Analyse
Ok Boomer ! (1)
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Samedi 22 février 2020
Ah l'enchantement
de ces temps-là! La vie était facile, on
se logeait pour pas cher, les salaires
étaient élevés, et les filles
gentilles.Le monde s'offrait à nous
comme un tas d'huîtres perlières sur un
plateau d'argent. On pouvait voyager,
changer de pays et de boulot comme on
voulait, on pouvait se battre pour la
justice et plus de miséricorde pour les
autres, chacun cherchait son chemin vers
Dieu à sa guise. C'était beau, d'être né
après la guerre. Vous n'allez pas le
croire, vous les enfants des générations
suivantes (ou annonçant....), que la vie
ait pu être aussi rayonnante. On pouvait
s'acheter une maisonnette avec deux
chambres dans le Kensington, avec ma
paye de journaliste débutant à la BBC.
On pouvait traverser l'Afrique et
grimper sur les neiges du Kilimandjaro,
randonner au Népal, être reporter de
guerre, et aller passer un
week-end à Paris.
Et le monde
débordait de variété. Rien à voir avec
la fausse diversité qui consiste à avoir
pour voisins un noir, un Chinois et un
Indien, qui vont au même supermarché et
voient les mêmes navets d'Hollywood que
vous; l'Angleterre était anglaise, et le
Japon japonais. A Londres à la fin des
années soixante, ou début soixante-dix,
les pubs servaient de la vraie bière
chaude, des saucisses grises bien
british, et de la tourte au steak et aux
rognons; et le thé Ty-Foo à cinq heures;
et on pouvait fumer à table, et sauter
dans un bus à deux étages; pas l'ombre
d'une ceinture à attacher. Les serveuses
dans des cafés aux cuillers grasses
m'appelaient "luv"... A Kyoto, les
femmes se promenaient en kimono; et les
hommes passaient de longues nuits à
boire du saké; regarder fleurir les
cerisiers, et assister au Nô, c'était
populaire. La Suède était blonde et n'en
avait pas honte, les filles du Nord aux
seins nus bronzaient et vous
éclaboussaient dans les lacs frais.
L'Israël, c'était
pauvre et âpre, le pays des garçons et
des filles basanés, avec leurs fiers
keffiyeh. Nous étions fiers de notre
service militaire et de faire pousser du
blé dans les kibboutz, tandis que les
Arabes étaient de nobles paysans, et
vivaient dans de vieilles demeures
magnifiques. Les Israéliens avaient
bonne réputation à l'époque en tant que
randonneurs increvables. On s'appelait
entre nous les "chasseurs blancs", comme
dans les récits d'Hemingway sur
l'Afrique.
Tout cela a
disparu. L'autre jour, je n'ai pas pu
trouver un seul pub anglais à Londres;
ils servaient du vin et de la cuisine
européenne. Pas une dame en kimono à
l'horizon, à Kyoto. Les Suédoises ont
remis leurs soutiens-gorges parce que
les immigrants n'arrêtent pas de les
regarder avec insistance. Les Israéliens
sont devenus insolents et gras. Et plus
question de fumer nulle part, ni de
boire en conduisant, et les ceintures
sont obligatoires même dans les bus.
Notre génération
était plus sophistiquée que la
précédente. Nous avions interdit
d'interdire en 1968. Nous avons arrêté
la guerre au Vietnam. Nous avons mis fin
à la discrimination raciale. Les gay
dansaient et ne pensaient pas au
mariage, ils ajoutaient une pincée
d'exotisme dans le chaudron de la vie,
tout comme les étrangers, qui étaient
rares même à Londres ou à Paris. J'étais
un oiseau rare, quand je me retrouvais
avec d'autres écrivains dans les cafés
parisiens. Les ouvriers étaient
invariablement des locaux et natifs du
lieu, tout comme la bouffe et la
boisson.
L'art du cinéma
était florissant. Les meilleurs films
étaient faits pour nous par Bergman et
Buñuel, Godard et Oshima. Nous
observions la course spatiale de deux
super-puissances, et nous pensions
arriver bientôt sur Mars. L'optimisme
social n'avait pas de limites, nous
étions sûrs que nos lendemains seraient
plus beaux que notre présent.
