Interview
« Les dirigeants israéliens
devant la Cour Pénale Internationale ? »
Christophe Oberlin
Le
Professeur Christophe Oberlin – Image :
Youtube
Samedi 1er juillet 2017
Interview – En
préambule à une très prochaine
présentation de son ouvrage intitulé
« Le chemin de la Cour : Les dirigeants
israéliens devant la Cour Pénale
Internationale », Chronique de Palestine
a interrogé Christophe Oberlin,
Professeur de médecine à l’université
Denis Diderot à Paris et chirurgien
spécialisé dans la microchirurgie et la
chirurgie de la main. Christophe Oberlin
intervient depuis de nombreuses années
dans le secteur hospitalier de la Bande
de Gaza. Chronique de
Palestine : Christophe Oberlin,
pouvez-vous rapidement vous présenter,
en nous expliquant dans le même temps
les raisons de votre engagement si actif
aux côtés du peuple de Palestine ?
Christophe
Oberlin : J’ai toujours été attiré
par l’étranger et les étrangers. Quand
j’étais enfant je demandais comme cadeau
de Noël des cartes des régions les plus
reculées du monde, et j’essayais
d’imaginer la vie là-bas. A l’âge de
voyager, je suis parti en routard. Et
lorsque ma formation de chirurgien a été
terminée, j’ai toujours passé une partie
de mon temps à l’étranger pour opérer et
enseigner.
La Palestine est
venue en 2001, à la suite d’une
opportunité de voyage avec le Pr
Marcel-Francis Kahn et l’écrivain
François Maspéro. Depuis je me rend à
Gaza trois fois par an pour une dizaine
de jours.
C.P :
Pouvez-vous nous faire rapidement la
genèse de votre ouvrage « Le chemin de
la Cour : Les dirigeants israéliens
devant la Cour Pénale Internationale »,
paru aux Editions Erick Bonnier en
novembre 2014 ? Le contexte dans lequel
est né le projet ? Son but ? Les
soutiens dont vous avez pu disposer ?
C.O : L’une
des richesses du monde associatif est de
mettre en relation des personnes de
formation et de compétences différentes.
Dans le cas présent, c’est l’association
du médecin que je suis, attaché à la
prévention et non pas seulement au
traitement des blessures, avec un
juriste spécialisé dans le droit
international, maître Gilles Devers.
Sur le thème de
Gaza notre rencontre était inéluctable.
En juillet 2014 j’aurais dû être présent
à Gaza, mais nous avions décalé notre
voyage du fait du Ramadan qui tombait à
ce moment-là et nous sommes venus plus
tôt en juin. La guerre se profilait et
les équipes chirurgicales faisaient des
stocks de matériel en vue de l’offensive
israélienne. A mon retour la guerre a
éclaté, et c’est en rongeant mon frein
que j’ai appelé Gilles Devers afin de
faire déposer une plainte à la Cour
Pénale Internationale, dans l’espoir que
cela pourrait peut-être raccourcir la
guerre ne serait-ce que d’un jour.
Le livre raconte
cet épisode, qui est l’occasion de
glisser au lecteur des notions de droit
international appliqué. Et aussi de
montrer la duplicité de l’Autorité
Palestinienne qui ment effrontément,
jusqu’aujourd’hui, quand elle prétend
défendre les Palestiniens. Pour donner
un exemple, en dehors d’avoir bloqué
deux plaintes déposées à la Cour Pénale
contre les dirigeants israéliens, elle
n’a elle-même déposé AUCUNE plainte à ce
jour.
On s’aperçoit, en
consultant les médias, que journalistes
et politiques sont bien peu au fait de
cette véritable trahison. Mon livre
prétend donner à chacun, de façon
pratique et facile à lire, les quelques
notions indispensables. Une sorte de
« Droit International Humanitaire pour
les nuls » !
C.P : La
Cour Pénale Internationale (CPI) vous
semble-t-elle l’instrument adéquat pour
un jour traduire en justice les
dirigeants israéliens pour leurs crimes
de guerre ? Les accusations contre la
CPI d’avoir une attitude biaisée
lorsqu’il s’agit d’accusés bénéficiant
du soutien de l’Occident vous
paraissent-elles fondées ? N’est-il pas
exact que la très grande majorité des
jugés et/ou condamnés sont des
dirigeants ou chefs de guerre africains
?
C.0 : Tout
ce que vous dites là est juste, je m’en
explique longuement dans le livre. Mais
il y a la loi, qui est indiscutablement
bonne, et l’usage qu’on en a fait
jusqu’à présent. Il y a dans cette
affaire beaucoup d’entorses à la loi,
commises aussi bien par les États que
par les magistrats de la Cour, et en
particulier le procureur. Mais le statut
est bon et le droit se construit
progressivement avec la jurisprudence.
La machine est lancée et on ne
l’arrêtera pas… à condition de s’en
servir !
C.P : Malgré
ses limites évidentes, la CPI vous
parait-elle un instrument dont les
victimes dans tous les conflits
devraient aujourd’hui souvent se saisir
?
C.0 :
Absolument, la Cour est faite pour eux.
Et les populations civiles peuvent, dans
une certaine mesure, saisir la Cour
directement. L’un des mensonges les plus
répandus consiste à dire que seuls les
États ayant signé et ratifié leur
adhésion à la Cour peuvent la saisir.
