Syrie
Présidentielles syriennes :
qui peut le plus peut le moins !
Fayçal Miqdad
Fayçal
Miqdad - Photo: D.R.
Lundi 28 avril 2014
L’escalade verbale devant la
détermination de l'État syrien à tenir
les élections présidentielles à la date
prévue et en conformité avec les
dispositions de la Constitution
syrienne, avec tout ce que cela comporte
comme chiffres, analyses, comparaisons,
et approches [1], cherche à suggérer que
l’État syrien n’est qu’une entité
virtuelle impuissante et incapable de
diriger le processus répondant à une
échéance présidentielle. Ce qui est
censé appeler à une intervention
extérieure :
-
Soit pour arriver à un accord
politique qui modifierait
fondamentalement la structure de
l'Etat en faveur de
l'intrusion d'une composante
issue de la « Coalition de
l'opposition », à laquelle serait
accordée un rôle central, comme le
voudrait la formule adoptée par
Lakhdar Brahimi à la Conférence de
Genève II ; formule qui a échoué,
car en
contradiction
avec les
dispositions de
la Convention de
Genève I d’une part, et
fondamentalement incompatible avec
la souveraineté
syrienne d’autre part.
-
Soit
pour présenter la
Syrie comme un état défaillant, ce
qui justifierait la mainmise du
Conseil de sécurité
de l'ONU sous
forme de mandat et de tutelle ; une
« déclaration constitutionnelle
provisoire » [2] autorisant ceux qui
seraient chargés de l’élaboration
d'une
nouvelle constitution à superviser
les
processus
électoraux
qui en résulteraient.
Cette approche
occidentale - menée par les États-Unis
et sur laquelle insistent tous les
intervenants onusiens en charge de la
Syrie, aussi bien le Secrétaire général,
son émissaire et tous les intermédiaires
- néglige le fait que la Syrie est
actuellement confrontée au terrorisme !
C’est ce même
terrorisme qui trouve encore ceux qui le
justifient, lui inventent des excuses en
le rangeant dans la catégorie des
réactions compréhensibles et légitimes,
le couvent, le financent, l’équipent,
lui ouvrent des couloirs pour envahir la
terre syrienne… c’est ce même terrorisme
qui ouvre le feu sur la plus importante
des échéances présidentielles de
l’Histoire syrienne et de ses
institutions politiques.
À ce stade,
certaines questions méritent d’être
posées :
-
Est ce que les
gouvernements occidentaux,
parfaitement conscients des
véritables capacités de l’État
syrien, persistent à faire semblant
de les ignorer ?
-
Est-ce que
ceux qui poussent au doute quant à
la compétence de l'Etat syrien, face
à cette échéance présidentielle
constitutionnelle, se rendent compte
qu’il est capable de la mener à bien
et plus encore, mais ressassent leur
scepticisme dans un contexte de
guerre psychologique visant à
extorquer de meilleures cartes pour
négocier ?
-
Est-ce que les
États, organes et organismes,
chargés d’évaluer les
responsabilités de l’État syrien,
ont noté dans leurs dossiers
respectifs des éléments
contredisant le contenu de
leurs déclarations, ce qui
confirmerait qu’ils pratiquent
l'hypocrisie, la tromperie, les
deux poids et deux mesures,
dans l’évaluation de la force, de la
persévérance, de la cohésion, et de
l’efficacité des institutions
étatiques en Syrie ?
En effet, deux
dossiers dominent toute approche
occidentale de la scène syrienne : celui
de la guerre contre le terrorisme et
celui du démantèlement des armes
chimiques.
La guerre contre
le terrorisme
L’Occident qui a peur
du retour de seulement quelques
centaines de combattants parmi les
dizaines de milliers qu’il a entrainés,
armés, leur facilitant l’accès au
territoire syrien, leur offrant une
couverture politique, médiatique, et
morale, jusqu’à les présenter comme
des révolutionnaires « pour la liberté »
[3] comme l’a déclaré à maintes reprises
le président français… sait parfaitement
que la Syrie fait face, seule, à une
guerre menée sur plusieurs fronts.
