Analyse
Julian Assange dans le box des accusés
Israël Adam Shamir
Israël
Adam Shamir
Vendredi 13 mars 2020
L'audience
concernant
l'extradition d'Assange a fait très
peu de bruit dans les médias. Même le
Guardian et le New York Times
se sont contentés de la metionner sans
s'attarder, alors que ces mêmes organes
se sont fait des fortunes en publiant
les câbles fournis par Assange. A moins
de chercher précisément cela, vous ne
sauriez même pas que du 24 au 27
février, la première étape de l'examen
de la demande d'extradition était jugée
au tribunal de Woolwich Crown qui est
rattaché à la prison de Belmarsh,
familièrement appelée le "Guantanamo
britannique". Heureusement pour nous,
l'ambassadeur Craig Murray,
l'indomptable combattant pour la vérité,
s'y est rendu, a poireauté pendant des
heures dans la file d'attente sous la
pluie, a supporté les fouilles et
l'inconfort, et il a rédigé un
rapport détaillé (12.000
mots) sur ce travestissement de justice
baptisé "procès". Ses notes ne laissent
rien passer, depuis l'atmosphère lourde
de menaces jusqu'aux sinistres arguments
légaux. Il a perçu la menace de mort et
l'abus de pouvoir frisant la torture
publique, et il a offert le tout au
monde entier, quelque chose qu'aucun des
journalistes qui émargent dans les
médias de masse n'a été autorisé à
faire. Voici quelques aperçus de son
rapport, que je transmets librement,
assorti de données provenant d'autres
sources. Le tribunal a été
constitué sans autre objectif que celui
d'exclure le public, sur une île
accessible seulement après une
navigation dans un dédale de ruelles à
double sens; tout, l'emplacement comme
l'architecture du bâtiment, a été conçu
de façon à interdire l'accès au public.
C'est à vrai dire simplement l'aile des
condamnations à la prison de Belmarsh.
Le juge, la magistrate (ou juge de
district) Vanessa Baraitser est une
version moderne de
George Jeffrey, dit le "juge qui
pendait", le juge Dredd au féminin. Elle
est la méchanceté même selon toutes les
descriptions de l'audience, ne se
contentant pas de tolérer les
requêtes de l'accusation, mais en
rajoutant. Les avocats s'exprimant au
nom des plaignants ont effectivement
demandé quelques aménagements pour que
le procès ait au moins un air honorable.
Elle a visé la jugulaire. Si elle le
pouvait, elle ferait pendre Assange sur
le champ.
Cette dame juive
est entourée de mystère: elle n'a pas
laissé la moindre trace sur internet.
L'enfant qui vient de naître a plus de
présence sur le net que cette femme
d'âge moyen. Je doute qu'une telle
opacité puisse s'implanter de nos jours
sans l'assistance active des services
secrets.
L'ambassadeur
Murray écrit: "Mme Baraitser n'est pas
une mordue de la photo, il semblerait
qu'elle soit le seul personnage public
d'Europe occidentale à ne pas avoir de
photo sur internet. Certes, un
propriétaire moyen d'une station de
lavage de voitures laisse plus de
preuves de son existence et de
l'histoire de sa vie sur le web que
Vanessa Baraitser. Ce n'est pas un délit
de sa part, mais je soupçonne qu'il
faille déployer des efforts tout-à-fait
considérables pour expurger autant de
données. Quelqu'un m'a même suggéré
qu'il pourrait s'agir d'un hologramme,
mais je ne le pense pas. Les hologrammes
ont plus d'empathie."
John Pilger avait
vu Mme Baraitser à l'œuvre à l'occasion
des audiences précédentes d'Assange, en
octobre 2019. Il écrivait: "j'ai assisté
à de nombreux procès et j'ai vu des
juges abuser de leur position. Cette
juge, Vanessa Baraitser, nous a tous
scandalisés, tous ceux qui étions là.
Son visage était un enchaînement de
rictus et d'indifférence impérieuse;
elle s'adressait à Julian avec une
cruelle arrogance. Lorsqu'Assange
prenait la parole, Baraitser manifestait
un profond ennui; quand c'était au tour
de l'avocat de la partie civile, elle
était toute ouïe. Quand l'avocat de
Julian décrivait la CIA l'espionnant,
elle ne bâillait pas, mais son
désintérêt était tout aussi expressif.
Son coup de genou dans le bas-ventre
avait été d'annoncer que la prochaine
audience aurait lieu dans la lointaine
Woolwisch, qui jouxte la prison de
Belmarsh et qui n'a que peu de sièges
pour le public. Cela garantira
l'isolement et ce sera aussi proche d'un
procès à huis clos que possible".
De fait, c'est un
procès secret, ce qu'on a vu là. Il y
avait des journalistes des grands
médias, mais "pas un seul des faits et
des débats d'aujourd'hui n'a fait
l'objet de la moindre note de presse,
nulle part, dans les grands médias".
