Sputnik
Cette terrible jeunesse russe.
La «génération Poutine» «achève»
l'Occident
Ivan Danilov
© Sputnik.
Alexeï Malgavko
Jeudi 22 mars 2018
Source :
Sputnik
The Wall Street Journal aux USA, The
Australian en Australie et The Daily
Telegraph au Royaume-Uni ont publié
presque en même temps des articles
portant le même message: «La nouvelle
génération russe ne choisit pas les
iPhone mais Poutine. C'est une horrible
génération, sur laquelle ne reposent
plus beaucoup d'espoirs».
Visiblement, ces rédactions ont reçu la
même consigne. On imagine que l'idée
était de publier des articles pour
raconter comment les «poutinagers»
(contraction de "Poutine"
et "teenager" désignant les adolescents
de la génération poutinienne) allaient
renverser le président russe. Mais tout
est allé de travers dans le processus
d'analyse de la nouvelle génération
d'électeurs russes.
Ces «poutinagers»,
à l'exception de quelques marginaux
pro-occidentaux, n'ont pas du tout plu
aux chercheurs occidentaux. Il faut
croire qu'il existe un certain lien
entre le processus de familiarisation
des «partenaires» occidentaux avec les
jeunes russes et leur approche de la
politique médiatique antirusse.
Auparavant, dans la
plupart des cas, les opposants de la
Russie essayaient de suivre le principe
classique de la propagande américaine
datant de l'époque de la Guerre froide,
qui consistait toujours à diviser et à
opposer le peuple et son gouvernement,
en soulignant l'oppression et la
servitude des citoyens qui aspiraient à
être libérés des dirigeants «tyranniques
et cruels» soviétiques, puis russes.
Cependant, on assiste aujourd'hui à une
sorte de retour à des formats plus
précoces et primitifs de propagande,
c'est pourquoi les Russes sont souvent
diabolisés «en bloc» sans distinction
entre ceux qui dirigent et ceux qui
votent.
Visiblement, ils
croyaient possible de dresser la
population contre le gouvernement et de
faire participer la jeune génération,
qui a grandi selon un «régime»
médiatique douteux entre publications
sur les réseaux sociaux, visionnage de
films hollywoodiens et vidéos virales
sur YouTube. Ces espoirs ont été
activement réchauffés par la «communauté
d'experts» composée des émigrés
politiques — de Masha Gessen à Evgueni
Tchitchvarkine — ainsi que de nombreux
activistes antiétatiques en Russie même.
L'espoir que la nouvelle génération
suivra la voie du Maïdan et voudra
«troquer sa patrie contre la possibilité
de se sentir européenne» est justifié
dans une certaine mesure. Dans plusieurs
pays, de l'Égypte à l'Ukraine, la
jeunesse a été l'une des locomotives des
processus politiques destructeurs
activement alimentés de l'extérieur.
Dans le cas de la
Russie s'est produite une fracture
littéralement catastrophique, mais très
révélatrice.
Comme le rapporte
le Wall Street Journal, selon les
sondages du centre Levada, le taux
d'approbation de Vladimir Poutine est le
plus élevé précisément parmi les jeunes
de 18 à 24 ans (86%), ce qui anéantit
les stéréotypes américains sur ce qu'ils
pensaient des «jeunes russes qui ont
grandi à l'époque de l'internet». Les
journalistes américains ont réalisé une
série d'interviews avec ces jeunes
russes et notent qu'ils apprécient les
opportunités que leurs parents n'avaient
pas, et sont très sceptiques quant aux
révolutions — préférant les
améliorations progressives.
«La popularité de
Poutine est incontestable,
particulièrement parmi les jeunes»,
constate le fleuron de la presse
australienne The Australian. «La
génération Poutine est plus active et
plus pro-Kremlin que ses parents»,
déplore le quotidien britannique The
Daily Telegraph.
Progressivement,
les partenaires occidentaux commencent à
comprendre que Poutine n'est pas un
hasard historique mais une logique
historique. Et tout ce qu'ils
n'apprécient pas chez Poutine, en
réalité, ne le concerne pas vraiment en
tant que politicien et personnalité
politique, mais s'applique à tous les
Russes dans l'ensemble. Pendant très
longtemps, les experts occidentaux
considéraient le dirigeant russe comme
l'incarnation du ressentiment d'une
génération qui n'arrivait pas à oublier
le traumatisme de l'effondrement de
l'URSS. Mais il devient clair à présent
que Poutine est le porte-parole des
valeurs et des idéaux partagés par les
Russes de tout âge. Certains Occidentaux
espéraient que la renaissance et
l'activation de la Russie sur la scène
internationale était un phénomène
temporaire et qu'il suffisait d'attendre
qu'il passe. Maintenant, il s'avère
qu'on ne peut plus attendre un nouvel
échange selon la formule «le pays en
échange des jeans». Ce qui provoque un
ressentiment franc.
