PALESTINE
La seule question qui reste à Gaza :
mourir par massacre ou par manque
d’électricité ?
Haidar Eid
Jeudi 22 juin 2017 Le
docteur Haidar Eid est professeur agrégé
au département de littérature anglaise,
Université al-Aqsa, Bande de Gaza,
Palestine.
15.06.2017 – Comme
partout ailleurs dans le monde,
l’électricité à Gaza donne accès à l’eau
potable et aux soins médicaux. Avec
elle, nous pouvons mettre les aliments
au réfrigérateur en été, avoir de la
chaleur en hiver et être relié les uns
aux autres et au monde extérieur. Cela
peut sembler très anodin – l’électricité
a été coupée à Gaza – mais c’est une
condamnation à mort pour les près de 2
millions de Palestiniens qui vivent
comme moi dans la bande sous blocus
israélien.
En fait, couper
l’électricité à Gaza est de facto
une déclaration de guerre contre la
population civile et une forme illégale
de châtiment collectif.
Pour ceux qui ne connaissent pas bien la
situation, aujourd’hui, le débat entre
les Gazaouis est de savoir si une
attaque militaire directe – l’usage de
bombes et d’armes à feu menées par
Israël-apartheid, - est une meilleure
façon de mourir que par un génocide
progressif, l’intensification du blocus
qui est imposé à notre minuscule bande
depuis 10 ans.
Pensez-y : y a-t-il des citoyens, dans
un autre pays du monde, qui débattent de
leur meilleure façon de mourir ?
Gidéon Levy, le courageux journaliste
israélien, a une réponse : « Ce qui est
en jeu, c’est le danger d’un autre
massacre dans la Bande de Gaza.
Contrôlé, mesuré, pas trop massif, mais
néanmoins un massacre. Lorsque les
officiers, les hommes politiques et les
commentateurs israéliens parlent du
‘prochain tour’, ils parlent du prochain
massacre. »
Les moyens et les
fins de l’AP
Israël-apartheid
maintient un blocus médiéval mortel sur
Gaza depuis 2007, quand le Mouvement de
résistance islamique Hamas a pris le
contrôle de la petite Bande après avoir
légitimement remporté les élections
législatives de 2006.
Ce blocus a été imposé parce que presque
toutes les grandes puissances de la
région, dont l’Autorité palestinienne
(AP) dirigée par le Fatah, ont rejeté le
choix démocratique des Palestiniens.
Le siège a encore empiré récemment,
lorsqu’en avril, Mahmoud Abbas, le
président de l’AP, a demandé à Israël de
couper la fourniture d’électricité à la
Bande de Gaza pour exercer une pression
sur le Hamas.
Cette demande fait suite, également en
avril, à sa décision de réduire les
salaires des fonctionnaires civils basés
à Gaza de 30 pour cent. Il devrait être
évident pour tout lecteur que les
résidents de Gaza ne sont pas seulement
des dirigeants du Hamas mais aussi des
Palestiniens ordinaires. C’est le peuple
qui endure ces coupes de salaires et
d’électricité.
Même après dix ans de blocus, la
situation ici à Gaza est pire que jamais
après ces dernières mesures. Des
hôpitaux, dont Al-Shifa à Gaza-ville,
ont cessé d’opérer, même dans les cas
urgents.
En raison des coupures d’électricité, 90
pour cent de l’eau fournie est
maintenant impropre à la consommation,
ce qui accroit le risque de maladie
propagée par l’eau polluée.
L’Autorité palestinienne a réduit ses
versements mensuels pour l’électricité
de 30 pour cent. Israël a donc autorisé
la fourniture de seulement 40 watts de
puissance à la Bande, sachant
pertinemment qu’il faut 400 watts pour
que Gaza couvre le minimum de ses
besoins vitaux.
Des avertissements
répétés
Ce n’est comme si
le monde n’avait pas été prévenu – à
maintes reprises.