De l’avis même des
médias et rapports officiels
occidentaux, sa guerre contre le
terrorisme, qui dure depuis deux années,
a réuni deux fois plus de terroristes
qu’en Afghanistan ! Autrement dit, cette
guerre a recruté plus de la moitié des
organisations et formations terroristes
du monde entier et la Syrie a pu
résister et absorber, à elle seule, des
forces destructrices que les États-Unis
et nombre de pays européens ont échoué à
repousser. Et ceci, grâce à ses
institutions, à son Armée, à ses
services de sécurité, à ses engagés
volontaires des comités de défense
populaires, et à la cohésion de son État
sur l’ensemble de son territoire.
Par conséquent, il
est très étrange que ce scepticisme,
sans cesse réitéré, quant à la capacité
de l'Etat syrien d’assumer et de réussir
les défis de l’échéance présidentielle,
intervienne encore et toujours alors
même que les rapports occidentaux
débordent d’informations sur les
réalisations remarquables et
ininterrompues des Forces armées
syriennes contre les groupes
terroristes ; lesquels groupes se
désagrègent et perdent petit à petit
leurs prétendues places fortes sous les
frappes de cette Armée et devant la
ferme résistance du peuple syrien, et
voient leurs dirigeants tomber par
dizaines, voire par centaines,
quotidiennement. Tant et si bien que les
observateurs du monde entier concernés
par la lutte contre le terrorisme
international en sont stupéfaits, la
Syrie étant devenue le modèle unique qui
réussit là où d'autres ont échoué.
Tout cela, pendant
que la Syrie subit des sanctions
économiques injustes qui la privent de
l’usage de ses ressources et de ses
investissements pour assurer une vie
décente à son peuple, et alors que
nombre de services de renseignement
occidentaux et arabes montent les pires
complots contre sa sécurité, et que des
centaines de médias financés sans
limites, par des occidentaux et des
arabes, travaillent à défigurer son
image et à falsifier ce qui s’y passe
réellement.
Le démantèlement
des armes chimiques
Tout aussi important
que la guerre contre le terrorisme,
l’évacuation de l’arsenal chimique
syrien suit son cours sous les objectifs
des services de renseignement et des
médias du monde entier. Et, il est clair
que l’État syrien s’acquitte, au plus
près, de ses obligations quant au
transport sécurisé en vue de la
destruction de son important arsenal
chimique, telles que stipulées par les
conditions de son adhésion à l’OIAC
[Organisation pour l’Interdiction des
Armes Chimiques].
Cette adhésion de la
Syrie à l’OIAC, qui a fait qu’elle s’est
séparée d’un arsenal considéré comme
dissuasif face à l’arsenal nucléaire
israélien, suffit à elle seule pour
démontrer qu’une telle décision, assumée
dans des conditions aussi critiques, ne
peut être prise que par une direction
sûre d’elle-même, parce que hautement
confiante dans son peuple, ses
institutions et son Armée. Quoiqu’elle
soit de la plus haute importance, il
n'est pas exagéré de la comparer à la
décision historique du Président Bachar
al-Assad de retirer les troupes
syriennes du Liban en 2005, alors que
beaucoup pensaient que l'Etat syrien en
était incapable, et que rien que d’y
penser pouvaient mener à la
désintégration de l’État et de l’Armée à
la fois. Imaginez donc ce que ceux-là
attendaient du démantèlement de
l’arsenal chimique syrien !
Il n'est pas exagéré,
non plus, de dire que n’importe quel
autre état stable et dirigé dans des
conditions normales à l’abri de toute
sorte de guerre ou de terrorisme, aurait
sans doute été incapable de prendre une
telle décision avec un tel degré de
courage, de cohérence et de discipline.
Et ce, pour la simple raison qu’il
aurait refusé de prendre le risque d’une
rébellion ou d’une déstabilisation vu le
clivage interne sur ce sujet sensible.
Là aussi, il est
étrange de constater que ceux qui se
déclarent les plus sceptiques quant à la
prochaine échéance présidentielle
syrienne reconnaissent, avec
satisfaction, que la Syrie a évacué 90%
de ses armes chimiques [4] conformément
à l’accord conclu avec les Nations
Unies ; et ce, pendant que son Armée et
toutes ses institutions se battent sur
plusieurs fronts à la fois et font face
aux projets subversifs des uns et des
autres, notamment à celui qui a tenté de
saboter le programme prévu pour
l’évacuation des armes chimiques pour
mettre en cause le sérieux de l’État
syrien et son respect des accords
internationaux.