A la passion
traditionnelle des politiciens et des
médias occidentaux pour la diabolisation
de Poutine s'ajoute peu à peu la
disposition, voire le désir de blâmer
tous les Russes. Parmi les exemples
récents on pourrait rappeler la
déclaration d'Alexander Pechtold, de
l'un des partis néerlandais au pouvoir
Démocrates 66, qui a décidé d'une
manière originale de justifier le
mensonge du ministre Halbe Zijlstra
impliqué dans un scandale. Ce dernier,
souvenez-vous, avait reconnu ensuite
qu'il avait menti pendant plusieurs
années concernant son entretien avec
Poutine et qu'il avait personnellement
entendu le président russe parler de ses
plans baltes. Alexander Pechtold avait
terminé son discours de soutien par la
phrase suivante: «Je n'ai encore
rencontré aucun Russe qui corrigeait
lui-même ses erreurs». Le politicien
n'aurait certainement pas eu le courage
ni l'insolence de dire la même chose à
l'égard d'un autre groupe ethnique.
Cette triste tendance est devenue trop
flagrante pour être ignorée.
A première vue, il
pourrait sembler que passer de la
machine de propagande à la diabolisation
totale de tous les Russes est une
démarche purement irrationnelle. Mais
cette stratégie a ses avantages. Déjà,
il est bien plus pratique et efficace
d'intimider les observateurs occidentaux
en parlant des «Russes dans l'ensemble»
et des «ambitions impériales millénaires
de la Russie» que de se concentrer
uniquement sur Poutine.
Or les opposants
ont encore une chance d'appuyer sur le
point faible unique de notre
civilisation: la volonté d'être «bons».
L'URSS ne s'est pas effondrée à cause de
la trahison des élites, de l'échange du
pays contre 300 sortes de saucisson et
des complications économiques, mais
également parce qu'une certaine partie
de la société avait cru que
collectivement ils pouvaient et même
devaient «devenir bons» aux yeux de ce
qu'on appelle le «monde civilisé».
Il est tout à fait
possible qu'aujourd'hui, ce soit
précisément pour reproduire un succès
aussi agréable pour l'Occident que celui
de la Guerre froide qu'on suggère aux
Russes et surtout aux jeunes d'avoir
honte et de se repentir pour tout —
important ou pas, réel ou illusoire.
Pour la victoire dans la Grande Guerre
patriotique et pour l'empoisonnement de
Skripal, pour le programme de dopage de
Rodtchenkov et pour le comportement de
Poutine, pour Gazprom et pour les
«ambitions impériales millénaires de la
Russie», pour toutes les rancunes
historiques des pays baltes limitrophes
et ainsi de suite. C'est pourquoi les
Russes, en tant que société, doivent
tout simplement expliquer à leurs jeunes
concitoyens qu'avec les Russes tout va
bien et qu'ils ne doivent rien à
personne. Qu'il faut opposer un refus
ferme à ceux qui souhaitent leur
inculquer un sentiment national de
culpabilité et leur suggérer de se
regarder dans le miroir pour y voir les
millions de corps de civils libyens et
irakiens, les cendres d'Odessa et même
plus loin — jusqu'aux mains coupées des
esclaves des plantations belges de
caoutchouc. Il est préférable que la
nouvelle génération adopte un réflexe
stable: quand l'Occident collectif tente
de les intimider, il tire en réalité sur
leur portefeuille.
A en juger par le
portrait de la nouvelle génération tiré
par les médias occidentaux, la Russie du
futur est entre bonnes mains, entre les
mains des jeunes russes actifs,
patriotes, rationnels et très créatifs.
Malheureusement,
les opposants occidentaux ne sont pas
prêts à laisser tranquille la Russie.
Par conséquent, la jeunesse russe
actuelle devra inventer les moyens, les
méthodes et les technologies nécessaires
pour se protéger, protéger ses proches,
ses villes et villages, son pays. Les
jeunes russes devront commettre des
actes héroïques professionnels,
scientifiques et militaires. Ils devront
vaincre dans les conditions d'une
concurrence économique, scientifique et
militaire globale dure. Ils devront
inventer une nouvelle arme, de nouvelles
idéologies et des outils financiers. La
jeune génération russe aura une
biographie collective complexe mais très
intéressante. Il faut croire en cette
jeunesse. Elle réussira tout.
© 2018 Sputnik
Tous droits réservés.
Publié
le 23 mars 2018
Le
dossier Russie
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