Le premier jour,
James Lewis QC pour l'accusation a tenté
d'enfoncer un coin entre Assange et les
médias. Il a mentionné l'Acte sur les
secrets officiels de 1989, qui déclare
que le simple fait d'obtenir et de
publier un secret gouvernemental est
déjà un délit. Or donc, suggérait-il,
cela signifiait que les journaux qui
avaient publié les fuites de Julian
seraient coupables de délits sérieux? Il
a plaidé que des organes comme le
Guardian et le New York Times
ne sauraient être passibles de procès,
parce que l'on ne reprochait pas à
Assange d'avoir publié des câbles mais
seulement d'avoir publié les noms de
certains informateurs, tout en cultivant
des relations avec Manning et en
l'assistant pour faire du piratage
d'ordinateurs. Les médias mainstream ne
sont coupables d'aucun crime, puisqu'ils
n'ont publié que des câbles dûment
désinfectés.
Mais la juge
Baraitser n'a pas accepté cette approche
végétarienne. Elle était assoiffée de
sang. Elle a fait appel à l'Acte de 1989
sur les secrets d'Etat, selon lequel le
simple fait d'obtenir et de publier le
moindre secret gouvernemental est un
délit. Et Baraitser en a profité pour
suggérer que cela signifiait que les
journaux qui publiaient les révélations
de Manning seraient coupables d'un grave
délit.
Lewis a suivi la
juge et a admis qu'effectivement, les
journalistes mainstream aussi sont
coupables, reniant complètement ce qu'il
avait dit dans sa déclaration
précédente. En fin de compte, aucun de
ces jeux de rôle n'avait la moindre
importance dans la mesure où aucun média
n'a soufflé mot de cet échange, et que
cela n'a pas été inséré dans les
comptes-rendus journaliers remis à la
presse. Les journalistes ne se sont
servis que de ces textes préparés
d'avance, qui sont tellement pratiques
pour faire du copier-coller dans leurs
propres articles.
L'argument
principal de la défense était que le
motif des poursuites était entièrement
politique, et que les délits politiques
étaient spécifiquement exclus par le
traité d'extradition en vigueur entre US
et Royaume uni. Pour un juge normal et
au demeurant humain, cela aurait dû
suffire à invalider toute l'affaire.
Mais la Baraitser avait une carte
marquée dans sa manche. Même si le
Traité d'extradition entre l'Angleterre
et les US interdit les extraditions
politiques, il ne s'agissait là que d'un
traité, et on n'était pas dans le cas
d'une cour internationale, selon elle.
Cette exemption ne figure pas dans
l'Acte britannique d'extradition. Par
conséquent, l'extradition politique
n'est pas illégale au Royaume uni, par
ce que ... le traité n'a pas force de
loi dans son tribunal. Avec un tel juge,
pas besoin de parquet ...
La défense a
rapidement démoli les rationalisations
empreintes de sournoiserie de la juge en
faisant remarquer que toute extradition
doit satisfaire à deux conditions: (1)
le respect de l'Acte d'extradition
britannique, et (2) le traité
d'extradition spécifique qui régit le
pays en question. C'est le traité
d'extradition concerné qui fixe les
conditions dans lesquelles un prisonnier
devrait être extradé vers un pays
spécifique. L'Acte permet l'extradition
politique, et si le traité spécifique
d'extradition le permettait, le
prisonnier pouvait être extradé. Or ce
traité spécifique là, entre US et Grande
Bretagne, ne permet pas les extraditions
politiques. Donc Assange ne pouvait pas
être extradé légalement. Un élève de
sixième serait capable de suivre cette
simple logique. Néanmoins, l'ignoble
Baraitser a continué répéter que l'Acte
n'interdit pas l'extradition politique.
Nous ne savons pas quels trous
noirs cachés dans le passé glauque de la
juge Baraitser ont requis que son
histoire soit gommée par les agents
obscurs du M15, mais je soupçonne que
cette dame juive a une certaine
expérience de terrain dans l'Etat juif,
où les juges trouvent immanquablement
coupable un accusé goy, et où toute
torture est tolérée ou même encouragée.
Son souci principal
semblait être d'arranger le suicide de
Julian, ou au moins de le démoraliser
suffisamment pour que sa mort par
étranglement puisse apparaître comme un
suicide. Il avait bien l'air brisé,
effectivement. Le psychiatre distingué
Dr. Michael Kopelman a fourni une
expertise psychiatrique d'Assange au
tribunal, disant:
"Mr Assange
présente virtuellement tous les facteurs
de risque que les chercheurs d'Oxford
ont décrit chez les prisonniers qui se
suicident ou font des tentatives
létales... Je suis aussi confiant qu'un
psychiatre peut l'être, si son
extradition aux US devait devenir
imminente, Mr Assange trouverait le
moyen de se suicider". Ces mots sont
spécialement poignants aujourd'hui, car
nous avons appris que Manning a tenté de
se suicider, alors qu'il est sous les
verrous depuis le mois de mai dernier
dans un centre de détention à
Alexandrie, au motif qu'il refuse
obstinément de fournir des preuves
contre Assange. L'Etat profond US/UK est
une brute vicieuse qui veut punir
Assange et Manning pour avoir révélé ses
sales secrets. Seuls les "lanceurs
d'alerte" qui ont accusé Trump et ont
exonéré le
chef des voleurs de l'Ukraine Joe
Biden seront protégés.
