L'actualité du
droit
Contrôles au faciès:
le Gouvernement à l'aise avec les thèmes
du FN
Gilles Devers
Mercredi 26 août 2015
Dans la République molle du bien
contre le mal, les lascars se lâchent,
comme
l’inconnu Alain Vidalies, sous-ministre
des transports, à la recherche d’un peu
de notoriété car il voudrait prendre la
place de Rebsamen. Alors, lundi
sur Europe 1, il a pris le ton
outragé du combattant du bien, pour
revendiquer les contrôles
discriminatoires, donc au faciès : «
Chaque fois qu'on parle de fouilles
aléatoires, quelqu'un dit ça risque
d'être discriminatoire. Moi je
préfère qu'on discrimine effectivement
pour être efficaces plutôt que de rester
spectateurs.» Et le mec parle de
fouilles ! On va pouvoir fouiller les
gens, comme ça ? Gouvernement
de « Gauche »... qui
patauge dans la mare FN...
Discriminer pour être efficace…
Pauvre garçon… Un sous-ministre qui
revendique l'illégalité par présupposé
raciste, et qui ignore les réalités du
travail des policiers. Non, les
contrôles d’identité sont toujours
exercés par rapport à un but, car c’est
la condition de leur efficacité. Ça
paraît logique, non ?
I – Pas de
contrôle d’identité sans un cadre légal
et sans justification
Retenez bien
ce principe : lorsque les agents de
police procèdent à un contrôle
d’identité, ils doivent se situer dans
un cadre législatif, et justifier du
pourquoi. Contrairement aux idées
reçues, ils ne disposent d’aucun droit
général. Dans chaque procédure, ils
doivent expliquer dans quel cadre légal
ils ont agi, et quels éléments objectifs
étaient de nature à justifier le
contrôle. Si le contrôle n’est pas
justifié, il est déclaré nul et les
poursuites le deviennent aussi.
La question
fait l’objet d’excellentes études et
vous trouverez ici celle du
Gisti, complète et étayée de
nombreuses données pratiques.
II – Quatre
cadres légaux pour les contrôles
d'identité
Sommairement,
on distingue quatre cadres légaux
d’intervention.
1/
Personnes de nationalité étrangère
Selon
l’article L. 611-1 du Code de
l’entrée et du séjour des étrangers et
du droit d’asile (CESEDA), une personne
étrangère doit toujours disposer du
titre ou des documents l’autorisant à
circuler ou à séjourner sur le
territoire. Pour procéder à un contrôle
d’identité, les policiers doivent
justifier des éléments extérieurs qui
ont permis de présumer que cette
personne était étrangère.
Vous
trouverez dans l’étude du Gisti les
difficultés d'application de ce texte,
mais vous voyez déjà que les
déclarations du camarade Vidalies sont
juste idiotes : ces dispositions légales
ne permettent pas de contrôle aléatoire.
2/
Contrôle de police judiciaire
C’est la
seconde hypothèse, prévue par
l’article 78-2 du code de procédure
pénale, celle de la police
judiciaire, c’est-à-dire des actions de
police dont le but est la recherche des
auteurs d’infractions. Ce régime est
celui qui pose le moins de problèmes car
la loi donne des critères assez précis.
Pour qu’il puisse y avoir contrôle, il
faut qu’existe une ou plusieurs
« raisons plausibles de soupçonner » que
la personne :
- a commis ou
tenté de commettre une infraction ;
- se prépare
à commettre un crime ou un délit ;
- est
susceptible de fournir des
renseignements utiles à l'enquête en cas
de crime ou de délit ;
- fait
l'objet de recherches ordonnées par une
autorité judiciaire.
Là encore
nous pouvons coller un joli bonnet d’âne
à notre Sinistre des transports : un
contrôle aléatoire serait radicalement
nul.
3/
Contrôle sur réquisition du procureur
En fonction
des renseignements dont il dispose, le
procureur peut adresser aux forces de
police des réquisitions permettant de
contrôler l’identité de toute personne
dans les lieux et pour une période de
temps fixée, aux fins de recherche
d’auteurs d’infractions. Les
réquisitions du procureur de la
République doivent être écrites et
préciser les infractions recherchées,
les lieux et la durée des contrôles
d’identité.