A la mi-mai, le Comité international de
la Croix-Rouge (CICR) a mis en garde
contre l’effondrement imminent de la
Bande de Gaza, disant, dans un
communiqué sombre : « La rareté de
l’énergie et la pénurie sévère de
carburant à Gaza ont porté préjudice à
tous les aspects de la vie dans la Bande
(…). » Le communiqué alertait sur une «
crise imminente » dans les secteurs
public et de l’environnement en raison
du manque d’énergie.
En remontant à septembre 2015, les
Nations Unies ont averti que Gaza
pourrait être « inhabitable » d’ici à
2020. A l’époque, le rapport indiquait
clairement que le PIB de Gaza avait
chuté de 15 pour cent en 2014 et que le
chômage avait atteint le niveau record
de 44 pour cent, avec 72 pour cent des
ménages souffrant d’insécurité
alimentaire. Le rapport concluait que le
recul de développement avait été
accéléré par l’attaque israélienne sur
Gaza de 2014.
Ce mois-ci, les Nations Unies ont
reconnu que sans action immédiate,
la crise de l’électricité entraînerait «
l’effondrement des services vitaux, la
santé, l’eau, l’assainissement et les
services municipaux. » Mais étrangement,
les Nations Unies ne semblent pas
maîtriser le droit international puisque
l’ONU finit par accuser les Palestiniens
occupés pour cette crise, et non
l’occupant israélien.
D’autre part, Richard Falk, ancien
rapporteur spécial des Nations Unies sur
la situation des droits de l’homme dans
les territoires palestiniens, a appelé
un chat un chat, disant qu’il
considérait le siège sur Gaza comme «
une violation flagrante et massive du
droit humanitaire international » et un
« crime contre l’humanité ». L’écrivain
israélien Ilan Pappe parle également de
« génocide progressif ».
Ce qui est devenu
routinier
La terreur est que
des Gazaouis meurent tous les jours,
mais ils meurent de maladie à cause de
l’eau non potable ou du manque d’une
opération qui leur aurait sauvé la vie,
de famine parce que les cultures ne se
développent pas faute d’une irrigation
suffisante, ou des bébés meurent parce
qu’on ne peut pas les maintenir au chaud
dans les premiers jours de leur vie,
mais ces façons de mourir ne font pas la
une de l’actualité.
Les morts gazaouis ne font pas la une
des médias parce qu’elles sont devenues
la routine quotidienne depuis dix ans.
Seul Israël profite de ce silence, et
seuls les Gazaouis paient le prix de ce
silence.
Je cite à nouveau Gideon Levy : « Pour
les Israéliens, Gaza était et est un nid
de terroristes (…). Tous ses habitants
sont des meurtriers. Ils creusent des
tunnels terroristes au lieu d’inaugurer
des usines high-tech. Non, réellement,
comment se fait-il que le Hamas n’ait
pas développé Gaza ? Comment ose-t-il ?
Comment n’a-t-il pas développé
l’industrie sous blocus, l’agriculture
en prison et la haute technologie dans
une cage ? »
Le monde extérieur doit comprendre qu’il
n’y a pas grand-chose que nous, ici à
Gaza, puissions faire contre ce blocus
médiéval, à part appeler nos soutiens à
intensifier leur appel au boycott, au
désinvestissement et aux sanctions (BDS)
contre Israël. La moindre victoire du
mouvement BDS participe à la survie de
Gaza.
La communauté internationale a été
totalement incapable d’assumer ses
responsabilités. POINT. Les belles
paroles et la rhétorique vide ne
maintiennent pas en vie un enfant
palestinien qui pleure pour avoir du
lait. Elles ne fournissent pas non plus
un traitement à un malade en phase
terminale.
Nous n’avons qu’une lueur d’espoir, la
même que celle que les Sud-Africains ont
vue avant nous : une campagne soutenue
de boycott, de désinvestissement et de
sanctions contre Israël-apartheid,
jusqu’à ce qu’il respecte le droit
international.
Source :
Middle East Eye
Traduction : MR
pour ISM
Les dernières mises à jour
|