Afin de pousser
Assange plus profondément dans le
désespoir le plus noir, Baraitser a
renforcé le régime d'isolement strict du
prisonnier. Assange était maintenu dans
une cage de verre blindée, il ne
pouvait ni entendre ni échanger le
moindre mot avec ses avocats. "Je crois,
écrit Craig Murray, que le confinement
d'Assange, style Hnnibal Lecter, lui le
pirate informatique intellectuel, est
une tentative délibérée pour mener
Julian au suicide."
Julian est
cruellement maltraité. Quand son avocat
espagnol a quitté le tribunal pour
rentrer chez lui, sur le chemin de la
sortie il s'est tout naturellement
arrêté pour serrer la main à son client,
avançant les doigts à travers une fente
étroite dans la cage de verre. Assange
s'est redressé pour prendre la main de
son avocat. Les deux gardes de sécurité
dans la cage avec Assange se sont
immédiatement mis debout, mettant la
main sur Julian et le forçant à se
rasseoir, pour empêcher la poignée de
main.
Le premier jour du
procès, Julian a été par deux fois
déshabillé et fouillé à corps, onze fois
menotté et cinq fois enfermé dans
différentes cellules de transit.
Fitzgerald, l'avocat de la défense, a
demandé au juge d'interférer et de
sauver Julian de cette maltraitance
patente. La Baraitser a toisé Fitzgerald
et a statué, d'une voix débordante de
mépris, qu'il avait soulevé des tas
d'objections auparavant et qu'elle avait
toujours répondu qu'elle n'avait pas
autorité sur l'état carcéral. "Vous
pourriez faire une recommandation, a
suggéré Fitzgerald, en général ils
tiennent compte des remarques du juge.
Même le conseil des parties civiles
James Lewis s'est levé pour dire que
l'accusation aussi aimerait qu'Assange
bénéficie d'un procès équitable, et
qu'il pourrait confirmer que la
suggestion de la défense était une
pratique normale. Mais Baraitser la
sanguinaire a sèchement refusé."
Edward Fitzgerald a
élevé une requête formelle pour que
Julian puisse être autorisé à s'asseoir
à côté de ses avocats au tribunal.
Julian est un "homme bien élevé, un
intellectuel" et pas un terroriste,
a-t-il expliqué. A nouveau, le conseil
de l'accusation James Lewis est
intervenu aux côtés de la défense, parce
que la notion de légalité de la
Baraitser ne fonctionnerait nulle part
ailleurs que dans les tribunaux
israéliens en Cisjordanie occupée. Lewis
a dit que les prisonniers, même les plus
dangereux des terroristes, faisaient des
apports depuis le box des témoins dans
les locaux de l'audience juste à côté
des avocats et du magistrat. A la haute
cour les prisonniers s'asseyent avec
leurs avocats dans les auditions
d'extradition, même dans les cas
extrêmes de criminels violents menottés
avec un agent de sécurité.
Baraitser a
répliqué qu'Assange pourrait constituer
un danger pour le public. C'était une
question de santé et de sécurité. Nom de
Dieu! Un tel cynisme n'a probablement
pas d'antécédents dans la justice
britannique, et devrait valoir à Ms
Baraitser une place réservée en enfer.
¨Pourquoi
devrait-elle maintenir Assange dans
cette boîte, l'empêchant d'entendre les
plaidoiries ou de donner des
instructions à ses avocats, alors que
même le conseil du gouvernement US ne
s'oppose pas à ce qu'Assange siège à
découvert dans la salle d'audience? On
l'amène menotté et lourdement escorté
poir ses trajets de la cellule solitaire
au tribunal jusqu'au box blindé par un
tunnel souterrain. Dans ces
circonstances, quel besoin de le
déshabiller et d'explorer son intimité?
Pourquoi ne lui est-il pas permis de
serrer la main ou de toucher ses avocats
par la fente de son box de verre blindé?
C'était une séance
de torture, pas une audience. Et ça va
reprendre au mois de mai, si Julian est
toujours en vie.
Israel Shamir : adam@israelshamir.net
Source The
Unz Review
Traduction: Maria
Poumier
Le sommaire d'Israël Shamir
Le
dossier Julian Assange
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