Palestine
Assassiner le leader du
Jihad Islamique
n’apporte rien à Israël.
Alors pourquoi l’avoir fait ?
Gidéon Levy
Vendredi 15 novembre 2019
Gidéon Levy, Haaretz le 14 novembre 2019
Une fois encore, la
sacro-sainte unité est venue. Une fois
de plus, nous formons un seul peuple,
sans opposition ni débat public, une
parade d’hommes et de pom-pom girls dans
les médias, une effusion de sang sans
regrets, comme cela se produit toujours
dans ces situations nauséabondes.
Israël simule une
scission parmi le peuple, qui disparaît
magiquement après chaque assassinat.
Nous discutons de la vie mais nous
sommes d’accord sur la mort, tant que
les morts sont des Arabes. Si nous
sommes automatiquement d’accord pour
toutes les actions militaires, il n’ya
pas vraiment de polarisation ni de
débat, et c’est vraiment très mauvais.
Une opposition
juive, qui condamnera une action
violente des forces de défense
israéliennes quand elle commencera, doit
encore naître. La résistance ne vient
que quand elle commence à échouer. Les
gens ont ensuite le courage de
manifester, mais il est toujours trop
tard. Au début, seule peut émerger la
question marginale du timing, ce refuge
de lâches. Nous aurions dû le faire
avant, cela aurait dû être plus tard,
mais pas maintenant, l’opération
actuelle, par exemple, est
ostensiblement teintée de considérations
électorales, comme si cela pouvait être
prouvé.
Si le bain de sang
est inévitable, le moment choisi n’est
pas important. Et si c’est criminel et
nuisible, aucun timing ne changera cela.
Juste décider. Même la haine du Premier
ministre Benjamin Netanyahu a été
oubliée : Yair Lapid se félicite de
l’attaque, Benny Gantz la loue comme
étant «la bonne décision» et Amir Peretz
déclare: «Le plus important est de
fournir un soutien total à Tsahal.»
Pourquoi ? Parce que. Toujours ? Oui.
On peut accepter
l’argument selon lequel Baha Abu al-Ata
soit responsable des tirs de roquettes
incessants sur Israël, mais il faut
savoir que le siège de la bande de Gaza
est responsable de plus de roquettes que
tous les commandants du Jihad islamique
et du Hamas réunis, et bien sûr,
personne n’en parle. Abu al-Ata a grandi
dans la bande de Gaza dans des
conditions qu’aucun israélien ne peut
imaginer, et a choisi la voie de la
résistance militaire, une voie brutale.
Il y a aussi des Israéliens qui ont
choisi de servir leur peuple dans
l’armée.
L’assassinat d’Abou
al-Ata ne sert à rien. Qu’avons-nous
gagné ? Comment son assassinat et celui
des autres ont-ils servi les intérêts
d’Israël ? Si même cette question n’est
jamais débattue, alors nous sommes
victimes d’une grave paralysie
cérébrale. La situation d’Israël
est-elle plus sûre le lendemain de
l’assassinat ? Les communautés du sud
sont-elles en meilleure forme ? Le
djihad islamique est-il plus faible ?
L’armée israélienne est-elle devenue
plus forte ? Les réponses sont non et
non. Aucun des généraux ou des analystes
n’a réussi à expliquer ce que Israël a
tiré de tout cela.
Il méritait la
peine de mort. Bien, nous vous avons
entendu, mais qu’avons-nous gagné ?
Voici un bilan provisoire : plus de
haine à Gaza, s’il ya encore de la place
pour davantage haïr ceux qui ont détruit
la vie de cinq générations et qui n’ont
pas cessé. Beaucoup de sang a été versé
et continue de couler – 22 Palestiniens
ont été tués dans la bande de Gaza
mercredi soir, la destruction et la peur
semées des deux côtés ne produisant
rien. Et bien sûr, il est clair que les
successeurs d’Abou al-Ata seront de plus
en plus extrême et dangereux, de même
que ceux qui ont remplacé les centaines
de dirigeants et de commandants
qu’Israël a tués au fil des ans, le tout
en vain.
Les éliminations
acclamées de Khalil al Wazir, Ahmed
Yassin, Abdul Aziz Rantisi, Thabet
Thabet, Ahmed Jabari ou Abbas Musawi
n’ont rien donné; les assassinats
héroïques de toutes ces personnes ont
été vains. Israël n’a rien gagné d’eux,
si ce n’est plus de sang versé.
Pourquoi Israël
continue-t-il ses assassinats ciblés ?
Parce qu’il peut. Parce que ce sont des
histoires héroïques. Parce qu’il aime
les combattants palestiniens morts.
Parce que le désir de vengeance et de
punition le rend fou. C’est ainsi que
vous montrez aux gens que vous faites
quelque chose sans vous retenir. C’est
ainsi que vous pourrez exécuter des gens
tout en affirmant qu’Israël ne pratique
pas la peine de mort. Parce que c’est le
moyen d’éviter la vraie solution. Parce
que personne n’a le courage de parler de
la vraie solution : lever le blocus et
parler directement au Hamas. Parce que
tout le monde ici applaudit aux
assassinats et n’ose jamais les
interroger. Demandez-leur à Kahol Lavan
et au Parti travailliste, demandez à
presque tous les Israéliens s’ils sont
opposés. Nous sommes tous en faveur.
Traduction : Agence
Média Palestine
Source:
Haaretz
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