C’est complètement faux, il y a de
nombreux exemples.
C.P : Y
a-t-il eu – dans votre action auprès de
la CPI – lors des bombardements
israéliens sur la bande de Gaza à l’été
2014 – tous les éléments nécessaires à
l’ouverture d’une enquête officielle
pouvant aboutir à la traduction en
justice des dirigeants israéliens ?
C.0 : Tous
les éléments juridiques étaient réunis,
mais il y a eu une trahison politique.
Mais il faut se souvenir que la
Palestine venait d’être reconnue comme
une sorte d’État, et le président Abbas,
quelques jours après le dépôt d’une
plainte par son propre Ministre de la
Justice Salim al Saqa, a dépêché à la
Haye le Ministre des Affaires étrangères
pour bloquer la plainte.
La procureure,
Fatou Bensouda en a immédiatement fait
état dans la presse.
C.P :
Pouvez-vous revenir sur le comportement
de l’Autorité palestinienne (Autorité de
Ramallah) tout au long de l’action à
laquelle vous avez si largement
contribué ?
C.0 : Les
dirigeants israéliens craignent le cour
Pénale internationale, car celle-ci
condamne les personnes responsables, et
non pas les pays. Et le message à
l’Autorité Palestinienne des pays
occidentaux qui pour l’instant
soutiennent Israël sans conditions, est
de préserver les dirigeants israéliens
sous peine de couper le financement de
l’Autorité.
Donc Abbas n’a pas
le choix, même s’il s’enfonce dans
l’ignominie. Abbas, contre l’avis d’une
partie de ses collaborateurs, refuse mordicus de
déposer plainte. Il pourrait facilement
le faire et obtenir gain de cause sur un
autre dossier qui est celui des
prisonniers.
Il pourrait aussi
recourir au droit européen,
l’exportation de produits de Cisjordanie
en Europe étant illégale. Il a plusieurs
boulevards juridiques devant lui mais
refuse de les emprunter.
C.P :
Considérez-vous que l’Autorité
palestinienne est aujourd’hui une aide
ou un frein pour le mouvement national
palestinien ? Selon vous, le
comportement de cette institution obéit
à quels intérêts, et répond à quelle
dynamique ?
C.0 : Le
principe d’une Autorité Palestinienne
n’est pas forcément mauvais, mais les
leaders actuels et en particulier
Mahmoud Abbas ne respectent pas les lois
palestiniennes ! La solution, ce sont
des élections que tous les Palestiniens,
quel que soit leur bord, réclament.
C.P : Pour
revenir à la CPI, quelles initiatives
seraient à prendre au niveau
international et dans le mouvement de
solidarité, pour obliger cette
institution à jouer pleinement son rôle
? Voyez-vous une articulation possible
avec la campagne BDS (Boycott,
Désinvestissement et Sanctions) ?
C.0 : Le
mouvement de solidarité n’a pas
d’initiative à prendre à la CPI, l’outil
a été créé pour être beaucoup plus
puissant, qu’il soit saisi par des États
ou des représentants d’États
« défaits », lorsque la souveraineté
d’un État n’existe plus.
En revanche les ONG
peuvent être très utiles pour servir de
force d’appoint, notamment au niveau du
témoignage. Le mouvement BDS tire son
efficacité d’un mode d’action
complètement différent mais aussi
capital : peser sur l’économie
israélienne. Il y a bien sûr là aussi
des aspects juridiques, mais d’une autre
nature, celle du droit d’expression.
C.P :
Avez-vous d’autres projets de
publication en préparation aujourd’hui ?
C.0 : J’ai
terminé, en collaboration avec Serge
Nègre, un livre consacré aux chrétiens
de Gaza. Un sujet passionnant sur
plusieurs plans, historique, politique
et sociologique. Le message que les
chrétiens de Gaza nous envoient n’est
pas celui que beaucoup imaginent. Le
livre sortira début octobre aux éditions
Erick Bonnier.
Propos
recueillis par Chronique
de Palestine | 27 juin 2017
Derniers
ouvrages de Christophe Oberlin
Le chemin de la
Cour : Les dirigeants israéliens devant
la Cour Pénale Internationale
Broché: 140 pages
Editeur : Erick Bonnier (1 novembre
2014)
Collection : Encre d’Orient
Langue : Français
ISBN-10: 2367600406
ISBN-13: 978-2367600406
L’échange
Broché: 183 pages
Editeur : Erick Bonnier (1 avril 2016)
Collection : ENCRE D ORIENT
Langue : Français
ISBN-10: 2367600694
ISBN-13: 978-2367600697
La vallée des
fleurs
Broché: 202 pages
Editeur : Erick Bonnier (20 juin 2013)
Collection : ENCRE D ORIENT
Langue : Français
ISBN-10: 236760021X
ISBN-13: 978-2367600215
Chroniques de
Gaza (2001-2011)
Broché: 224 pages
Editeur : Demi-Lune (7 avril 2011)
Collection : RESISTANCES
Langue : Français
ISBN-10: 2917112174
ISBN-13: 978-2917112175
Source: http://chroniquepalestine.com/dirigeants-israeliens-devant-cour-penale-internationale-interview-christophe-oberlin/
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