’entérinerons, soit nous allons au
conflit ouvert tant avec Bruxelles
qu’avec Berlin, qui a refusé les 50
milliards d’investissements quémandés,
toute honte bue, par le triste duo
Macron-Sapin.
Le comportement de
François Hollande sur cette fameuse
lettre est révélateur de l’échec de sa
politique. Il est révélateur de son
incapacité fondamentale à assumer les
conséquences de ses actes et de ses
politiques. Mais, de cela, nous nous en
doutions un peu. Sa vie privée en porte
constamment témoignage.
La lettre
accusatrice
Il n’en reste pas
moins que le problème est bien réel et
ne disparaîtra pas parce que notre
Président n’a pas le courage de
l’affronter. Sa politique économique est
un échec, ce que les chiffres du
chômage, publiés ce vendredi 24 octobre,
viennent nous rappeler. L’économie
française est à l’arrêt et n’engendre
plus les recettes fiscales escomptées,
ce qui creuse encore plus le déficit.
Au-delà, sa politique européenne est un
champ de ruines. Il n’a su ni gagner
l’amitié ni gagner le respect de ses
partenaires. La France se trouve
aujourd’hui sur une trajectoire de
collision avec l’Allemagne, ce qu’il
prétendait éviter, en raison même de la
politique qu’il a menée, toute faite de
demi-mesures et de gros mensonges. Si,
devant l’insensibilité et l’obstination
allemandes, le gouvernement français
avait menacé de quitter l’Euro,
peut-être aurions nous été pris au
sérieux. A tout le moins, une sortie de
l’Euro aurait redonné à l’économie
française les marges de manœuvres qui
aujourd’hui lui font si dramatiquement
défaut.
Si François
Hollande n’a pas voulu révéler le
contenu de cette lettre, c’est parce
qu’il sait, au plus profond de lui,
qu’elle le condamne. Elle le condamne
par son existence même. Cette lettre
n’aurait jamais dû pouvoir être écrite.
Elle le condamne par son contenu, cette
inquisition à laquelle est soumise la
représentation nationale française. Elle
le condamne enfin et ce qu’elle témoigne
de l’inévitabilité d’un conflit qu’il
n’a pas voulu admettre mais qui s’impose
à lui. Comment ici ne pas penser aux
mots terribles de Winston Churchill lors
des accords de Munich : « nous avions le
choix entre le déshonneur et la guerre ;
Nous avons choisis le déshonneur ; nous
aurons la guerre ».
Une lettre volée ?
On se souvient
peut-être de la nouvelle d’E.A. Poe,
La lettre volée, qui met en scène un
détective et un policier autour d’une
lettre dérobée susceptible de provoquer
un effroyable scandale. Toutes choses
étant égales par ailleurs, comme adorent
le dire les économistes, et le talent en
moins, c’est à une variante de cette
lettre volée que nous convie François
Hollande en prétendant nous dérober son
contenu. Mais, nul n’est besoin de le
connaître précisément, de savoir si
Bruxelles a mis une virgule ou un point
d’exclamation. Ce qu’il est impossible
de dérober, c’est ce que cette lettre
établie de manière fort claire : nous ne
sommes plus un Etat souverain. Cette
lettre signe la honte de François
Hollande, et celle là il ne l’a pas
volée…
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