On en a bien
profité... Dommage que le monde que nous
laissons à nos enfants et petits-enfants
ne soit pas aussi merveilleux, tout
surpeuplé et hyper-réglementé. Nous
arrivions dans un monde fraîchement
fertilisé par des millions de morts,
après la grande calamité de la guerre
mondiale. Les historiens disent qu'après
la peste noire, le monde était
délectable. On le ressent, cela, même si
on n'ose pas le dire, il y a là un
facteur qui explique en partie
l'attirance de l'humanité pour
l'Armageddon.
Le nouveau virus
chinois nous offre un exemple. Il fait
2% de morts, ce qui n'est pas beaucoup.
Il semblerait que les enfants et les
Européens n'en meurent pas, même en cas
d'infection. C'est donc une sale variété
de grippe, mais pas plus. Chaque virus
de la grippe qui se répand aux US fait
bien plus de victimes. La grippe porcine
en Amérique avec ses milliards de
contaminés et ses centaines de milliers
de morts en 2009, c'était une montagne à
côté d'un petit pois, le coronavirus. Il
s'agit peut-être d'une arme biologique
bricolée en laboratoire, mais dans ce
cas, elle n'est pas très efficace, à
moins que sa férocité ne se révèle bien
plus tard.
Quoi qu'il en soit,
le battage est immense. Chaque cas de
cette super grippe est traité par les
médias comme une poussée de peste
bubonique. En Israël, il ya zéro cas du
nouveau virus, mais toutes les infos
commencent par des rapports sur la
progression de la chose. En Russie, zéro
cas; plus exactement, deux touristes
chinois sont tombés malades, et s'en
sont remis. Ceci étant, la Russie
connaît bien moins d'hystérie virale que
l'Occident; et le président Poutine a
exprimé son soutien au peuple chinois,
ce dont ils lui sont reconnaissants;
mais la Russie a quand même fermé sa
frontière aux touristes chinois, sauf
s'ils sont en transit. Poutine a
probablement hésité à prendre le risque
d'avoir quelques décès (inévitables) que
ses ennemis lui imputeraient à lui
personnellement.
Oui, il s'agit
d'une agression contre la Chine. Je vois
qu'elle a été amplifiée par les suspects
habituels, ceux qui écrivent sur
l'Holocauste des Ouigours et les
combattants pour la liberté de Hong
Kong. Mais ce sont les Chinois qui nous
ont mis en alerte rouge avec leurs
mesures préventives peu communes.
Il y a un facteur
supplémentaire. Nous attendons
l'Apocalypse, l'nvasion des Zombies, la
guerre nucléaire, le désastre
climatique, non pas au niveau de la peur
mais de l'anticipation, comme un
débiteur épuisé attend le coup du sort
ultime qui en finira avec lui comme avec
son créancier impitoyable. Nous sommes
des débiteurs, endettés et assaillis par
l'Etat et par les grandes firmes. Depuis
1789, les Européens n'ont jamais été
aussi déssaisis du pouvoir. Nous ne
saurions survivre sans le soutien de
l'Etat, avoir accès aux soins médicaux
ou funéraires si nous ne faisons pas
corps avec le système. Tout agent de
l'Etat peut faire de nous ce qu'il
voudra. De plus en plus souvent, ils
exigent le remboursement à l'Etat des
prestations sociales et des pensions
perçues, avec effet rétroactif, s'ils
estiment que la situation du débiteur a
quelque chose de louche. Aux US, les
prestations de l'Etat rétrécissent,
comme les bons postes de travail se
raréfient, mais les frais d'inscription
pour les étudiants sont en hausse.
Nous sommes face à
des lendemains lugubres. L'intelligence
artificielle va mettre des millions de
gens au chômage, si le chômage peut
encore exister comme tel. Les
milliardaires vont se pavaner comme sous
l'Ancien Régime. Tous ceux qui
s'indignent des excès de la Révolution
française ou de la Révolution russe, et
qui les imputent aux juifs et aux
franc-maçons, vont avoir une occasion
d'en juger par eux-mêmes, car le régime
pré-révolutionnaire pourrait bien être
en train de revenir. La démocratie n'y
survivra pas; nous n'y survivrons pas, à
moins que nous choisissions l'esclavage.
