Opinion
Nouri al-Maliki va-t-il massacrer
les habitants de Falloujah ?
Gilles Munier
Gilles
Munier
Lundi 20 janvier 2014
Comme il fallait le craindre, Nouri al-Maliki
a interprété la livraison par les
Etats-Unis à l’Irak de missiles air-sol
Hellfire, d’armes et bientôt de
drones pour lutter contre
« Al-Qaïda », comme un feu vert pour
liquider son opposition
(1). En effet, depuis décembre 2012, les manifestations contre son
régime succèdent aux manifestations dans
la région d’Al-Anbar et au-delà. Tout a
commencé après l’arrestation des 120
gardes du corps de Rafeh al-Issawi,
ministre des Finances, tous accusés de
« terrorisme ». Puis la tension est
montée de plusieurs crans, en avril
2013, avec le massacre de Hawija, dans
la province de Kirkouk, où 50
manifestants ont été tués par l’armée et
les milices
SWAT(Special Weapons And Tactics).
Les protestataires accusaient le Premier
ministre de monopoliser le pouvoir et de
marginaliser la communauté sunnite. Pour
mémoire, Nouri al-Maliki est aussi
ministre de l’Intérieur, ministre de la
Défense et dirige personnellement la
Division Dorée, force spéciale pour
qui tout est permis.
Une opposition à visage plus ou moins
découvert
Lors de sa visite à Washington en
novembre dernier, Barack Obama l’ayant
assuré de son soutien pour lutter contre
le
«terrorisme », Maliki est passé à l’action en décrétant que le camp
de protestataires pacifiques de Ramadi
était un
« Quartier général d’Al-Qaïda », ce qui était loin d’être le cas. Il
l’a fait démanteler par l’armée le 28
décembre et, comme cela ne suffisait
pas, a ordonné l’arrestation d’Ahmed al-Alwani,
un député connu pour son soutien aux
manifestants. Résultat : le frère du
parlementaire et cinq gardes du corps de
ce dernier ont été tués et Falloujah
s’est soulevée. A Bagdad, quarante
députés sunnites ont démissionné en
signe de solidarité.
Al-Qaïda
en
Irak (AQI) n’a jamais été maître de
Falloujah. Nouri al-Maliki agite la
menace du
leadership de l’organisation islamiste comme l’ont fait les
Marines américains lors des deux
grandes batailles d’avril 2004.
Daash (Etat
islamique en Irak et au pays de Cham),
nouvelle appellation de l’organisation
djihadiste, y est présent comme partout
en Irak, mais il est loin d’avoir les
capacités militaires permettant de
s’emparer d’une ville de cette
importance. C’est la raison pour
laquelle il concentrait jusque-là ses
activités près de la frontière avec la
Syrie et dans le désert alentour
(2). Dans la
« Ville aux 100 mosquées », nom
donné à Falloujah, l’opposition est pour
partie encadrée clandestinement par des
organisations dirigées par des officiers
de l’ancienne armée irakienne, des
militants du
Parti Baas d’Izzat Ibrahim Al-Douri,
de l’Association
des Oulémas musulmans (AMSI) du
cheikh Harith al-Dari, ou du
Parti islamique de Tareq al-Hashemi.
Stratégie de la tension
La dernière provocation ourdie par
Maliki
–
car c’en est bien une - a non
seulement permis à
Daash de s’imposer comme partenaire
incontournable dans l’opposition civile,
mais elle a aussi redonné vigueur à des
organisations de la résistance irakienne
supplantées par
AQI comme les
Brigades de la Révolution de 1920 ou l’Armée islamique en Irak (3). La bataille de Falloujah aura-t-elle
lieu ? Pour l’instant, la ville est
assiégée et bombardée. Le Pentagone
donne au régime de Bagdad les
coordonnées des camps de
Daash repérés par ses satellites. Des milices tribales
Sahwa reprennent du service.
Washington va accélérer la livraison des
drones et des F-16 commandés, et sans
doute ajouter, à terme, quelques
hélicoptères
Apache pour ne pas laisser le
terrain aux marchands d’armes russes. A
Bagdad, les attentats anti-chiites
redoublent. Refusant de participer à une
nouvelle guerre confessionnelle, Moqtada
al-Sadr a demandé aux militaires
irakiens –
pour la plupart issus de milices chiites
– de ne pas tirer sur leurs frères
sunnites. Mais, comme Maliki joue la
stratégie de la tension pour se
maintenir au pouvoir après les élections
législatives d’avril prochain, il faut
s’attendre au pire. Hier, un premier
assaut a été lancé, pour commencer, sur
Ramadi.
Sur le même sujet, lire aussi :
Les cadeaux de Noël
de Nouri al-Maliki
http://0z.fr/5mu72
Partition de l’Irak
(suite) : le projet de Daash
(Etat islamique en Irak et au pays de
Cham)
http://0z.fr/fnkmu
Mais où est donc
passée la résistance irakienne ?
http://0z.fr/Gy_MA
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 21 janvier 2014 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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