Opinion
Guerre de l’eau turco-syrienne :
7 millions de Syriens menacés
Gilles Munier
Lundi 9 juin 2014
La guerre de l’eau
au Proche-Orient, déclenchée par Israël
en détournant les eaux du Jourdain et en
occupant le Golan, a de beaux jours
devant elle en Mésopotamie (Irak et
Syrie), dont les conditions de vie
des habitants sont étroitement liées,
depuis l’antiquité, au débit du Tigre et
de l’Euphrate.
Quand Suleyman
Demirel, Premier ministre turc a lancé
le programme GAP – construction de 22
barrages et de 19 centrales électriques
sur le Tigre et l’Euphrate - Hafez
al-Assad et Saddam Hussein lui prêtèrent
une arrière-pensée, celle de donner un
jour à la Turquie un énorme moyen de
pression sur leurs pays. On ne peut pas
dire que Demirel en 1992 les avaient
rassuré en répondant: « Nous ne
réclamons pas de partager leurs
ressources en pétrole, ils n’ont aucun
droit sur nos ressources en eau. ».
Le cauchemar devient
réalité
Un accord de
partage des eaux avait finalement été
signé entre les 3 pays, engageant la
Turquie à laisser s’écouler un minimum
de 500 m3 par seconde en direction de
ses voisins. Mais cela n’avait pas
apaisé la crainte des deux dirigeants
arabes, qu’à l’occasion d’une guerre
l’eau des barrages sur ces fleuves serve
à inonder leur pays ou à assoiffer leurs
peuples. Depuis le déclenchement de la
guerre civile en Syrie, ce cauchemar est
en passe de devenir réalité (1).
Premier acte : les
barrages de Tichrin et de
Tabqa (ou Thawra), situés dans la
région de Raqqa, sont passés des mains
gouvernementales dans celles des
djihadistes du Front al-Nosra,
puis de l’Etat islamique en Irak et
au Levant (Daash) autrement plus
redoutables. Heureusement, son chef Abou
Bakr al-Baghdadi – déjà maître
en Irak du lac Thartar et du barrage de
Falloujah - a ordonné à ses hommes
de laisser les ingénieurs syriens
assurer le fonctionnement des vannes et
des turbines qu’ils contrôlent.
Pour la population,
le soulagement a été de courte durée,
car c’était sans compter avec l’acte II
du drame qui se joue dans leur région.
La décision du gouvernement turc de
réduire le débit de l'Euphrate vers la
Syrie, puis de le bloquer, a provoqué
l’arrêt des turbines électriques du
barrage Tichrin (Octobre) et une
baisse de plus de 6 mètres du lac
artificiel Assad. On estime à 7 millions
le nombre de Syriens qui, de ce fait,
risquent d’être privés d’eau potable.
A Alep, touchée
depuis plusieurs mois par une grave
pénurie d’eau et d’électricité, les
habitants des quartiers pro-Assad font
la queue derrière les camions citernes
de l’armée, ceux des quartiers tenus par
les rebelles se contentent de ce qu’ils
récupèrent ici ou là… ou sont la proie
de trafiquants.
A suivre…
(1)
A new Turkish aggression against
Syria: Ankara suspends pumping Euphrates
water, par Suhaib Anjarini (Al-Akhbar
- 30/5/14)
http://english.al-akhbar.com/node/19970
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 9 juin 2014 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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