Pourquoi est-ce que les Européens ne se
multiplient pas, pour survivre, vous
demandez-vous? Survivre pourquoi faire?
La réponse est à chercher dans le sens
de la vie.
Si tellement de
gens appellent au niveau subconscient de
leurs voeux une nouvelle grande guerre,
elle arrivera, à moins que sainte Greta
Thunberg et ses guerriers verts
n'aient balayé notre civilisation
auparavant. Dès qu'ils auront le champ
libre, nous allons être ramenés à l'Age
de pierre.
Ce serait moins
traumatisant de revenir à certaines
recettes déjà testées dans nos jeunes
années de baby boomers. Aidons les gens
à rêver d'un avenir meilleur, aussi
radieux que notre passé l'était. En
voici les ingrédients:
-
Que les loyers soient abordables.
Même The Economist, la revue
britannique thatchériste, le
suggère. Pour cela, il faut que la
propriété immobilière cesse de
rapporter, et que ce soit
douloureux. Des taxes foncières
dissuasives, et interdiction pour
les propriétaires de jeter les
locataires à la rue. Taxation des
logements vacants. Cela, les
travaillistes anglais dans les
années 1960 l'ont fait, avec le plus
grand succès, et les propriétaires
occupants ont remplacé les
propriétaires spéculateurs. Cela
serait taxé d'antisémitisme, à tous
les coups, mais qu'est ce qu'il y a
de mal dans un peu d'antisémitisme
au niveau pratique?
-
Revenir à la conscription dans les
forces armées. La guerre est trop
importante pour qu'on la
sous-traite. C'est stimulant, pour
un jeune homme, de faire son service
militaire. Quelqu'un qui n'a jamais
servi dans l'armée peut devenir un
John Bolton, un cruel apprenti
faucon, et en envoyer d'autres à la
guerre. Un homme qui a servi sous
les drapeaux peut devenir un John
Kennedy, qui se battra pour la paix.
Il n'y a pas de mouvement
anti-guerre aux US parce qu'il n'y a
pas de listes d'appelés. Les jeunes
Américins s'en fichent, des guerres
sans fin en Afghanistan et en Syrie,
parce qu'ils ne sont pas appelés à
aller se battre là-bas et à mourir
là-bas. Le service militaire
ramènerait une politique militaire
responsable.
-
Faire que les choses durent. Une
voiture peut servir pendant trente
ans, si elle est bien entretenue. L'IPhone
a été conçu pour ralentir le
vieillissement des vieux modèles, et
c'est un bon exemple. Que chaque
objet soit réparable. Rendre
obsolète le terme obsolète.
-
Encourager les artisanats plutôt que
la production de masse; maintenir de
hauts salaires pour les
travailleurs, limiter la migration
de masse et l'importation massive
d'aliments. Mettre fin au tourisme
de masse.
-
Si vous en voulez encore, apprenez
aux enfants que la cupidité est plus
grave que le racisme. Mettez les
financiers sur la paille. Ils ne
devraient pas gagner plus qu'un
travailleur qualifié. Taxez-les
durement, pas tellement dans une
perspective de redistribution, mais
afin de sauver ces gens dynamiques
de l'avarice comme religion, et
orientez-les vers des activités
utiles. Comme Henry Ford, Walt
Disney et notre Ron Unz qui ont su
prendre ce virage. Ce n'est pas une
coïncidence si ces personnalités se
méfiaient de l'amour traditionnel
des juifs pour l'argent.
Le paradis perdu de
notre époque de baby boomers est plus
facile à retrouver que notre jeunesse.
On en a bien profité, à votre tour, les
gars!
(1) "Allez les
gars" https://www.youtube.com/watch?v=uj3mQuvU_w8
Israel Shamir
can be reached at adam@israelshamir.net
This article was
first published at The
Unz Review.
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