Plus étrange encore
est la fabrication de rapports accusant
la Syrie d’attaques au « chlore »,
nécessitant des commissions d’enquête
[5], pour détourner l’attention de ses
victoires contre les terroristes et le
respect de tous ses accords.
Mais la Syrie qui nie
absolument ces accusations, fabriquées
de toutes pièces, sait parfaitement que
cette nouvelle campagne accusatoire
vient couvrir les rapports prouvant
indiscutablement le rôle du gouvernement
d’Erdogan dans les massacres du peuple
syrien par, justement, des armes
chimiques !
Dès lors, d’autres
questions méritent réponses :
-
Est-ce
possible qu’un État capable de mener
une guerre contre le terrorisme
international à la place de toutes
les autres nations du monde en
remportant autant de victoires
malgré ses faibles moyens, là où
d’autres ont échoué malgré
l’abondance des leurs, soit l’objet
de débats quant à la capacité de ses
institutions à préparer des
élections présidentielles ?
-
Est-ce
possible qu’un État dont le monde
reconnaît la capacité à prendre des
décisions courageuses concernant une
arme de dissuasion dont dépend sa
sécurité, puis à respecter toutes
ses obligations, abstraction faite
des efforts et des moyens que cela
nécessite, soit l’objet d’un tel
scepticisme lorsqu’il s’agit de
gérer un événement moins dangereux
et extrêmement plus populaire ?
-
Est-il
possible que tous ceux qui sont
parfaitement au courant de la
situation savent qu’ils ne font que
mentir sur leurs doutes, dans le but
de continuer à poignarder la Syrie
déterminée à respecter la date de
ses élections présidentielles ?
La réponse est que la
Syrie, qui se bat contre le terrorisme
en partant de sa souveraineté et qui
respecte toutes ses obligations
internationales en tant qu’État
souverain,
assumera ses pleines responsabilités
face à la prochaine échéance
présidentielle en se fondant sur cette
même souveraineté.
Les doubles standards
ne pourront pas la dissuader de mener, à
son terme, la mission qui attend son
peuple et ses institutions, car c’est
avec l’État souverain en Syrie qu’a été
conclu l’accord sur les armes chimiques.
Comment se peut-il que cet État soit
digne de confiance sur ce sujet et ne le
soit plus sur d’autres ?
Pour conclure, les
Syriens tournent le dos à tous les
discours émanant d'un complexe
d'infériorité chez certains ou d’un
complexe de culpabilité chez d’autres.
Ils gagneront
là où d’autres les auront trahis ou
auront perdu !
Par Fayçal Miqdad
26/04/2014
Vice-ministre syrien
des Affaires
étrangères
Source : Al-Binaa
http://al-binaa.com/albinaa/?article=2974
Traduit de l’arabe
par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1]Syrie :
"L'élection présidentielle est une
parodie", selon Laurent Fabius
http://video.lefigaro.fr/figaro/video/syrie-l-election-presidentielle-est-une-parodie-selon-laurent-fabius/3493983507001/
Remarque : En France,
un candidat à l'élection présidentielle
ne peut faire partie du scrutin que si
un nombre minimum d'élus (ce nombre est
de 500, depuis 1976) l'ont présenté
auprès du Conseil constitutionnel (on
parle couramment de « parrainages »). Le
but principal de ce dispositif est de
limiter le nombre de candidatures
fantaisistes.
[2] Déclaration constitutionnelle
provisoire de la Libye préparée par le
CNT [qui devient CNS pour la Syrie…]
http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_constitutionnelle_provisoire_de_la_Libye
[3] Hollande franchit
un cran supplémentaire dans le soutien à
l'opposition syrienne
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20121117.FAP5355/hollande-franchit-un-cran-supplementaire-dans-le-soutien-a-l-opposition-syrienne.html
[4] La Syrie a évacué 90% de ses armes
chimiques
http://www.7sur7.be/7s7/fr/16921/Syrie/article/detail/1863179/2014/04/24/La-Syrie-a-evacue-90-de-ses-armes-chimiques.dhtml
[5] Attaques au
chlore en Syrie: l'ONU évoque une
enquête, sans prendre de décision
http://www.lorientlejour.com/article/864349/attaques-au-chlore-en-syrie-lonu-evoque-une-enquete-sans-prendre-de-decision.html
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