Encore
bing sur le nez de Vidalies: hors
de question pour les policiers de
procéder à des contrôles aléatoires, qui
seraient des actes illégaux et des
fautes disciplinaires.
4/ Contrôle de police
administrative
La police administrative, ce
sont souvent les mêmes policiers sauf
qu’ils n’agissent plus pour rechercher
les auteurs d’infractions mais pour
prévenir les atteintes à l’ordre public.
On est donc
dans le domaine le plus subjectif car si
le fait infractionnel n’est pas survenu,
il doit tout de même y avoir les
éléments justifiant une intervention
policière. Dans ce cadre, les policiers
doivent prouver que leur action était
nécessaire « à prévenir une atteinte à
l'ordre public, notamment à la sécurité
des personnes ou des biens ». Les
éléments probatoires sont plus minces,
mais ils doivent exister, car encore une
fois, la loi n’autorise pas le contrôle
par simple opportunité.
Je renvoie à
l’étude du Gisti, qui montre la
complexité du problème, mais il est
clair que les policiers qui
indiqueraient, écoutant bêtement le
Sinistre des transports, qu'ils ont
procédé à des contrôles aléatoires, sans
autre motif que l’origine raciale ou
ethnique des personnes, commettraient
une illégalité flagrante, engageant la
responsabilité de l’État, et les
conduisant en correctionnelle.
III – Toute
forme de discrimination est illégale
Un contrôle
d’identité ne peut être ni aléatoire, ni
discriminatoire. Il doit être orienté et
justifié en lien avec prévention de
l’ordre public ou la commission
d’infractions. Je n’aborde pas ici la
manière dont sont apportés les éléments
probatoires, mais je souligne simplement
qu’il doit toujours y avoir un motif
pour justifier d’un contrôle d’identité.
Le contrôle
discriminatoire est celui qui est
effectué sans référence à l’ordre public
ou à des infractions, mais simplement en
fonction de l’origine ethnique de la
personne. Illégaux, ces contrôles
seraient débiles, car ils ne seraient
guidés par aucun but les liant à des
fauteurs de troubles ou à des
délinquants.
La CEDH a
jugé que « la
discrimination fondée sur l’origine
ethnique réelle ou perçue constitue une
forme de discrimination raciale »,
s’il n’existe « aucune
explication propre justifier la
différence de traitement entre les
personnes ».
Elle a ajouté que « aucune
différence de traitement fondée
exclusivement ou de manière déterminante
sur l’origine ethnique d’un individu ne
peut passer pour objectivement justifiée
dans une société démocratique
contemporaine, fondée sur les principes
du pluralisme et du respect de la
diversité culturelle » (Timishev
c. Russie, 13 décembre 2005, n°
55762/00 et 55974/00).
Oki,
Vidalies ? T’as pigé ? Tu écoutes quand
tes parents te parlent ?
Ce 24 juin,
la cour d’appel de Paris – et c’est
une première – a statué sur une dizaine
de recours formés pour des contrôles au
faciès, et dans cinq dossiers, elle a
jugé que des «
présomptions graves, précises et
concordantes »
permettaient de retenir que les
contrôles avaient été réalisés «
en tenant compte de l’apparence physique
et de l’appartenance, vraie ou supposée
à une ethnie ou une race », et
que l’autorité publique avait « échoué
à démontrer en quoi ces contrôles
étaient justifiés ».
L'addition? Faute lourde de l’Etat, et
condamnation à verser des
dommages-intérêts aux personnes
contrôlées abusivement parce que de
manière discriminatoire.
Pour le fun, je
rappellerais que
le candidat Hollande s’était engagé
à ce que les dispositions soient prises
pour que les contrôles au faciès
prennent fin. Aujourd’hui c’est son
ministre qui veut les généraliser : tout
va bien !
*
* *
Les flics sont des gens
sérieux, et donc ils ne vont pas se
laisser distraire par les déclarations
débiles de ce demi-ministre. En effet,
s’ils appliquaient sa consigne, ils
seraient amenés à contrôler ce drôle de
basané...
et à laisser filer ce gentil
garçon, avec sa bonne tête de
chrétien...
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